Le jeudi 11 juin à 11h se tenait devant le tribunal un rassemblement en soutien aux personnes poursuivies pour « résistance abusive » dans le cadre de l’expulsion du squat La Mangouste.
Ce lieu situé bd Louis XIV a été habité pendant plusieurs semaines et a accueilli des bouffes, des proj’, des discussions, des concerts… Il a été expulsé avec fracas par le GIPN accompagné d’une centaine de flics le 26 février 2015. Cela coûte cher de mettre des gens à la rue, et à présent ils veulent nous faire payer la note.
Ainsi, en ce jeudi matin ensoleillé, nous nous sommes retrouvés sur le parvis du tribunal autour de quelques tracts et thermos de thé et café. Nos banderoles parlent d’elles-même : « 6000 logements vides, occupons-les ! » et « Face aux expulsions, aucune résistance n’est abusive ». Une quarantaine de personnes ont répondu présent, et c’est sur un fond musical que plusieurs personnes se sont succédé au micro pour parler squat, expulsion, solidarité et résistance.
Les passants s’arrêtaient et nous signifiaient souvent leur soutien.
Tout le monde n’a cependant pas apprécié car il n’a pas fallu attendre très longtemps pour voir la bleusaille excitée sortir du tribunal. Dans un premier temps, 4 flics ont essayé de couper de force la sono. Devant notre refus, ils ont essayé de s’en emparer, en vain. Ils ont rapidement appelé du renfort pour calmer notre résistance qu’ils jugeaient encore une fois abusive. Dès leur arrivée, ils ont essayé de se saisir d’une personne, tout en gazant à plusieurs reprises et à bout portant d’autres qui tentaient de s’opposer à cette arrestation. Profitant de la confusion, ils ont capturé 2 autres personnes qui ont été étranglées, plaquées au sol et gazées une fois à terre.
Et comme cela ne suffisait pas, ils en ont profité pour jouer de la matraque sur les gens à proximité.
Tout ça sur le parvis du tribunal de Lille, sous le regard complice des représentants de leur justice qui allaient déjeuner.
Nous ne sommes pas surpris par ces méthodes, nous les connaissons bien. Les flics agissent de cette manière tous les jours : ils contrôlent, tabassent, expulsent, dans les rues, les quartiers, les métros… Ne nous laissons plus faire !
Face à la violence de l’État et de ses chiens de garde : Organisons notre résistance !
Texte lu pendant le rassemblement :
Il y a quelques mois, nous étions une dizaine à ouvrir un immeuble vide depuis plus de 6 ans, bâtiment appartenant à l’Institut Pasteur. Nous avions besoin d’un toit pour nous loger, pour vivre. Mais pas seulement. Dans la foulée de notre expulsion, Jacques Richir, président de l’Institut Pasteur, a déclaré que ce n’étaient pas des jeunes sans ressources qu’il expulsait, mais des militants politiques, des gens qui ne sont pas dans le besoin. Jacques Richir, également conseiller régional, voudrait opposer le besoin vital à l’acte politique, l’envie de vivre au besoin de porter une parole et des gestes subversifs. Jacques Richir est aussi adjoint à la mairie de Lille. Pour lui, la politique est une fonction, un métier, qui s’exerce quelques heures dans un bureau, déconnecté du monde extérieur. Pour nous, la politique n’a jamais été ça. Elle n’a jamais été une activité en soi, qui soit séparée du reste. C’est parce que nous voulons vivre dans des conditions matérielles décentes que nous rentrons en contradiction avec ce monde triste, cynique et non-vivant et vice-versa. L’une ne va pas sans l’autre. La vie et la politique font partie d’un même mouvement.
La Mangouste était notre maison. Nous avons ouvert ce lieu pour y vivre ensemble et organiser des activités. Entre autres : des projections de films, des repas collectifs, des discussions, des bars, et notamment un concert de soutien à la caisse anti-carcérale de Lille. En peu de temps, la Mangouste a rassemblé plein de motivations et de gens différents. Elle a aussi connu pas mal de visites des huissiers, et quelques attaques de la part des flics. Une première fois dès que nous nous sommes rendus visibles. Il s’agissait alors d’une simple démonstration de force, qui nous a tout de même forcés à rester cloîtrés chez nous pendant deux heures, sous les menaces d’une quarantaines de bleus. La seconde, c’était pour prendre nos identités. Plus nombreux, mieux équipés, et accompagnés de serruriers, les flics se sont attaqués en vain à notre porte, sous les insultes du quartier et les jets d’urine des habitants. Ça pique. Finalement, l’expulsion a lieu au petit matin, avec 150 keufs qui ont bouclé le quartier. Le GIPN était de la partie. On n’en attendait pas moins. Il faut dire qu’on ne s’était pas laissés faire, et c’est bien pour ça que nous passons en procès aujourd’hui. Accusés de « résistance abusive » par l’Institut Pasteur, ce dernier nous réclame maintenant des dommages et intérêts, ainsi que des frais d’huissiers. En gros, ils nous demandent de payer notre expulsion. 10’000 euros pour avoir vécu 2 mois et demi dans sa propriété. Ça pique.
S’ils parlent d’une résistance abusive, c’est parce qu’il existe une résistance acceptable. Acceptable, et même souhaitable, pour l’État. Une résistance qui soit de l’ordre du symbolique, et qui n’ait plus rien à voir avec sa définition première, c’est-à-dire « faire obstacle à une action ou à une force ». une résistance acceptable, jusqu’au moment où il faut s’arrêter et se rendre. Il s’agit du paradigme même de la démocratie : intégrer la contestation, à condition qu’elle adopte des formes précises, admises par le pouvoir. L’État n’est pas là pour régler les conflits. Il est là pour créer des faux-conflits, vider les conflits de leur contenu, les faire dégénérer en quelque chose de mort, de pacifié, de démocratique.
Ils parlent de résistance abusive, et nous rions beaucoup. C’est vrai que nous étions équipés d’urine, de quelques bouts de pains rassis, et d’une porte bien fermée. Ce sont ces armes qui ont tenu en échec une quarantaine d’hommes armés de pistolets automatiques, de flashballs, d’un bélier… Au vu des moyens utilisés, il est clair que le conflit était vraiment asymétrique. Si c’est plus d’égalité qu’ils veulent, nous sommes preneurs.
Avec ces échecs concrets de ses dispositifs policiers, l’État s’est vu forcé de reconnaître que La Mangouste était un lieu qui ne lui appartenait pas, et qu’il ne pouvait pas récupérer. Un endroit de désertion, qui tirait sa force de sa résonance dans un quartier, des liens multiples qu’il avait su tisser. La Mangouste n’est pas un bâtiment abandonné au milieu du boulevard Louis XIV, elle n’est pas les 8 habitants qui l’ont ouverte. La Mangouste est la convergence entre un endroit, des liens créés, des énergies déployées dans tous les sens, des centaines de gens qui y sont passés, quelques semaines ou quelques heures. L’État a repris ce territoire à l’aide d’un dispositif militaire et policier. Pour autant, tout ce que la Mangouste a dégagé d’énergie et de liens n’est pas resté enfermé derrière les parpaings d’un immeuble muré.
C’est pourquoi nous avons aujourd’hui appelé à ce rassemblement, pas tant pour avoir une influence dans ce procès, que pour faire perdurer la force qui s’est créée dans ces moments, mais aussi dans d’autres lieux et dans d’autres luttes, à l’Insoumise, dans les APU, dans les quartiers, etc.
Reçu le 18 juin 2015