Le commissariat du cours Verona, siège du bureau de l’immigration de la police turinoise, a appelé, jeudi 9 juin, une quarantaine d’Égyptiens et les a invités à se présenter pour compléter les dossiers afin d’obtenir des permis de séjour… mais c’était en fait des expulsions prévues pour eux. Ils ont alors été chargés de force dans les fourgons et transférés au commissariat central de la rue Grattoni. Devant le cours Verona, il n’y avait que trois ou quatre solidaires et une dizaine de proches mais l’information a circulé rapidement et de manière efficace si bien qu’en peu de temps un rassemblement d’une soixantaine de personnes s’est formé entre personnes solidaires, amis et proches.
En plus des unités mobiles de la police et des carabiniers pour protéger l’entrée du commissariat, on a pu entrevoir un responsable de la direction du CIE (équivalent CRA) du cours Brunelleschi et plus d’un fonctionnaire de la Digos (« police politique ») assez nerveux. Le rassemblement était déterminé à rester là, malgré quelques militants cherchant à calmer les esprits, promettant des actions légales, des rencontres avec le commissaire et des coups de téléphone aux journalistes.
En quelques instants, les forces de l’ordre se sont transformées en anti-émeutes, cherchant à bloquer d’abord un côté, puis l’autre de la rue. C’était alors clair qu’ils cherchaient à charger les personnes sans papiers dans un bus pour les expulser depuis l’aéroport, mais ça ne se fait pas facilement sous le nez d’un ami ou d’un frère !
Aux cris de « liberté, liberté » que les personnes solidaires criaient de dehors, accompagnés des réponses des Égyptiens dedans, un tour un peu plus large a été fait, pour éviter les blocs des flics, venant du cours Vinzaglio, et pour chercher de bloquer le bus de déportations des amis à l’intérieur. Nous nous sommes divisé.e.s en deux groupes pour tenter de couvrir les directions possibles.
La ville offre de bons instruments à des yeux qui les cherchent, et en moins de temps qui faut pour le dire, les bennes à ordures ont été renversées au milieu de deux rues et leur contenu a commencé à voler en direction des flics et des carabiniers, qui voulaient repousser les manifestants. Les tubes en fer d’un chantier, une partie des pavés de la rue, d’autres ordures en plus : tout sert pour affronter les flics et ralentir le trafic, qui se paralyse en quelques minutes, rendant difficile le trajet des fourgons en aide au bus de déportation. Le petit groupe de militants italiens qui précédemment espérait résoudre la situation par un bavardage avec le commissaire, s’est volatilisé de suite, alors que sur le cours Matteotti, les manifestants affrontaient une lacrymogène et l’autre groupe, sur le cours Bolzano, s’est vu forcé de s’offrir à un corps à corps contre les agents furieux.
Mais quand la nouvelle est apparue que le pullman a réussi à partir, le frémissement de rébellion s’est refroidi ; quelques-un.es sont allés à l’aéroport pour tenter de voir les expulsés, quelques autres se sont dispersés pour ne pas faire de mauvaises rencontres.
Il y a eu quelques blessures pour les manifestants, pour les forces de l’ordre on ne sait pas. La Digos a peu de raison de s’agiter… Quand, en une heure de temps, ton oncle, cousin, beau-frère, frère, t’est enlevé, et en plus à l’aide d’un piège, la chose la plus naturelle est de s’enrager et de tenter de l’empêcher. La chose la plus belle est de le faire ensemble, dans la rue.
Et réussir à le faire réellement…
Lundi 13 juin 2011.