Les violences policières au cœur d’un procès
Les violences policières étaient aujourd’hui au cœur du procès de la sœur d’un homme tué par un policier en 2012, jugée par le tribunal correctionnel de Paris pour diffamation après une plainte du ministère de l’Intérieur.
Amal Bentounsi, sœur d’Amine Bentounsi, tué d’une balle dans le dos le 21 avril 2012 à Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis), est poursuivie pour « diffamation publique envers une administration publique ». Elle avait déclaré dans une vidéo publiée sur son site : « Vous voulez commettre des violences, crimes, en toute impunité sans être inquiété ? La police recrute ». Fondatrice du collectif « Urgence notre police assassine », elle avait été visée par une plainte signée par Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, en janvier 2013.
Très émue, cette mère de famille a raconté que pour elle, « tout a basculé » à la mort de son petit frère. Cette commerçante s’est retrouvée alors au « bord de la route », « victime collatérale » du drame. « Pour moi, ça a été trop fort, trop lourd. (…) Il fallait que je crie, il fallait que ça sorte. C’est pour ça que j’ai créé ce site et que par un soir dramatique, j’ai monté ce clip », s’est-elle expliquée. Dans la salle d’audience, de nombreux amis et militants associatifs étaient venus la soutenir.
Tout en reconnaissant du « courage » au magistrat qui a mis en examen pour homicide volontaire le policier en cause, qui a argué de la légitime défense, Amal Bentounsi a regretté que ce dernier « continue à percevoir son salaire en attendant son procès et pour l’instant, il n’est pas en détention provisoire ». « Est-ce qu’un justiciable policier a plus de droits qu’un justiciable ouvrier ? » s’est-elle interrogée.
Quatre témoins ont décrit les violences policières qu’ils combattent et exprimé le sentiment d’impunité des policiers ressenti dans certains quartiers. « Amal est une victime. Nous sommes des victimes et nous sommes traités comme des agresseurs », a déploré Farid El-Yamni, frère de Wissam El-Yamni, décédé à 30 ans, après avoir été interpellé dans des conditions controversées la nuit de la Saint-Sylvestre 2011 à Clermont-Ferrand. Deux policiers ont été mis en examen dans cette affaire.
« Il y a des gens qui ont le droit de critiquer la police. Amnesty international dit dans un rapport que la police est au-dessus des lois. J’ai moi-même écrit ces choses-là », a témoigné Mathieu Rigouste, chercheur en sciences sociales. »Par contre, ce sont souvent le même genre de personnes qui sont attaquées », a-t-il opposé, « il semblerait que le pouvoir n’ait pas intérêt à laisser ceux qui subissent la violence policière la dénoncer ».
« Je ne suis pas certaine » que le blog soit le « bon vecteur » pour la « thérapie personnelle » de la prévenue, ni pour faire « avancer son dossier » ou faire « avancer le débat citoyen », a commenté la procureure Aurore Chauvelot. « Est-ce que pour autant les propos de Mme Bentounsi dépassent les limites admissibles de la liberté d’expression dans une société démocratique ? Je ne le crois pas », a-t-elle poursuivi. L’avocat de Amal Bentounsi, Me Michel Konitz, a également demandé la relaxe, expliquant que les propos de sa cliente étaient un « cri de douleur ».
Le ministère de l’Intérieur n’était pas représenté. La décision sera rendue le 28 mai.
Leur presse (LeFigaro.fr avec l’Agence Faut Payer, 7 avril 2014)