J’ai profité de ce texte pour travailler au mieux la féminisation des écrits. Je pense que c’est un point important sur lequel il faut se pencher, on oublie bien trop souvent que nous sommes conditionnées également par la structure de notre langue, par son vocabulaire et par ses règles de grammaire. Si certaines choses restent obscures, il est certains points qu’il est facile de notifier et le plus énorme me semble être celui de la règle grammaticale attribuant la supériorité au genre masculin. Rien de nouveau donc, simplement une insistance sur cette façon d’écrire que je ne retrouve que peu. La supériorité du genre masculin sur le féminin n’est pas un hasard issu du fait qu’il « fallait bien en choisir un », mais a des raisons historiques et sociales.
La question c’est : comment arriver à dépasser ça ?
J’ai vu et réfléchi à quelques solutions. La première – la plus utilisée – consiste à écrire toutes les possibilités séparées par un point ou un tiret. Par exemple, la combinaison de « tous » et « toutes » donne « tou.s.tes » et même « tou.s.te.tes » si on veut y inclure l’individualité de chaque personne à qui on s’adresse. Autrement dit, rien de bien pratique ni de très esthétique, quant à le prononcer à l’oral…
J’ai remarqué une idée intéressante qui consistait à « fusionner » les mots pour que chacun d’entre eux se retrouve dans le mot final. Pour reprendre l’exemple ci-dessus, le résultat serait donc tout simplement « toutes » qui contient effectivement « tous », « toute », et « toutes ». Ou encore pour parler de quelqu’un dont on ignore le sexe, utiliser le pronom « ille » au lieu de « il » qui est systématiquement utilisé quand on abstrait une identité, alors que ça pourrait tout aussi bien être « elle ».
Bref, reste les mots moins évidents à fusionner, comme « amoureux » et « amoureuses ». On peut mettre « amoureuxes » mais… c’est moche, non ? Enfin voilà l’idée que j’ai essayé d’appliquer à ce texte de ma composition, ce qui m’a permis de me rendre compte une nouvelle fois que quand les automatismes sont bien ancrés, il est très difficile d’y revenir.
La question que je me pose maintenant, et à laquelle je n’ai, honnêtement, que peu réfléchi, est de savoir si l’on peut revenir à la notion même de « genre ». Est-il réellement nécessaire d’instaurer une séparation linguistique en fonction du sexe ou du genre ? Autrement dit, y a-t-il réellement besoin d’utiliser la méthode appliquée ici ou suffit-il de laisser les gens accorder leurs mots comme ils ont envie de le faire sur le moment (et comme on avait coutume de le faire jusqu’à cette fameuse règle), sachant que cela pourrait être une source majeure d’incompréhension dans certains cas ?
Je vous laisse avec ces questions et bisous à toutes, donc !
« Voilà une belle victoire, mes amies ! »
Nous sommes au milieu d’une clairière inondée par le Soleil, parcourue par un vent qui, serpentant entre les herbes, nous fait grâce d’une fraîche brise dont notre peau se rassasie. Les animaux qui étaient jusqu’ici terrés dans ce qui leur restait d’à peu près vivable commencent à sortir de leurs limites devenues habituelles, ils se regardent, incrédules, n’arrivant pas à croire ce qui vient d’arriver. Leurs regards mêlent joie éternelle et consternation infinie. Nous sourions toutes ensemble en regardant le lointain, l’on y aperçoit ce qui est le dernier outrage et aussi le premier hommage à une planète trop longtemps oubliée. Une épaisse colonne de fumée se dégage, s’élevant au-dessus d’immenses flammes qui consument paisiblement les dernières villes.
Aujourd’hui, nous, les derniers êtres humains, avons enfin conquis notre liberté.
Le verbe dans une main, le fusil dans l’autre, nous sommes montées avec joie et effroi à l’assaut de la réputée imprenable forteresse de la mort. Nos combats furent sanglants et magnifiques, et beaucoup d’entre nous sont mortes dignement. Parfois, découragées, nous cherchions un abri où nous pouvions être un minimum à l’abri des projectiles ennemis, hélas bien souvent le confort y était tel que certaines, beaucoup, n’en revenaient jamais. Et d’autres fois, touchées par l’infamie, nous lâchions malencontreusement notre verbe ou notre fusil, ou même les deux ! – et nous errions malencontreusement au milieu de la bataille, nous trompant d’ennemies ou de direction. Et quand nous retrouvions verbe et fusil, nous devenions alors si beaulles que les ennemies en devenaient foulles et se mettaient à faire les pires choses, aussi bien pour nous que pour elleux.
« Vous avez créé la haine qui vous tue maintenant ! » leur disait-on, et elleux répondaient sans honte : « Vous avez tort, vous nous avez choisis pour porter vos voix et vous dites maintenant que nous mentons. Donc, les menteurs, c’est vous ! Nous usons de la force pour vous forcer à disposer du temps qui vous sera naturellement nécessaire afin de comprendre la nécessité absolue de nos décisons. »
Les ennemies semblèrent prendre le dessus sur le combat pendant longtemps. Trop, beaucoup trop d’entre nous avaient perdu leur verbe, et beaucoup encore avaient perdu leur fusil. Trop d’âmes esseulées pleuraient seules ou allaient affronter l’ennemie avec trop de témérité.
Et quand les ennemies dirent en plusieurs endroits : « Voyez, je ne vous veux pas de mal puisque je ne vous tue pas jusqu’au dernier. J’ai compris vos messages et je suis disposé à en tenir compte. Il n’y a plus d’inquiétude à avoir désormais », tousses ceulles qui avaient perdu leur verbe et leur fusil furent soulagées et sourirent de leur victoire, puis rentrèrent chez eulles.
Mais d’autres comprenaient qu’il n’était question ici que de manipulation stratégique et cherchèrent les autres voies par lesquelles l’ennemie pouvait s’engouffrer. Hélas, illes furent trop peu nombreuses et malgré quelques épiques batailles, les ennemies prirent le dessus pour ce qui s’annonçait être l’éternité.
Mais tousses ceulles qui n’avaient perdu ni fusil ni verbe firent émerger un univers entier sous celui des ennemies et organisèrent la riposte. Ils fabriquèrent des années durant des verbes et des fusils qu’illes répandaient à la surface de l’Empire de toutes les façons qu’illes estimaient nécessaires. Jusqu’au point de rupture, quand les ennemies ne purent plus museler, par le meurtre ou la noyade sociale, les mécontentes du monde entier, quand illes ne purent plus mentir scandaleusement, ils durent attaquer férocement. Et nous fûmes gaies et furieuses dans la réponse que nous lui avons apportée.
Des années durant nous avons usé de nos rages et de notre amour pour mettre à terre l’ignominie capitaliste, la pourriture chrétienne, l’infernal rationalisme et la maniaquerie idéaliste.
Voilà qui est chose faite.
Alors je me retourne en cherchant des yeux les ailes étincelantes de mes amours et je leur dis :
« Je vous ai aimées, je vous aime, et maintenant que vous êtes libres, vous n’en êtes que plus beaulles et je ne vous en aime que mieux. »
11 août 2011.