Ukraine : affrontements entre les manifestants et la police à Kiev
Le leader de l’opposition Vitali Klitschko a par ailleurs annoncé que le président ukrainien promet de créer une commission pour mettre fin à la crise.
Des affrontements ont éclaté dimanche à la fin d’une manifestation à Kiev qui a rassemblé près de 200’000 opposants pro-européens venus défier les autorités après l’adoption de nouvelles lois renforçant les sanctions contre les contestataires. Alors que le rassemblement sur la place de l’Indépendance, aussi baptisée Maïdan, touchait à sa fin, plusieurs centaines de manifestants, certains portant des foulards ou encore des cagoules, ont tenté de franchir un cordon de policiers à quelques encablures de la place pour se rendre vers le Parlement et se sont emparés de fourgons de police.
Ils ont mis le feu à deux d’entre eux et lançaient des pierres et des fumigènes sur les forces de l’ordre. Celles-ci répondaient par du gaz lacrymogène, des grenades assourdissantes et des coups de matraque. Près de trois heures après le début des affrontements, la police a employé des canons à eau, par une température de -7°, sans pour autant parvenir à disperser les protestataires, selon des témoins interrogés par l’AFP.
Gaz lacrymogènes contre jets de pierre
La police de Kiev a toutefois indiqué « ne pas avoir d’information sur la présence de canons à eau sur place » et affirmé qu’un véhicule anti-incendie avait été utilisé pour éteindre le feu sur un des bus. Plus de 20 policiers ont été blessés, a indiqué dans la soirée le ministère de l’Intérieur. Au moins neuf manifestants l’ont aussi été, selon un correspondant de l’AFP.
Le boxeur et leader de l’opposition Vitali Klitschko a appelé au calme et demandé au président Viktor Ianoukovitch de « rappeler la police ». « Je m’adresse au président Ianoukovitch : trouvez en vous la force nécessaire et ne risquez pas de connaître le sort de Ceaucescu et Kadhafi », a-t-il dit, en référence aux dictateurs roumain et libyen tués par leurs adversaires. Vitali Klitschko a par ailleurs annoncé que le président promet de créer une commission pour mettre fin à la crise.
« La violence ne mène à rien sauf au bain de sang », a pour sa part déclaré aux manifestants Arseni Iatseniouk, responsable du parti de l’opposante emprisonnée Ioulia Timochenko, appelant à ne « pas céder aux provocations ».
Des casseroles et des passoires
Auparavant, près de 200’000 personnes avaient afflué et protesté de manière pacifique sur Maïdan, bravant l’interdiction de toute manifestation dans le centre de Kiev jusqu’au 8 mars, et les nouvelles lois promulguées vendredi par Viktor Ianoukovitch qui introduisent ou renforcent les sanctions à l’encontre des manifestants.
Des dizaines de personnes portaient sur la tête des casseroles, des passoires ou encore des boîtes en carton, ou avaient revêtu des masques de carnaval, en signe de dérision face à l’une des nouvelles lois qui punit les personnes manifestant avec un masque ou un casque sur la tête.
« Législation illégale »
« Nous déclarons illégale la nouvelle législation adoptée », a déclaré Vitali Klitschko depuis une scène installée sur la place. « Le Parlement a perdu sa légitimité, cela signifie que nous devons créer un conseil du peuple parmi les hommes politiques d’opposition », a de son côté dit Arseni Iatseniouk. Les responsables ont toutefois été sifflés par la foule, celle-ci reprochant aux opposants de ne pas avoir de plan d’action et de manquer d’un véritable leader [sic – NdJL].
Le mouvement de contestation avait réussi à mobiliser des centaines de milliers de personnes en décembre après le refus du président Viktor Ianoukovitch de signer un accord d’association avec l’Union européenne au profit d’un rapprochement avec la Russie. Mais il s’est un peu essoufflé quand Kiev a signé le 17 décembre avec Moscou des accords économiques qui prévoient un crédit de 15 milliards de dollars à l’Ukraine et la baisse d’un tiers du prix du gaz russe.
« Il faut passer à des actions plus décisives », a déclaré à l’AFP Rouslan Kochevarov, un étudiant. « Nous espérons qu’après le meeting les gens ne se rendront pas, bien que bon nombre d’entre eux se demandent pourquoi se rassembler à l’avenir si après deux mois de protestations il n’y a pas de résultat », a-t-il ajouté.
Plus de personnes mobilisées
L’adoption des nouvelles lois semble toutefois avoir mobilisé plus de gens que lors des dernières manifestations.
Les textes, votés à main levée en plein chaos au Parlement, prévoient des peines de prison de 15 jours pour l’installation non-autorisée de tentes ou d’estrades dans des endroits publics et jusqu’à cinq ans de prison pour les personnes bloquant des bâtiments officiels. Un autre texte oblige les ONG bénéficiant de financements occidentaux à s’enregistrer en tant qu' »agent de l’étranger », à l’image d’une loi adoptée en 2012 en Russie.
Les Occidentaux ont mis en garde les autorités ukrainiennes contre ces textes.
Presse dégénérée (LePoint.fr, 19 janvier 2014)