[11 octobre 2012]
Autopsie d’une arrestation
J’ai voulu fonder mon empire au royaume des mangeurs de pierres. Personne ne nous a dit que les cailloux ne se mangeaient pas, c’était l’ingrédient que l’on connaissait le mieux. Murs, tours, bancs et cœurs étaient de ciment.
Un matin d’automne 2003, à l’heure de l’appel de la prière du matin « SOBH », quatre hommes vêtus de noir prennent la route engrenés par un « AUDI » surpuissant, direction la Normandie. Cagoule sur le visage, sous la cagoule des grosses têtes grillées. J’étais assis côté passager, arme à la ceinture, sac de sport à mes pieds. La détermination se lisait dans nos yeux de jeunes majeurs. Quarante-huit heures avant, j’avais eu l’idée de ce casse alors que j’étais à TOULOUSE en train de dépenser le magot de mes précédents casses. Pour ce nouveau « BRACO », il me fallait trois barjots pour me suivre dans mon plan illicite. J’étais NO LIMIT, j’avais l’impression de prendre ma revanche sur ce système qui m’a enterré, ma famille et moi dans une cité dortoir. Ce que je prenais pour un raccourci social était un suicide social. On fonçait tête baissée, à 250 km/h vers notre tombeau. Le désespoir peut pousser des jeunes intelligents à commettre des choses d’idiots.
Arrivés sur le parking de la banque, un camion de convoyeurs de fonds, venait approvisionner la forteresse qu’on était venus prendre d’assaut. Une fois la diligence partie, trois ombres cagoulées vêtues de noir, font irruption dans le sanctuaire des capitalistes. On vide les coffres puis on disparaît dans notre monstre à quatre roues motrices. La mission était loin d’être finie, il nous restait deux péages à traverser, 80 kilomètres à avaler. Premier « checkpoint » (point de contrôle), rien à signaler. Le deuxième, des gendarmes étaient prêts à nous cueillir. Se rendre même pas en rêve, le pilote appuie sur l’accélérateur, passe à travers le barrage. Nous voilà pris en chasse par cinq motards et autant de voitures de gendarmes. Pilote en manque d’expérience, face aux gyrophares dans le rétroviseur, ils nous écrasent contre un mur. La poursuite se finit à pied. Sac plein à craquer, en bandoulière, je prends mes jambes à mon cou. Je ne suis pas parti bien loin, trois motards accompagnés de trois agents de la BRB, m’interpellent et me rouent de coups. L’Artificier avait réussi à prendre la fuite, il se fera interpeller trois mois plus tard.
Autopsie d’une arrestation est en vrai l’autopsie de jeunes mangeurs de pierres à qui on n’a jamais dit que les cailloux ne se mangeaient pas.
Dix ans plus tard, je vous ressers une part de mon vécu. Du fin fond de ma cellule, je n’ai pas changé mais je déplore toutes ces années gâchées. Réfléchis avant d’agir car ce n’est pas garanti que tu tiendras dix saisons en prison.
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[12 octobre 2012]
Poésie du bouc émissaire
Les menottes dès l’accouchement, entre quatre murs adolescent. Parcours écrit, choisi, programmé, hérité des déshérités. Coupable de tout même sans rien faire.
Ton adresse suffit à t’incriminer de criminel. Ton crime se nomme HLM, ADN. Venu de loin, accent qui chante loin de les enchanter. Plus belle la vie est devenue moins belle depuis que trente salopards marseillais du « BACcalauréat » se sont octroyé tous les droits. Les médias font diversion, nous servent une autre version. Les fanatiques font plus peur donc ils surfent sur la terreur. La religion a quitté les cœurs, s’affiche en haut de l’affiche jusqu’à devenir qu’un leurre. Puisque les cœurs se sont vidés, pas étonnant que ça cautionne un kamikaze qui se fait exploser. On s’entretue pour des bouts de ciment, pour au final s’apercevoir le jour de l’enterrement qu’on a les mêmes mamans. Trop tard les trous sont creusés et les dés sont jetés. Omar ne m’a pas tué, mais le système veut m’enterrer. Les boucs émissaires ont quitté les bergeries pour prendre place dans les « té-ci ».
Ma poésie du bouc émissaire est loin d’être de la victimisation mais juste une constatation.
[La Chronique de Youv derrière les barreaux est disponible en téléchargement gratuit sur le site des Éditions Antisociales. Elle est à suivre sur le compte Facebook dédié.]