Mort d’Ali Ziri : l’avocat général demande un supplément d’enquête
Ali Ziri, 69 ans, est décédé, asphyxié, le 11 juin 2009, deux jours après son interpellation par la police à Argenteuil. Le parquet général de Rennes a demandé jeudi 19 novembre à relancer l’information judiciaire qui s’était conclue par un non-lieu.
Connaîtra-t-on enfin un jour la vérité sur la mort d’Ali Ziri, un chibani de 69 ans, décédé par suffocation, le 11 juin 2009, deux jours après son interpellation par la police à Argenteuil ? L’affaire s’était d’abord conclue par un non-lieu prononcé le 15 octobre 2012 par un juge d’instruction qui, pas plus que ses prédécesseurs, n’avait pris la peine d’entendre lui-même les policiers interpellateurs. Mais début 2014, la Cour de cassation avait estimé que les juges auraient dû « rechercher si les contraintes exercées » sur le retraité algérien « n’avaient pas été excessives au regard du comportement de l’intéressé » et « si l’assistance fournie (par les policiers, ndlr) avait été appropriée ». Elle avait dépaysé l’affaire devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rennes. Laquelle doit désormais décider de l’annulation ou non de ce non-lieu.
Lors de l’audience, jeudi 19 novembre 2014, l’avocat général, qui représente le parquet devant la cour d’appel de Rennes, a demandé l’infirmation de ce non-lieu et un supplément d’enquête. Il s’est cependant opposé, à ce stade de l’enquête, à la mise en examen des trois policiers interpellateurs. Selon Me Stéphane Maugendre, l’avocat de la famille d’Ali Ziri, le parquet général a estimé que l’instruction avait été sérieuse mais avait eu deux défauts. « Le premier, de ne pas avoir vérifié si la technique du pliage avait été utilisée et si une autre méthode pouvait être utilisée, détaille Me Maugendre. Le second était qu’elle n’avait pas été attentive à la transparence vis-à-vis des parties civiles et pas assez contradictoire, notamment au regard des demandes d’actes formulées par les parties civiles. » Celles-ci étaient pourtant basiques : la famille a demandé une reconstitution, ainsi que l’accès aux bandes de vidéosurveillance montrant l’arrivée d’Ali Ziri au commissariat. Selon feu la commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) qui a pu les visionner, ces bandes montrent qu’Ali Ziri a été « littéralement expulsé du véhicule » puis « saisi par les quatre membres, la tête pendante, sans réaction apparente, et emmené dans cette position jusqu’à l’intérieur du commissariat ». Mais aucun des trois juges d’instruction qui se sont succédé sur cette affaire n’a jamais jugé utile de visionner ces vidéos.
Arrêté avec un ami lors d’un contrôle routier, Ali Ziri avait été transporté à l’hôpital une heure et demie après son arrivée au commissariat. Les deux hommes de 69 ans et 61 ans, étaient fortement alcoolisés. Ali Ziri était revenu passer quelques jours en France pour effectuer des achats avant le mariage de son fils et les deux amis avaient descendu plusieurs verres dans l’après-midi.
Dans son avis de mai 2010, la CNDS avait dénoncé comme « inhumain et dégradant » le fait de les avoir laissés, lui et son ami interpellé en même temps, « allongés sur le sol du commissariat, mains menottées dans le dos, dans leur vomi, à la vue de tous les fonctionnaires de police présents qui ont constaté leur situation de détresse, pendant environ une heure ».
Les rapports médicaux avaient donné lieu à une bataille d’experts. Alors qu’un premier cardiologue avait pointé une bien commode « cardiomyopathie méconnue », deux expertises ont ensuite mis en cause la technique du pliage. Un procédé que les policiers d’Argenteuil, trois jeunes gardiens de la paix, ont reconnu avoir utilisé pour maintenir le vieil homme durant le trajet vers le commissariat.
Dans son rapport de juillet 2009, l’ancienne directrice de l’institut médico-légal de Paris indiquait ainsi qu’Ali Ziri, fortement alcoolisé ce soir-là, est décédé « d’un arrêt cardio-circulatoire d’origine hypoxique par suffocation multifactorielle (appui postérieur dorsal, de la face et notion de vomissements) ». L’autopsie avait en effet montré une vingtaine d’hématomes sur le corps d’Ali Ziri, pouvant « correspondre à des lésions de maintien », ainsi que des signes d’asphyxie mécanique des poumons.
Malgré cela, les juges d’instruction n’ont jamais auditionné les policiers concernés, ni les témoins présents ce soir-là au commissariat. Ils n’ont pas non plus visionné la bande des caméras de la cour du commissariat. Aucune reconstitution n’a été réalisée.
La chambre de l’instruction doit rendre sa décision le 12 décembre 2014.
Louise Fessard, Mediapart, 21 novembre 2014