[Notre-Dame-des-Landes / Nantes] Un troisième blessé grave à l’œil par la police le 22 février

Emmanuel Derrien : un troisième blessé grave à l’œil par la police lors de la manifestation nantaise anti-aéroport du 22 février

Rencontre avec Emmanuel Derrien, une troisième victime (après Quentin Torselli et Damien Tessier) d’une blessure très grave à l’œil causée par la police lors de la manifestation contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, à Nantes le 22 février 2014. Emmanuel risque une infirmité permanente de cet œil, par perte de la vision.

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Photo : « Selfie » (photo en autoportrait prise par Emmanuel lui même à l’hôpital le 22 février 2014, jour de la manifestation anti-aéroport).

Qui es-tu Emmanuel ?

Je m’appelle Emmanuel Derrien. J’ai 24 ans et suis originaire de Quimper en Bretagne. Je suis cuisinier de métier. Je suis arrivé récemment à Nantes pour y chercher un emploi.

Quelle blessure t’a provoqué la police pendant la manifestation du 22 février ?

C’est comme Damien : une « contusion sévère de bloc oculaire », avec quelques points de suture à l’arcade. Je n’ai pas les mots exacts. J’ai une cataracte post-traumatique de l’œil droit, qui m’empêche de voir. Les médecins me parlent d’un projet d’opération de la cataracte. L’exercice de la vision m’est difficile avec un seul œil.

Étais-tu manifestant contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ?

Je me déplaçais dans la ville pour rechercher un restaurant, pour trouver un emploi. Ma curiosité m’a emmené sur le lieu de la manifestation.

Que s’est-il passé exactement ?

C’était vers 17 heures, sur la pelouse entre l’Hôtel-Dieu et l’Île-Feydeau. Il y a un arbre isolé à cet endroit. Il y avait du monde, avec une rangée de manifestants en face des CRS. J’ai essayé de surplomber pour mieux voir. Je portais un keffieh. Tout à coup, j’ai ressenti quelque chose qui m’a percuté, qui m’a fait tomber au sol, net. J’ai dû faire une perte de connaissance.

J’ai entendu des voix bienveillantes qui disaient « Mais oui, il saigne ! ». Ces personnes m’ont transporté en essayant de me garder éveiller jusqu’aux urgences de l’hôpital.

Dans les couloirs, il y avait énormément de blessés issus de la manifestation, beaucoup allongés sur des brancards, beaucoup en train de vomir.

La nuit même, on m’a endormi pour faire une exploration du globe oculaire. J’ai eu l’impression d’être un cobaye. Au réveil, c’était horriblement douloureux.

Je suis resté à l’hôpital quatre jours, chambre 559.

J’ai fait la demande de mon dossier médical, mais on m’a répondu qu’il n’était pas complet. Je suis dans l’attente.

As-tu prévu de porter plainte ?

Oui bien sûr. Je ressens de l’incompréhension et de la colère face à ce geste de la police.

Propos recueillis par Luc Douillard les 8 et 9 avril 2014. (Cet interview, comme celui de Damien le 8 mars, a été relu et corrigé par l’intéressé pour être rediffusé largement, avec la photo jointe.)

 

Emmanuel Derrien : un troisième blessé grave à l’œil par la police lors de la manifestation nantaise anti-aéroport du 22 février

Au troisième cas connu et rendu public, les forces de police et le ministère de l’Intérieur ne peuvent plus prétendre une exceptionnalité accidentelle, car se dessine maintenant une série dramatique qui évoque une lourde responsabilité des agents de police et de leur chaîne de commandement à tous les niveaux, ainsi que l’hypothèse d’un caractère systématique des tirs volontaires au visage (rendus techniquement possibles par la visée sophistiquée du Lanceur de balles de défense, arme de guerre).

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Un homme du GIPN derrière le viseur de son LBD40 le 22 février 2014 à Nantes.

Le Procureur de la République va devoir prendre ses responsabilités en ouvrant une instruction judiciaire et en sauvegardant en urgence les éléments de preuves pouvant servir à la justice. Rappelons que les violences volontaires avec arme ayant provoqué un infirmité permanente sont des crimes passibles de la Cour d’assises.

Le Procureur devra également étudier la conduite sans précédent de la police, qui durant la manifestation, au lieu de s’assurer des soins apportés aux blessés comme elle y est tenue, même pour des délinquants de droits communs, a pourchassé illégalement les secouristes bénévoles improvisés, ce qui constitue très probablement, au delà de la non-assistance à personnes en danger, un cas exceptionnel dans l’histoire de la police française, documenté par plusieurs témoignages ce 22 février, de « Mise en danger de personnes vulnérables » – « Obstruction avec arme à l’assistance aux personnes » – « Traitement cruel et dégradant, au sens des Conventions internationales de défense des Droits de l’Homme ».

Nous notons également qu’ont été visés par les flash-balls LBD des journalistes et de simples passants, comme s’il fallait empêcher tout témoignage sur cette étrange journée du 22 février 2014.

Par ailleurs, nous invitons de façon pressante les députés et sénateurs, quelque soient leurs positions sur le projet d’aéroport, à demander maintenant une Commission d’enquête parlementaire sur les faits et violences du 22 février à Nantes, qui interrogent sur une possible affaire d’État avec atteinte aux principes démocratiques fondamentaux et manipulation de l’opinion publique.

Après Quentin Torselli et Damien Tessier, mutilés de l’œil, nous avons donc pu joindre aujourd’hui Emmanuel Derrien, 25 ans, qui a lui aussi été très gravement blessé de l’œil le 22 février, suite à un tir de projectile de la police. Il a subi une intervention pour exploration de l’œil et devrait être opéré prochainement de la cataracte. Actuellement, il ne voit plus rien de son œil droit, à part des éblouissements.

Emmanuel, un jeune nantais, cuisinier de profession, a été touché par un tir de la police aux alentours de 17 heures et de 17h30, devant l’entrée de l’Hôtel Dieu, au niveau de la pelouse de la façade sud de l’Ile Feydeau.

Nous donnerons prochainement un entretien plus détaillé d’Emmanuel, comme nous l’avons fait précédemment le 8 mars pour Damien.

Rappel : Une conférence de presse organisée par la victimes de flash-ball à Nantes, et leurs proches, aura lieu mardi 15 avril, à 11 heures, (à Nantes, dans un lieu encore à déterminer).

Un site réactualisé dédié aux affaires de flash-ball : 27novembre2007.blogspot.fr

Luc Douillard, en lien avec l’OBS-LAB (observatoire-laboratoire de la démocratie locale en pays nantais) – Citizen Nantes, 9 avril 2014

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