Poursuivi pour apologie de terrorisme au tribunal correctionnel de Rouen
Ambiance
Quand l’exception devient la norme, alors ce qui était la norme devient l’exception. Quand le délire devient courant, ce qui lui y échappe se fait rare. C’est pourtant ce qui s’est passé ce 10 février au tribunal correctionnel de Rouen, où Franz Petermann, un jeune Elbeuvien de 24 ans, est poursuivi pour « outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique », « menace de mort à l’encontre d’un dépositaire de l’autorité publique » et surtout « apologie directe et publique d’un acte de terrorisme.
La nouvelle norme en terme de lutte contre « l’apologie d’acte de terrorisme », c’est la généralisation de cette tendance qui consiste aussi bien à condamner n’importe quelle provocation débile et parfois alcoolisée, qu’à auditionner des enfants pour des paroles confuses. Le terrain avait déjà été préparé par la loi du 14 novembre 2014 sur « la lutte contre le terrorisme » qui inscrit l’apologie d’acte de terrorisme au code pénal alors qu’elle était auparavant sanctionnée par la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Ce qui était un délit de presse devient alors un délit de droit commun : la comparution immédiate et le placement en détention provisoire sont dorénavant possible. Tendance renforcée encore par la circulaire du 12 janvier de la ministre de la justice Christiane Taubira qui demande aux parquets de faire preuve de réactivité, de vigueur et de fermeté face à « l’apologie du terrorisme ». Apparemment, les procureurs et les juges auraient bien reçu le message.
Stationnement gênant
Les choses ne se présentaient donc pas très bien pour Franz Petermann. Au départ, l’affaire est d’une banalité confondante. Il s’agit d’une dispute entre un conducteur et un policier. Le 13 janvier dernier, cet habitant de Saint-Pierre-lès-Elbeuf dépose sa femme devant la CAF d’Elbeuf (Seine-Maritime) et il l’attend dans sa voiture en compagnie de leur plus jeune fils âgé de 2 ans, sans prendre le temps de se garer convenablement. Mais le hasard veut qu’il se trouve à proximité du commissariat d’Elbeuf, qui comme tous les commissariats de France a reçu des consignes très strictes concernant le plan Vigipirate. Un jeune policier à la nuque rasée et à la moustache affûtée, équipée d’un gilet pare-balle et d’une mitraillette prend son travail au sérieux et veille à la sécurité de la rue de la Prairie. Il lui fait signe de se déplacer, en vain. Secondé par un collègue, et toujours équipé de sa mitraillette « qui n’est pas une Kalachnikov » tient-il à préciser au procès, il vient alors lui demander expressément de « dégager ». Le jeune homme estimant que sa femme va arriver exprime son refus. Le policier décide alors de le contrôler. La tension monte. Un « Je ne bougerai pas connard ! » serait lancé. Les policiers le sortent alors énergiquement de la voiture, à l’arrière de laquelle se trouve toujours son fils. Ça monte d’un cran encore. Il s’énerve. Ses propos méritent l’interpellation estiment nos gardiens de la paix. Il est menotté et emmené en GAV, auditionné puis placé en détention pour apologie d’acte de terrorisme en attendant son jugement.
Entreprise terroriste
Il faut dire qu’entre-temps les policiers ont eu le temps de se rendre compte qu’ils n’avaient pas à faire à un « client » ordinaire. En effet, Franz Petermann est sous contrôle judiciaire et mis en examen pour « association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste » depuis novembre 2014 – c’est d’ailleurs dans ce commissariat d’Elbeuf qu’il doit se rendre toutes les semaines pour son contrôle judiciaire, raison pour laquelle le prévenu laisse entendre qu’il aurait été reconnu dès le départ par les policiers. En effet, le 4 novembre à 6 heures du matin, les hommes du RAID et de la DGSI ont débarqué à son domicile où il vit avec sa femme et ses deux enfants. Le grand jeu donc : porte défoncée, policiers masqués, mitraillette au poing encore. Sa femme et sa belle sœur sont arrêtées en même temps que lui. Puis son frère qui se rend de lui-même au commissariat quand il apprend qu’il est également recherché. Âgés de 22 à 26 ans, ils sont soupçonnés d’appartenir à une filière jihadiste et d’organiser leur départ en Syrie au motif qu’ils sont en contact avec des Elbeuviens qui sont sur place, dont un certain Maxime Hauchard, originaire de Bosc-Roger-en-Roumois à 12 km de Saint-Pierre-lès-Elbeuf, reconnu sur une vidéo de Daesh qui met en scène la décapitation de 18 otages syriens et d’un américain. 12 km ! Il existe des proximités géographiques moins embarrassantes.
La suite est faussement classique : ils sont transférés au siège de la DGSI à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) pour un GAV anti-terroriste de 96 heures. Le frère et les deux jeunes femmes sont relâchés sans poursuite et seul Franz Petermann est mis en examen et placé sous contrôle judiciaire. Pour Xavier Nogueras, habitué à de telles affaires puisqu’il défend nombre de présumés terroristes, depuis mai 2014, les vidéos des premières décapitations et l’affaire Nemmouche, la norme absolue en matière d’anti-terrorisme c’est le placement systématique en détention. Être suspecté de terrorisme suffit pour être emprisonné. Et tant pis si « l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » s’applique aussi bien aux Nemmouche, Kouachi et consorts, qu’à ceux qui partent en Syrie pour revenir déçus et « repentis » cinq semaines plus tard et se « prendre entre quatre et sept ans de prison » déplore-t-il, comme elle s’applique aussi à celui qui poste un commentaire un peu trop favorable à Daesh sur le net. Un tel contrôle judiciaire est purement exceptionnel, presque incompréhensible : un « miracle ». Prévenu de cette apparente irrégularité le juge des libertés ne modifie pas le régime de contrôle judiciaire puisqu’il a été scrupuleusement respecté. Pour l’avocat, c’est bien la preuve que la DGSI ne dispose d’aucun élément sérieux. Les agents de la DGSI, peu habitués à de tels aveux, auraient laissé filer pendant la garde à vue qu’ils étaient en présence de véritables « bébés » comparés aux dossiers qu’ils suivent habituellement. Être musulmans convertis, voisins et amis sur Facebook, envoyer en Syrie quelques pulls pour l’hiver et un peu d’argent, et parler au téléphone avec des gens sur place ne suffit pas à faire une filière jihadiste, même avec la meilleure volonté du monde. « Un type d’Elbeuf qui part en Syrie, c’est un peu comme s’il partait sur la Lune, ça attire la curiosité » nous lâche son frère. L’idée d’aller en Syrie leur est en tout cas absolument étrangère assure son avocat.
Le procès
Il n’en fallait pas beaucoup plus pourtant pour qu’un journal local s’empresse de titrer : « Près de Rouen, le terroriste présumé menace de tuer des policiers à la Kalachnikov ». En cause, les propos qui lui valent cette seconde arrestation. C’est après avoir passé près d’un mois en prison qu’il est jugé ce 10 février. Une grande partie du procès s’est attardé sur ce qui a réellement été dit à cette occasion. Personne ne conteste l’outrage, c’est l’apologie qui fait débat. La juge, qui ne manque pas de rappeler à plusieurs reprises que le prévenu est mis en examen pour « entreprise terroriste », présente le désaccord. Pour les policiers, Franz Petermann aurait dit quelque chose comme : « Nous sommes nombreux, nous aussi on a des kalach, le sang va encore couler, ça ne vous a pas suffi ? » Dans ce cas-là la, référence aux attentats récents seraient explicites et l’outrage, la menace de mort et peut-être l’apologie constitués. Pour Franz Petermann qui parlait déjà de méprise lors de sa garde à vue, il s’agit d’une déformation et d’une interprétation. S’il reconnaît les injures du début, il se serait contenté de dire par la suite : « Pose ta Kalach, on va voir [au sens de discuter] après. Vous ne croyez pas que le sang a assez coulé comme ça ? » S’il y a bien une référence aux assassinats récents, il y aurait une tentative d’apaisement par rapport au contexte actuel.
Dès le début de son témoignage, Franz Petermann, apparaît comme un jeune homme lucide. Il déclare immédiatement que ce qu’il a dit était purement stupide, motivé par une colère non contrôlée et vite retombée (ce que confirme les PV de GAV), et il présente ses excuses aux deux policiers tout en précisant qu’il condamne les propos qui lui sont attribués et qu’il n’a rien contre les policiers, ni contre aucune institution de la République. Il ajoute que lui aussi a été choqué par les attentats récents. Il raconte alors que c’est la violence traumatisante de l’interpellation par le RAID en novembre 2014 qui lui a fait perdre son calme devant le Famas du policier d’Elbeuf. Depuis que son beau-père s’est tiré une balle dans la tête, il reconnaît avoir un problème avec la vue des armes.
Devant tant de bonne foi apparente, on se dit presque que les choses devraient en rester là. Il n’y aurait qu’à se serrer la main et chacun repartirait de son côté. Mais il faut jouer la scène jusqu’au bout. Les deux parties prennent le temps d’exposer leur version mais le témoignage d’un policier assermenté lors d’un procès est rarement mis en doute. Et certainement pas par un présumé terroriste. La juge, dont la fonction est alors de trancher le différend et de fixer grâce à un pouvoir quasi surnaturel le contenu de la vérité, reconnaît alors que ce qui a réellement été dit ce jour-là est conforme à ce que disent les policiers.
Le procureur rétorque à Franz Petermann, qui l’avait apostrophé à ce sujet, que lui « ne perd jamais son calme ». Après une longue digression sur l’étymologie du mot « apologie », il considère qu’il y a bien ici apologie d’acte terroriste même s’il reconnaît le vide législatif pour définir une telle apologie. Il faut donc s’appuyer sur la jurisprudence. Mais il convoque des cas où l’apologie a été manifestement publique comme des publications dans des journaux. On comprend alors que la gravité de l’apologie dépend de sa proximité temporelle avec un acte terroriste. Pour finir, il concède que la législation anti-terroriste est dure mais elle est à la hauteur de « la menace que constitue le terrorisme pour le ciment social ». Il demande quatre mois de prison ferme, ce qui semble peu compte tenu de ses réquisitions.
Puis c’est au tour de l’avocat des parties civiles qui disserte longuement sur la nécessité d’une force publique en citant l’article 12 de la Déclaration des droits de l’Homme : « La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous ». En conséquence de quoi, le jeune policier était légitiment autorisé à demander à Franz Petermann de déplacer son automobile. Elle demande 2000€ de dommage pour chacun des policiers.
Pour Xavier Nogueras, l’avocat de la défense, l’apologie d’acte terroriste n’est pas constituée quelle que soit la version des propos retenue. Pour qu’il y ait apologie il faut que les propos soient publics comme le dit la loi elle-même, il faudrait crier : « Allez en Syrie » ou «vive la décapitation ». Ce n’est pas le cas ici.
Résolution
Au final, la juge ne cède pas à la tonalité ambiante et se range à l’avis de l’avocat de la défense. Franz Petermann est condamné à quatre mois de prison dont trois avec sursis pour outrage et menace de mort mais il est relaxé pour l’apologie. Il doit aussi verser 900€ à chaque policier. Hasard des chiffres, il a déjà fait un mois de prison en détention provisoire. Il est libéré et peut retrouver ses proches venus le soutenir. Pas d’apologie car les propos n’étaient pas publics, mais de simples intimidations. Un outrage quoi. Le jugement est important estime l’avocat. Il fera jurisprudence. Bon nombre de condamnés de ses dernières semaines, dont les propos n’étaient pas plus publics que ceux de Franz Petermann, auraient pu en bénéficier.
La magie de l’apologie d’acte terroriste, c’est le parfum de terrorisme qui l’accompagne. Une fois le jugement rendu, le décalage entre ce dont on accusait M. Petermann et la réalité redevient criant. On se retrouve alors dans la triste banalité de cette 14e chambre du tribunal correctionnel de Rouen, habituée à ce genre de petites affaires. La condamnation pour outrage est assortie de la petite leçon de morale habituelle : « Il faudra garder son calme à l’avenir, monsieur ». Normal.
Face aux armes de la police, 16 février 2015
Stationnement gênant
Le « terrorisme » à Saint-Pierre-lès-Elbeuf.
Franz Petermann, 24 ans, habite la commune de Saint-Pierre-lès-Elbeuf en Seine-Maritime. Le 13 janvier dernier, il conduit sa femme à un rendez-vous de la Caisse d’Allocation Familiale d’Elbeuf. Son fils de deux ans est assis à l’arrière du véhicule. M. Petermann stationne sur la chaussée en attendant le retour de son épouse. Mais un drôle de hasard veut que le commissariat de la ville jouxte la Caisse d’Allocation Familiale. Plan vigipirate oblige, un jeune policier muni d’une mitraillette et d’un gilet pare-balle fait signe au conducteur. On ne stationne pas rue de la Prairie. M. Petermann ne réagit pas et le policier, secondé d’un collègue, vient alors expressément lui intimer de « dégager ». Le jeune homme explique que sa femme va arriver d’une minute à l’autre et refuse de s’exécuter. Les policiers décident alors de contrôler son identité et la tension monte. Un « je ne bougerai pas connard » aurait fusé. Les policiers agrippent le conducteur et le sortent énergiquement de la voiture, son fils toujours assis à l’arrière. M. Petermann perd son calme et prend à partie verbalement les agents de police. Ses propos justifient son interpellation. Il est menotté et mis en garde-à-vue pour « outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique », « menace de mort à l’encontre d’un dépositaire de l’autorité publique » et surtout « apologie directe et publique d’un acte de terrorisme ». Le jeune homme atterrit en prison.
Ma petite entreprise terroriste
Cette banale histoire de stationnement pourrait à première vue paraître grotesque. Elle ne l’est pourtant pas. M. Petermann n’est pas un citoyen comme les autres : depuis trois mois, il est présumé innocent d’« association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Le 4 novembre 2014, les policiers de l’antiterrorisme avaient jugé opportun de débarquer chez lui à 6 heures du matin en défonçant la porte d’entrée. Des hommes cagoulés et armés l’avaient sorti du lit ainsi que sa femme et ses deux enfants. Il se retrouve en garde-à-vue dans les locaux de la DGSI, ainsi que sa femme, son frère et sa belle-sœur. Après 96 heures de GAV, ils ressortent tous libres. Lui seul est mis en examen pour les contacts qu’il aurait entretenu avec un Elbeuvien parti en Syrie. Ne serait-il pas l’instigateur d’une « filière jihadiste » ? Pour son frère, la réalité est plus banale : « un type d’Elbeuf qui part en Syrie, c’est un peu comme s’il partait sur la Lune, ça attire la curiosité ». Quoi qu’il en soit sa remise immédiate en liberté étonnera plus d’un spécialiste des affaires de terrorisme ; pour son avocat, c’est bien la preuve que la DGSI ne dispose en réalité d’aucun élément contre lui. M. Petermann est cependant astreint à un contrôle judiciaire, il doit pointer chaque semaine … au commissariat d’Elbeuf.
Le procès
Mardi 10 février, Franz Petermann comparaissait devant le tribunal correctionnel de Rouen pour les délits d’outrage, de menaces de mort et d’apologie de terrorisme. Rappelons qu’il était emprisonné depuis un mois, non pas pour son implication supposée dans une entreprise terroriste mais suite au malheureux problème de stationnement évoqué précédemment.
Le jour de l’audience, le Paris-Normandie donnait le ton : « Près de Rouen, le terroriste présumé menace de tuer des policiers à la Kalachnikov ». Ce sera le cœur des débats : qu’a dont dit M. Petermann, au moment où les policiers le sortaient de sa voiture par la force ? Selon ces derniers, il aurait proféré : « Nous sommes nombreux, nous aussi on a des kalach, le sang va encore couler, ça ne vous a pas suffi ? ». Outrage, menace de mort et apologie d’actes de terrorisme. Si Franz ne conteste pas l’outrage et a reconnu s’être emporté dès la garde-à-vue, il dénonce une déformation volontaire de ses propos. Il reconnaît les injures mais précise qu’il avait harangué les policiers en leur disant : « Pose ta Kalash, on va voir après. Vous ne croyez pas que le sang a assez coulé comme ça ? ». Ce qui apparaît certes comme une invitation à s’empoigner mais aussi comme une condamnation du terrorisme.
À la barre, Franz Petermann, se présente calme et lucide. Il reconnaît avoir tenu des propos stupides, s’être emporté et présente ses excuses aux deux policiers. Il condamne les propos qui lui sont attribués et assure qu’il n’a rien contre les policiers ni contre aucune institution de la République. Il explique aussi le traumatisme qu’a produit chez lui son arrestation deux mois auparavant par les hommes cagoulés du RAID. Et depuis que son beau-père s’est tiré une balle dans tête, il reconnaît ressentir un malaise à la vue des armes. C’est ce qui l’a révolté en voyant les policiers d’Elbeuf lui dire de « dégager » leur FAMAS à la main.
Le procureur fait son travail et assure que lui, il « ne perd jamais son calme ». Après une longue digression sur l’étymologie du mot « apologie », il considère qu’il y a bien eu apologie d’actes terroristes. Mais au vu du vide législatif quant à la définition même de l’apologie, il invoque la jurisprudence. Mais les quelques cas qu’il cite concernent des apologies manifestées publiquement, ce qui n’était pas le cas ce jour-là. On comprend alors que la qualification et la gravité de l’apologie dépendent de sa proximité temporelle avec un acte terroriste. Pour conclure, il concède que la législation anti-terroriste est très répressive mais qu’elle se doit d’être à la hauteur de « la menace que constitue le terrorisme pour le ciment social ». Il requiert quatre mois de prison ferme.
Puis c’est au tour de l’avocat des parties civiles qui disserte longuement sur la nécessité d’une force publique. Il invoque l’article 12 de la Déclaration des droits de l’Homme : « La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous ». En conséquence de quoi, le jeune policier était légitiment autorisé à demander à Franz Petermann de déplacer son automobile. 2000€ de dommages et intérêts sont demandés pour chacun des policiers.
Xavier Nogueras, l’avocat de la défense, démontre que l’apologie d’actes de terrorisme n’est pas constituée, quelque soit la version des propos retenue. Selon la loi, pour qu’il y ait apologie il faut que les propos soient tenus publiquement. Son client n’ayant pas harangué la foule aux cris de : « Allez en Syrie » ou « vive la décapitation » mais s’étant simplement disputé avec un policier, le délit ne peut-être constitué.
Résolution
Pendant toute l’audience, le ton est grave et les visages sont inquiets. On est certes dans la 14e chambre du tribunal correctionnel de Rouen et il ne s’agit évidemment à la base que d’un problème de stationnement mais M. Petermann n’est pas un prévenu comme un autre. Il n’a peut-être jamais été reconnu coupable de terrorisme mais peut-être le sera-t-il un jour ? Et même si ce n’est pas ce qui est jugé ce mardi, ne peut-on pas raisonnablement imaginer que ses insultes à l’encontre d’un policier puissent être l’apologie de ce qu’il n’a pas encore fait ? De plus, il comparait détenu, certainement pas pour terrorisme car les juges n’ont pas estimé que cela était nécessaire. Mais ce ne peut pas non plus être sans raison, ni même pour un simple outrage à agent. L’œuf ou la poule.
Ce sera finalement à la juge de prendre sur elle la lourdeur des débats. Pendant l’audience, elle a régulièrement insisté sur la mise en examen pour terrorisme de M. Petermann, mais la dispute privée qui a suivie l’incident de stationnement ne l’a pas convaincue. Elle abandonne le délit d’apologie d’actes de terrorisme. Finalement, M. Petermann a beaucoup de chance : il est simplement coupable d’avoir insulté deux policiers qui après lui avoir demandé de « dégager » l’ont sorti violemment de son véhicule devant son fils de deux ans et l’ont contrôlé. Pour cela, il n’aura écopé que de quatre mois de prison dont trois avec sursis et doit payer 1800 euros de dommages et intérêts pour les policiers bafoués. Le mois de prison ferme prononcé correspond au temps qu’il a effectué en détention provisoire, il peut donc quitter le tribunal libre et retrouver les siens. M. Petermann n’aura jamais fait de prison pour sa petite entreprise terroriste mais il y aura passé un mois pour s’être disputé avec deux policiers armés. Après avoir rendu sa décision, la juge donnera la morale de l’histoire : « Monsieur, il faudra garder son calme à l’avenir ».
LundiMatin #11, 16 février 2015