La semaine Foucault à Poitiers s’ouvre donc. Elle s’affiche odieusement sur les “sucettes” publicitaires et le “mobilier urbain” du propagandiste Decault. Foucault, natif de Poitiers, toujours boycotté de son vivant par les bureaucrates locaux, doit se retourner dans sa tombe de Vandeuvre-du-Poitou !
Et pour cause : cet universitaire, certes non anarchiste mais communiste et partageant une critique radicale de l’autorité, n’a cessé de produire une critique sans concession des méthodes castratrices et disciplinaires des pouvoirs patriarcal, capitaliste et étatique.
Sa critique a dénoncé, avec une pertinence redoutable, les dispositifs autoritaires au sein de cette société panoptique, dont il a souligné la similarité : la caserne, l’école autoritaire, le marché culturel et artistique, l’enfermement psychiatrique et médical, la prison — il a d’ailleurs fondé le GIP, groupe d’information sur les prisons.
L’auteur de Surveiller et punir a disséqué sans concession l’histoire de la diffusion d’un pouvoir biopolitique qui atomise les individus, plongeant son contrôle inquisitorial jusque dans leurs actes les plus quotidiens.
S’il est réjouissant de voir que les universitaires à l’initiative du projet considèrent que la pensée de Foucault mérite plus que jamais d’être connue, il est dans le même temps tout à fait insupportable d’assister à la muséification de fait de cet auteur, qui prônait une pensée vivante, une pensée de combat.
D’autant plus quand cette muséification est promue par des autorités locales, les mêmes qui mettent en œuvre à Poitiers toujours plus de gentrification, d’aliénation pseudo-culturelle, de surveillance, de stigmatisation des “marginaux”, de quadrillage des territoires à coups de coeur d’agglo et de grands chantiers inutiles, de répression par la police… et par la taule : le dispositif carcéral de la nouvelle taule de Vivonne résumant parfaitement tout ce que Foucault abhorrait.
Pour notre part, nous n’irons pas aux “événements” Foucault. Les conférences proposées ne sont sans doute pas dénuées d’intérêt… mais la meilleure façon selon nous de rendre “hommage” aux idées de ce philosophe, ne saurait certainement pas consister à lui tisser des lauriers dans le cadre d’un folklore vedettarial, vingt ans après sa mort, en vue de neutraliser le potentiel subversif de sa pensée ; mais à traduire et développer en actes, dans nos alternatives de vie et de luttes, la critique radicale commune d’une société autoritaire invivable.
Pavillon Noir, 21 mars 2013
On pouvait savoir que les situs et les « contempteurs du spectacle » aussi étaient suspects : on voit d’où ils venaient (« La révolution est à réinventer, voilà tout »). Ils n’avaient donc usurpé leur gloire rétrospective que de la description d’un totalitarisme imaginaire, c’est-à-dire, au mieux, d’une œuvre d’art ; un tel résumé vient juste pour soutenir le point de vue crypto-nashiste de la néo-Bibliothèque nationale ces jours-ci – ainsi que l’arrivisme des esclaves gloutons de la CIP-IDF© mendiant le privilège de faire le pitre et de lécher les subventions qui dégoulinent des lèvres des puissants :
« Cette confusion politique précise a même trouvé son expression idéologique adéquate dans une très moderne tentative de synthèse œcuménique entre l’“autonomie” activiste du “précariat” à la sauce de Toni Negri – qui légitime par avance toutes sortes de compromissions, négociations, demandes de subventions, etc. – et la critique du “spectaculaire intégré” initiée par Guy Debord, préalablement désamorcée par un facile jeu de mots sur le “spectacle” considéré du seul point de vue de sa superficialité bouffonne, et jamais, cela va sans dire, sous l’angle plus essentiel de la lutte contre les inquiétantes profondeurs des mécanismes de l’oppression. » (Ibid.)
La Cip actuelle n’est qu’une survivance des mobilisations qui ont suivi la réforme de l’Unedic de l’été 2003 (elle est d’ailleurs parfois nommé pour cette raison « coordination intermittentE et précaire »), et alors ?
« Antisociales » en falsifie l’histoire, dénature la portée de ce qui eu lieu là disqualifiant cette expérience et ce qui (à « la cip » et ailleurs) la prolonge. La rhétorique situ, le jeu du proc’ qui échafaude des histoires en prétendant dévoiler la vérité et par là l’erreur coupable contre laquelle établir un procès, son théâtre et ses verdicts, c’est une bien pauvre manière de jouir dans ses entraves. Faites donc, chers contempteurs du spectacle.
Lire : « Le capital n’a pas le monopole de la récupération » : la prétendue « CIP-IDF » en est elle-même un parfait exemple
« Les aventures de la “Coordination des intermittents et précaires d’Île-de-France”, en effet, n’ont pas pris fin avec le “mouvement des intermittents”, avant l’automne 2003, comme on s’attendrait d’une “Coordination” créée par et pour un “mouvement social” bien déterminé : pérennisée sous forme associative par quelques-uns de ses ultimes participants, elle a été recyclée en une structure militante permanente, dite par acronyme “CIP-IDF”, qui poursuit en réalité sous ce nom d’emprunt les buts et les actions du “PAP” (“Précaires Associés de Paris”), groupuscule d’agitation néo-gauchiste lui-même dissout sans explication vers la même époque. Voilà assurément un exemple instructif de la manière dont le système sait récupérer et conserver le nom – et le prestige – de ce qu’il détruit, pour contribuer à brouiller toute claire ligne de démarcation entre des perspectives pourtant radicalement antagonistes : ici, en l’occurrence, entre l’activité démagogique et opportuniste d’un groupuscule et la dynamique contradictoire d’un essai, maladroit mais sincère, de démocratie directe. »
Notice à l’Histoire de la Coordination des intermittents et précaires d’Île-de-France (Éd. Antisociales, octobre 2010)
Si le capital avait le monopole de la récupération, on irait pas loin. L’I.S récupérait le surréalisme en le dépassant (et des fois ça marchait trop bien, la position d’autorité du leader théoricien charismatique et l’exclusion pour marque de fabrique), il y a aussi des essai de récupérer telle ou telle partie du travail fait par Foucault, exemple, peut-on et comment faire usage l’analyse du néolibéralisme qu’il a proposé ? voir « Le gouvernement des individus »
http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=4023
ou de sa manière de problèmatiser le souci de soi ?
voir La parrhèsia : le courage de la révolte et de la vérité
http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=4440