[Chroniques de mitard publiées du 7 au 11 septembre 2012]
Le retour aux sources de la plume
Me revoilà revenant au lieu de ma révélation aux toilettes de la République « le mitard » lieu sans vie sans âme où même le temps ne va plus où la patience est une vertu le seul moyen de sortir intact intellectuellement portes blindées plus portes grillagées t’ouvrent sur un paysage immobile en fer tables et chaises soudées au sol un silence assourdissant une radio pour te tenir compagnie qu’ils pensent être leur parade contre les suicides c’est là que je fais mon entrée mes réflexes d’autrefois me poussent à faire quelques pompes pour prendre mes marques me familiariser avec mon cimetière, ma nouvelle tombe que je vais habiter pendant quatorze jours. Ils en ont décidé ainsi dans leur parodie de jugement sans même un avocat pour plaider ma maigre cause pour le coup j’étais bel et bien coupable de rester libre dans ma tête physiquement ils venaient de m’enterrer un étage plus bas la prison dans la prison anesthésie totale face à cet univers carcéral. Seul face à toi-même tu ne peux plus te défiler les mitards se suivent et se ressemblent pas chaque prison a sa specificité selon où il est situé dans l’établissement à Bois-d’Arcy par exemple il est au quatrième étage au-dessus des cellules de détenus tu as donc juste à faire descendre un yoyo (drap coupé de façon que ça fasse une corde) pour que d’autres détenus t’accrochent à manger je passe mon temps à lire à écrire. Tous mes faits et gestes sont calculés calés dans le temps ménage sport écriture lecture sont magistralement placés à des heures précises rien n’est laissé au hasard pendant quatorze jours je deviens un automate un robot programmé pour rester vivant même au sous-sol dans les poubelles de la République je dis pas que ça a été du gâteau avoir les menottes aux poignets ce n’est jamais agréable.
[La Chronique de Youv derrière les barreaux est disponible en téléchargement gratuit sur le site des Éditions Antisociales. Elle est à suivre sur le compte Facebook dédié.]