Une ville chinoise sous tension après des manifestations contre une usine
La ville de Shifang, dans le sud-ouest de la Chine, était sous haute tension mardi, les autorités annonçant une répression implacable contre des protestataires opposés à la construction d’une usine polluante, tandis que la police intervenait pour disperser des rassemblements.
D’après des habitants interrogés par l’AFP, des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre faisant usage de gaz lacrymogènes et de matraques se poursuivaient mardi pour le deuxième jour consécutif.
Shifang, une ville de 220.000 habitants, se relève à peine des destructions provoquées par le séisme du Sichuan qui a fait 88.000 morts et disparus en 2008.
Selon le gouvernement, des manifestants ont attaqué lundi des bâtiments officiels en lançant des briques et des pierres, ont endommagé des véhicules et s’en sont directement pris à la police et à d’autres fonctionnaires.
Deux protestataires ont été tués dans les manifestations, a rapporté l’organisation de défense des droits de l’Homme Chinese Human Rights Defenders. Cette information n’a pas pu être vérifiée de manière indépendante, tandis que ces décès n’étaient mentionnés ni par la police, ni par le gouvernement.
La police de Shifang a mis en garde les manifestants mardi, annonçant qu’ils allaient être « sévèrement punis » s’ils continuaient à mener des actions « illégales ».
« Quiconque a incité, planifié ou organisé des rassemblements illégaux, manifestations ou marches de protestation ainsi que ceux impliqués dans des destructions et des pillages (…) seront sévèrement punis », d’après le communiqué.
« Tous ceux qui utilisent l’Internet, les messages par téléphone portable ou d’autres méthodes » dans les mêmes buts « doivent immédiatement cesser leurs activités illégales », poursuit la police.
Des rassemblements sporadiques continuaient néanmoins à avoir lieu mardi, selon des témoignages recueillis par l’AFP.
« Je viens de me rendre sur une petite place près du centre-ville, il y avait là plusieurs centaines, peut-être plus d’un millier de personnes. Au moment où je me suis mêlé à la foule, la police a fait usage de gaz lacrymogènes », a déclaré une femme par téléphone sous couvert de l’anonymat, en milieu d’après-midi.
En début d’après-midi, « il y avait encore beaucoup de badauds (dans les rues). Je suis également sorti pour voir. La police chassait les gens à coups de matraques », a déclaré un autre habitant.
Il a ajouté que la police avait fait usage de gaz lacrymogènes dans la matinée.
Un site internet gouvernemental, enorth.com.cn, a également fait état de l’usage de gaz lacrymogènes et de grenades assourdissantes contre les manifestants lundi à Shifang.
« Plusieurs policiers ont été blessés et des dizaines de voitures de police ont été endommagées ou renversées », selon ce site qui rapporte que « durant la dispersion, 13 personnes dans la foule ont été légèrement blessées et ont toutes été emmenées par des ambulances ».
La police et le gouvernement de Shifang sont de leur côté restés injoignables mardi.
Des photos postées sur l’Internet et dont l’authenticité n’a pas pu être immédiatement vérifiée par l’AFP montraient des affrontements entre des centaines de policiers anti-émeutes et les contestataires.
Plusieurs de ces photos montraient aussi des manifestants couverts de sang, tandis que sur d’autres on pouvait voir des centaines de personnes défiler dans les rues, portant des banderoles appellant à l’abandon du projet d’usine.
Cette usine métallurgique traiterait des métaux lourds comme le cuivre et le molybdène. Devant les craintes de la population pour l’environnement, le gouvernement local avait annoncé lundi l’arrêt de sa construction.
Les questions de pollution sont devenues un sujet fréquent de mécontentement en Chine, où l’environnement a été sacrifié sur l’autel d’une croissance économique et d’une industrialisation effrenées.
Les autorités chinoises craignent pour la stabilité sociale du pays, en particulier avant le congrès du Parti communiste prévu cet automne, qui doit voir une nouvelle génération de dirigeants accéder au pouvoir à Pékin.
Presse polluée (Robert Saiget, Agence Faut Payer, 3 juillet 2012)
Chine : un projet d’usine polluante arrêté suite à des manifestations
Un projet d’usine métallurgique a été stoppé lundi par les autorités de la ville de Shifang, dans la province du Sichuan (sud-ouest), après des manifestations d’habitants craignant la pollution qu’il aurait engendré, a-t-on appris de source officielle.
Cette usine de transformation de métaux du groupe Sichuan Hongda devait produire des alliages à base de molybdène et de cuivre.
« Face à l’incompréhension et à l’opposition de la population, et après avoir étudié la question, le comité du Parti et le gouvernement de la ville ont décidé de demander à l’entreprise chargée du projet d’en arrêter la construction », selon un communiqué posté lundi sur le site internet du gouvernement local.
Mais dans une « lettre ouverte » à la population, le gouvernement explique que le projet d’usine utilise « les normes et les équipements les plus avancés au niveau international » et « n’aura pas d’influence sur l’eau souterraine ou de surface », ni d’une manière générale « sur l’environnement ».
Le gouvernement appelle dans cette lettre les habitants et les élèves au calme et à se consacrer respectivement à leur travail et à leurs études.
Selon des photos postées sur Sina Weibo, le premier service de microblogging chinois, une foule de plusieurs centaines de personnes protestait contre la construction de l’usine.
Le gouvernement a annoncé la constitution d’un groupe de travail chargé de collecter les avis et les propositions des habitants par rapport au projet industriel.
L’environnement est souvent sacrifié en Chine sur l’autel de la croissance et de l’industrialisation et il n’est pas rare que des pollutions industrielles soient à l’origine de soulèvements.
Il arrive parfois que les autorités soient obligées de reculer ou de modifier leurs projets face à l’opposition de la population.
Durant l’été 2011, une usine fabricant des panneaux solaires avait ainsi été provisoirement fermée à Haining (est) après des manifestations, tandis que les habitants de Dalian (nord-est) avaient obtenu le déménagement d’un complexe pétrochimique qui devait être implanté dans leur ville.
Presse polluée (Agence Faut Payer, 2 juillet 2012)