Violences policières à Calais : un rapport et des vidéos

Depuis la fermeture de Sangatte, les militants de No Border, un réseau associatif européen qui lutte pour la liberté de circulation, soutiennent les migrants de Calais : une petite centaine de personnes, venues d’Asie centrale et d’Afrique de l’Est, réparties dans différents squats et campements précaires de la ville.

Depuis juin 2009, les No Border ont systématisé le « cop watching », cette pratique qui consiste à surveiller les interventions policières, à les filmer, les consigner, les diffuser.

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En avril dernier, Rue89 et Les Inrocks publiaient des vidéos tournées par les No Border. On pouvait voir les policiers, à l’aube, tenter de réveiller les migrants avec de la musique africaine. D’autres images, pas forcément spectaculaires, illustraient le harcèlement quotidien dont peuvent être victimes les migrants : surveillance permanente, utilisation non-justifiée de gaz lacrymogène, etc.

Saisine du Défenseur des droits de l’Homme

Après deux ans passés à amasser quantité de films, de photos et de témoignages, les No Border — en association avec une dizaine d’organisations dont l’Acat, Emmaüs International, la FIDH, la LDH, le Gisti, le Mrap, le Syndicat de la magistrature, etc. — ont décidé de saisir le Défenseur des droits de l’Homme au sujet de la situation des migrants de Calais.

Dans un document (PDF) remis à Dominique Baudis, tout juste nommé ce mercredi en Conseil des ministres, ils dénoncent les « violences policières à leur encontre ».

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Il s’agit de la première saisine de cette autorité qui remplace le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) et la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS). Ils doivent rencontrer le défenseur des droits « en début de semaine prochaine ».

Ce rapport de 42 pages – diffusé dans sa version intégrale par Rue89 et Les Inrocks — fait état d’une répression « systématique » :

« La brutalité et le harcèlement à Calais sont des armes délibérées utilisées au service des politiques française, britannique, et européenne d’immigration. L’idée est simple : dissuader les réfugiés de s’approcher de la frontière entre la France et le Royaume-Uni en les condamnant à une vie infernale. »

 

Extraits

Violence

« Dans un cas, des militants ont vu un homme se faire frapper, et sa tête claquée contre la fenêtre d’un fourgon, pour avoir demandé la permission de finir de se brosser les dents avant d’entrer dans le fourgon de ramassage (30 novembre 2010) et dans un autre exemple, un homme a été jeté à terre et frappé pour avoir demandé à chercher ses vêtements (8 avril 2010). »

« Dans certains incidents que nous avons documentés, il semble probable qu’aux blessures subies aux moments des fuites devant la police, s’ajoutent les blessures et les décès lors des tentatives de franchissement de la Manche.
Même si toutes les blessures ne sont pas directement imputables à des actes de la police, elles relèvent toutes d’un climat de violence suscitant une peur permanente lié à l’usage continuel de la force par celle-ci. » (Voir la vidéo d’une agression des policiers envers les migrants)

Harcèlement

« Voici une procédure typique : les réfugiés sont interpellés soit lors d’un raid, soit dans la rue ; ils sont emmenés à Coquelles (à 5 kilomètres environ) et détenus pendant quelques heures ou toute la nuit — ou parfois juste quelques minutes ; ils peuvent être interrogés ou pas, ou leurs empreintes peuvent être prises ; ils sont relâchés sans la moindre inculpation ; ils font les 8 kilomètres ou plus à pied jusqu’à leur lieu de vie ; la même chose arrive le lendemain, ou quelques heures plus tard.
Quelques réfugiés sont transférés du commissariat au centre de rétention en attendant l’expulsion, mais ce n’est qu’une minorité des cas. Il n’est pas rare que les réfugiés de Calais soient arrêtés de manière répétée jour après jour, ou plus d’une fois dans la même journée. »

« Sur cinq mois, d’avril à août 2010, nous avons enregistré 1054 arrestations, une moyenne d’un peu plus de 210 par mois. En fait, cela est sans doute une sous-estimation vulgaire du total : le véritable nombre pourrait avoir été le double. »

« Une stratégie étonnante consiste en l’utilisation de tactiques rappelant les “PsyOps” de l’armée américaine, telles que les privations de sommeil, en conduisant la nuit dans “l’Africa House” tous feux allumés et en diffusant de la musique très fort. » (Voir la vidéo de voitures de police pleins phares, musique très forte)

Maltraitance

« Mis à part arrêter les gens, c’est monnaie courante que les policiers acteurs de ces rafles lacèrent ou abattent les tentes, qu’ils brisent des fenêtres et même qu’ils renversent l’eau ou bien la contaminent, qu’ils aspergent les draps et les couvertures de gaz lacrymogène, ou bien qu’ils détruisent ou volent des biens. Ceci est la réalité quotidienne. »

« C’est devenu courant lors des rafles policières sur les squats et les jungles que les réserves de nourriture soient détruites, que l’eau soit vidée ou contaminée, que les containers d’eau soient détruits et que les ustensiles de cuisine soient détruits ou volés.
Parce que les campements sont souvent loin des sources d’eau, les réfugiés doivent marcher de longues distances en portant de l’eau pour boire, pour faire la cuisine, et pour laver. Les attaques policières sur les stocks d’eau et les containers sont donc une méthode brutale et dévastatrice qui sape la santé et l’hygiène des migrants, ainsi que leur énergie. » (Voir la vidéo d’un migrant battu par un policier, à 1’30)

Racisme

« Un réfugié soudanais nous a informés qu’après la rafle du 14 mai 2010 sur “l’Africa House”, des CRS ont raillé des Africains en faisant des cris de singe. »

Leur presse (Zineb Dryef, Rue89), 22 juin 2011.

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