Ces derniers temps, il est systématique que, dans les médias ou les discours politiques, soient accolé aux mouvements de ZAD, la « violence » de franges dites « extrémistes » et la présence de « black blocs ». De même que l’idée que ces mouvements seraient accaparés par ces même franges de méchant-e-s autonomes violent-e-s pour brûler le monde dans les feux de l’enfer.
Selon qui va épiloguer sur le sujet, un discours sera plus ou moins choisi, étant censé annoncer l’annihilation totale de tous ce mouvement ou séparer les « gentil-le-s » opposant-e-s des « méchant-e-s ».
Bien sûr, comme souvent, avec le temps, cette manière de poser la question s’infiltre au sein même des mouvements : « la répression serait accentuée par les « casseur-se-s », « ils ne viennent que pour cela », « ils cherchent à nous discréditer », « c’est des flics »…
Bien sûr, l’infiltration policière existe, elle a toujours été pratiquée par l’État et ses outils de répression pour contrôler et mieux réprimer les tentatives de contestation et de lutte sociale. Bien sûr, les ZAD et mouvements de contestation actuels sont particulièrement visés et largement plus que la moyenne, tout comme les antifascistes, les révoltes de banlieue, les roms…
Les agriculteurs en colère, les mouvements contre le Mariage pour tous et les Bonnets rouges s’en sont clairement mieux tirés que nous, niveau répression.
Esteban Morillo, assassin du militant antifasciste Clément Méric, tué le 5 juin 2013, aura fait un an et deux mois de prison. Enguerrand a été condamné le 1er avril 2014 à un an de prison pour jet de fumigène pendant une manifestation.
Il est sûr que l’État réprime et que la police est violente, nous pouvons dénoncer ces états de fait. Nous ne pouvons pas nous en étonner pour autant, l’ordre capitaliste est imposé, nous vivons dans des sociétés bâties sur des systèmes de caste et de domination sociale. La plupart des hommes et femmes politiques sont d’origine noble ou bourgeoise, ont fait de hautes études et sont intimement lié-e-s aux entrepreneur-se-s. Ils n’ont aucune raison de s’intéresser à ce que pense le peuple, leur seul intérêt est de maintenir leurs privilèges et ceux de leurs alliés des multinationales et grandes entreprises. Ce n’est pas de la malveillance de leur part ou l’idée qu’ils et elles sont mauvais fondamentalement, mais de la logique politique. Le système qu’ils et elles ont mis en place les protège, forcément.
Face à cela, la violence des manifestant-e-s dénoncée par les politicien-ne-s, les médias et les syndicats de police à plein poumon fait bien pâle figure.
Lorsque l’on considère les derniers mouvements liés aux ZAD, plusieurs manifestant-e-s sont en prison, un est mort, il y a eu des des centaines de blessé-e-s et de très nombreuses inculpations.
De nombreux-se-s blessé-e-s le sont de manière définitive, suite aux séquelles ou mutilations liées aux armes des forces répressives de l’État.
Et en face ? Rien, bien sûr, les policier-e-s « blessé-e-s » lors des manifs n’ont généralement pas grand-chose, mais leurs bobos servent à inculper les manifestant-e-s lors des procès.
Tout ça pour dire que je voudrais bien voir les vrais chiffres des blessé-e-s et inculpé-e-s des mouvements liés aux ZAD, et ce dans les deux camps.
Parce que j’en ai marre que l’on utilise des arguments fallacieux : si l’on a peur d’être blessé-e, mutilé-e, et c’est bien légitime, que l’on ne fasse pas d’actions « tendues », pas de soucis, moi même n’en fait pas vraiment, mais que l’on ne dise pas que ça serve à rien. Sans la résistance physique aux forces de l’ordre, ça fait longtemps qu’il n’y aurait plus rien à Notre-Dame-des-Landes qu’un aéroport, et un barrage à Sivens, mais aussi un incinérateur dans le Morvan … enfin, bon, une tonne de luttes dans l’histoire n’auraient pas eu la même portée.
Peut-être faut-il reprendre les choses en amont. Je suis fort mal à l’aise avec la violence, mais dans un sens individuel.
Ma perception des rapports humains valorise plutôt le pacifisme.
Après, on ne peut pas voir des rapports politiques, économiques et de domination autrement que sous un angle qui est aussi stratégique. Et là, il me semble naïf de dénigrer la violence, l’action directe et le sabotage.
L’évaluation du rapport de forces en cours est parfois tragique.
Parce qu’il est évident que si les institutions favorisent les oppressions, dominations et exploitations, et c’est en soi une immense violence, elles possèdent aussi les outils pour réprimer physiquement ceux et celles qui oseraient lutter.
Par cela, notre réponse peut être de se borner à changer les choses de l’intérieur, tenter d’enrayer la machine, à frapper chirurgicalement là où il possible pour créer un front, un rapport de forces, David contre Goliath. Mais, parfois, c’est plus un côté suicidaire qui parle, un ras-le-bol, une envie de visibiliser un ras-le-bol. Au péril de sa liberté et de sa vie, parce que comme le disait Max Stirner : « aux mains de l’État la force s’appelle loi, aux mains de l’individu elle se nomme crime ».
Plutôt que de se focaliser sur des positions de principe, d’écouter nos peurs ancestrales comme nos envies les plus naïves, la seule solution sage semble être de garder la tête froide et de rester uni-e-s, complémentaires, donnant libre cours à la réflexion stratégique et l’estimation des forces en présence.
Parce que nous voulons être nous-mêmes, et c’est, en ce monde, déjà une belle épreuve. Avec nos doutes, nos désespoirs, nos peurs mais aussi nos colères et nos rêves offensifs. Parce que nous subissons déjà assez d’humiliation et de souffrance en se disant que nous vivrons toute notre vie dans ce monde pourri, il me semble assez rassurant de vouloir faire beaucoup pour l’abattre et ressentir des pulsions de violence contre ses institutions et son absurdité. Le tout est de ne pas se brûler les ailes inconsciemment, mais face à ce que nous subissons, la morale semble bien vaine face à nos espoirs.
Reçu le 27 novembre 2014