[Calais] Violences policières : le rapport coup de poing des « No Border »

 

Le collectif vient de saisir le nouveau Défenseur des droits pour qu’il dirige une enquête sur les violences contre les migrants à Calais. Suite à leur saisine, Dominique Baudis doit rencontrer les associations lundi.

À peine officialisé dans ses fonctions, le tout fraîchement et premier Défenseur des droits, Dominique Baudis va devoir s’atteler rapidement à la tâche. En effet, le réseau d’aide aux migrants « No Border » de Calais Migrant Solidarity (CMS) vient de publier, mercredi 22 juin, un rapport sur les violences policières subies par les migrants à Calais.

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« Des armes délibérées »

Dans ce document, les militants, très présents sur le terrain, ont listé et documenté pendant deux ans les nombreux exemples de la répression policière dont ils ont été témoins, parfois victimes, bien souvent caméra à la main. Selon ce texte, celles-ci prennent des formes multiples, parfois insidieuses : physiques avec des migrants passés à tabacs, psychologiques avec la mise en place d’un « système de harcèlement », indirectes avec les nombreuses blessures (parfois mortelles) que s’infligent les migrants en tentant de fuir la police. « La brutalité et le harcèlement à Calais sont des armes délibérées utilisées au service des politiques française, britannique et européenne d’immigration », affirme le rapport.

« La police travaille dans des conditions difficiles »

Interrogé par le Nouvel Observateur sur ces accusations, le ministère de l’Intérieur reste prudent. « Officiellement, nous n’avons pas été destinataires de ce rapport. Nous répondrons au défenseur des droits s’il nous saisit. À Calais, ce que l’on peut juste dire pour le moment, c’est que la police aux frontières travaille dans des conditions difficiles et fait face à des situations humaines souvent désespérées », dit-on simplement au ministère.

Vers une enquête ?

Soutenu par une vingtaine d’associations et d’organisations telles que le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), la Ligue des droits de l’Homme, Emmaüs International, le Syndicat de la magistrature ou encore le Syndicat des avocats de France (SM), « No Border » a d’ores et déjà envoyé une lettre de saisine au Défenseur des droits s’appuyant sur ce dossier. Les associations demandent ainsi à Dominique Baudis de « mettre en œuvre les moyens d’investigation propres à vérifier et corroborer l’existence des violences constatées » par elles-mêmes.

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Une délégation devrait être reçue par l’ancien maire de Toulouse dès lundi ont annoncé les rédacteurs du document. Rappelons que le Défenseur des droits remplace désormais le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) et la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS). À ce titre, son action devrait être particulièrement observée.

« Une politique globale »

Pourquoi cette saisine ? « La teneur de ce rapport laisse penser qu’il ne s’agit manifestement pas de comportements individuels mais d’une politique globale et systématique décidée à un niveau bien supérieur que celui du policier de terrain », explique Benoist Hurel du bureau du SM. Une échelle de responsabilité qui n’aurait pas pu être démontrée par une multiplication de plaintes de migrants ou de militants victimes selon lui. Les recours judiciaires étant limités, le rapport devrait être tout de même remis à Thomas Hammarberg, commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Ce dernier avait d’ailleurs signifié au ministre de l’Immigration de l’époque ses griefs après sa visite à Calais. « J’invite les autorités françaises à garantir le respect de la dignité des migrants et à mettre un terme à cette pression policière », écrivait-il le 3 août 2010 à Éric Besson.

« Une violence constitutionnelle »

Mais pour Jean-Pierre Alaux, membre du Gisti, cette politique est ancienne. « On est depuis quinze ans dans un processus d’augmentation de la violence institutionnelle », annonce-t-il. Selon lui, cette violence a été développée par tous les gouvernements français pour tenter de dissuader les migrants de venir en Europe. Lutter contre le fameux « appel d’air ». Et à l’heure actuelle, non seulement Nicolas Sarkozy est à son tour confronté à « un échec », estime-t-il, mais il s’agit désormais « d’une prise d’otage étatique ».

« La politique d’immigration a créé une zone de non droit dans un lieu précis du territoire national », s’est également indigné Dominique Guibert de la Ligue des droits de l’Homme. Pour Catherine Teule, vice-présidente de l’association européenne des Droits de l’Homme, la nécessité d’une enquête est donc d’autant plus grande qu’à « la violence politique se rajoute à la violence judiciaire ».

Ce rapport intitulé « Calais : cette frontière tue » pourrait bien être suivi par d’autres émanant également d’associations d’aide aux migrants et menées à de nouvelles saisines.

Leur presse (Anne Collin, Le Nouvel Observateur), 22 juin 2011.

 

« Qui exige des policiers de tels actes ? »
Dix-huit associations dénoncent l’attitude de la police envers les migrants

Dix-huit organisations de défense des droits de l’Homme et des étrangers saisissent Dominique Baudis, défenseur des droits, d’un rapport sur les violences policières commises à Calais à l’encontre des migrants.

« Les cent ou cent cinquante incidents relatés dans le rapport sont trop nombreux pour qu’on ne les impute qu’à des comportements peu déontologiques. Le défenseur des droits doit déterminer le niveau où ces comportements sont initiés », lance Benoist Hurel, secrétaire national du syndicat de la magistrature. Dix-huit organisations pour la défense des droits de l’Homme et de soutien aux migrants ont annoncé hier qu’ils allaient saisir Dominique Baudis nommé hier défenseur des droits, en conseil des ministres (lire ci-dessous). Une rencontre est d’ailleurs déjà programmée lundi.

100 à 150 faits dénoncés

Il s’agit d’une saisine sur « les violences policières récurrentes à Calais à l’encontre des migrants et de leurs soutiens  ». Le collectif No Border a notamment rédigé un « rapport d’observation » recensant des faits qui auraient été commis depuis juin 2009 : « Procédures non respectées, comportements agressifs ou menaçants, lacération des biens des migrants, couvertures et tentes gazées, etc. » Cent à cent cinquante incidents sont ainsi recensés. « Le document remis à Dominique Baudis est le résultat de plusieurs années de présence sur le terrain, affirme Jenny, militante no-border. Plusieurs associations de terrain assurent le minimum humanitaire. Nous avons décidé d’avoir quant à nous une portée politique. Depuis juin 2009, nous notons, photographions, filmons et tenons un blog pour attester de ce qui se passe à Calais. » Président de l’Auberge des migrants, Christian Salomé a ainsi décrit le fait rapporté par un migrant : « Il a été interpellé jeudi à Calais, près de la zone de distribution des repas, et conduit au commissariat de Coquelles. Il a été relâché juste devant et laissé libre. Sauf que cette personne a le pied plâtré… »

D’où viennent les ordres ?

Secrétaire général du syndicat de la magistrature, Benoist Hurel, dénonce « l’illegalisme du pouvoir » pratiqué à Calais. Plutôt qu’intenter autant d’actions individuelles en justice que de faits relatés, le groupement d’associations a préféré mener une action collective. « Déposer cent ou cent cinquante plaintes au pénal de migrants ou de militants contre des policiers aurait peu de chance d’aboutir et fait encourir le risque de mettre en avant des défaillances individuelles, regrette Benoist Hurel. Cette démarche collective montre au contraire que ces agissements ne sont pas le fait de policiers peu déontologiques mais d’une politique d’humiliation systématique et d’intimidation gratuite. Cette démarche globale a un intérêt démonstratif et nous espérons que Dominique Baudis l’entendra. » Les militants estiment que les actes qu’ils disent être commis par les policiers envers les migrants ne sont pas le fait de fonctionnaires indélicats. Ils affirment que ces personnes obéissent à des ordres mais veulent savoir d’où viendraient ces ordres. « Qui exige des policiers de tels actes ? », résume un no-border.

Leur presse (Nord Littoral), 22 juin 2011.

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