Les melons attendent dans le champ. Sous un hangar tout proche, la discussion est vive. D’un côté, le trésorier du groupement d’employeur de Cantemerle, de l’autre des saisonniers tunisiens. Hier, à Tournecoupe, ils sont dix-sept à avoir cessé le travail [Hier, le dix-huitième était dans le Vaucluse]. Un mouvement rare chez les saisonniers étrangers parce que ces travailleurs sont isolés, méconnaissent le droit du travail et craignent de ne plus pouvoir revenir s’ils s’expriment.
À Cantemerle, ces hommes sont employés à la cueillette des fraises et du melon par le groupement que préside Guillaume Pantagène, maraîcher du Vaucluse. Thierry Carboue de Tournecoupe en est le secrétaire et un acheteur, Alain Meffre, le trésorier. Guillaume Pantagène laisse ce dernier négocier. « Je l’ai déjà fait hier soir », dit-il. D’un côté, on compare salaires en France et en Tunisie, parle capacité de travail des Équatoriens, nécessité de sauver la récolte, de l’autre, on réclame l’inspecteur du travail, patine dans ses revendications. Elles portent sur plusieurs points : les conditions d’hébergement pour commencer. Les saisonniers sont logés dans des préfabriqués posés autour du vieux hangar qui fait office de réfectoire. Ils évoquent une gazinière et un frigo pour dix-huit personnes, l’absence de lumière dans les quatre dortoirs, d’hygiène, l’isolement. « On vient depuis 2008 et c’est à chaque fois pire », dit l’un d’eux. Guillaume Pantagène explique qu’il faisait loger les saisonniers dans des locations mais qu’aucune n’a voulu cette année. « On a fait venir un inspecteur du travail qui nous a dit de mettre une bâche pour séparer le réfectoire de l’établi », dit-il. Un deuxième frigo et une autre gazinière viennent d’arriver. L’électricité doit suivre. Autre point d’achoppement : les saisonniers assurent que des heures (vingt-sept) sont retirées chaque mois de leur bulletin de salaire pour couvrir hébergement et transport. Ce qui permet de réduire les heures supplémentaires, disent-ils. Guillaume Pantagène ne veut pas commenter mais glisse : « On a des accords au départ et ils reviennent dessus ».
Hier soir, à l’issue d’une journée de négociation, le retour au travail se profilait. Certains des portes parole craignaient d’avoir compromis leur avenir en manifestant. D’autant que l’obtention de leur titre de séjour est conditionnée au travail. « Ça fait quatre, cinq, parfois six ans qu’on travaille avec eux. On a intérêt à garder une main-d’œuvre qui est déjà formée », répondait hier soir Guillaume Pantagène.
Contrat Omi
Ces salariés ont signé des contrats Omi (office des migrations internationales). Ils durent un an dont pas plus de six mois en France. L’employeur doit prouver qu’il n’a pu trouver personne en France correspondant au poste. Or en maraîchage, « on passe des annonces à l’ANPE et on n’a aucune réponse », dit Guillaume Pantagène.
Leur presse (La Dépêche du Midi), 14 août 2011.