Interview de membres du réseau « Résistons Ensemble contre les violences policières et sécuritaires »
SUD Éducation 92 : Pouvez-vous vous présenter ?
Janos : En participant à ce réseau je continue à militer contre les injustices et l’oppression. C’est dans cet esprit que je suis membre fondateur de SUD Éducation 92, auquel j’appartiens toujours : pour un syndicalisme démocratique, indépendant et de combat.
Ivan : Nous sommes membres du réseau « Résistons Ensemble ». Pour le présenter, ses composantes et origines, voici ce qu’il est écrit sur le bulletin : « Le réseau Résistons ensemble a été formé à la suite du Forum de Saint-Denis, le 26 mai 2002, au cours duquel s’étaient rencontrés des collectifs locaux (Lyon, Strasbourg, Rouen, Nantes, Draguignan, etc.) ainsi que des individus et une série d’organisations et d’associations, tous décidés à œuvrer contre les violences policières et sécuritaires. « Résistons Ensemble » n’est donc pas une organisation politique. Son but est d’informer, de briser l’isolement des victimes des violences policières et sécuritaires et de contribuer à leur auto-organisation ». C’est un vrai réseau et pas une organisation, sans chef ni porte parole, où les expériences et informations circulent sans cotisation, ni carte de membre. Il fonctionne démocratiquement avec des listes de diffusion, un site internet et un bulletin.
Pouvez-vous nous parler du Bulletin intitulé « Résistons Ensemble contre les violences policières et sécuritaires » ?
Janos : Il existe et se maintient depuis 11 ans avec une parution régulière et mensuelle. On en est au numéro 119. Ses articles sont repris sous forme papier ou numérique nationalement (Marseille, Lyon, Bordeaux etc.) voire internationalement (Belgique, Suisse, Canada etc.). Ils sont donnés de mains en mains, transférés, photocopiés, mis sur des sites dont on ne soupçonne pas l’existence, piratés (ce qui nous fait plaisir !)… Il est tiré à au moins plusieurs milliers d’exemplaires. Il y a eu plusieurs centaines de milliers de visites sur le site depuis qu’il existe. Le format, une feuille A4 recto-verso est un format politique. Dans les quartiers il y a un rejet des journaux manipulateurs, déjà, par son format, Résistons Ensemble se différencie des autres. C’est plus facile à reproduire et à diffuser. On n’a jamais assez de place pour tout mettre mais on veut garder ce format.
Ivan : L’idée du journal au départ c’est de faire une compilation des informations qui circulent dans le réseau. Celles auxquelles on n’a pas forcément accès par l’intermédiaire des médias professionnels. L’idée est de donner la parole aux concernés, de médiatiser les luttes, de rompre l’isolement…
Janos : Le journal contient toujours un éditorial politique. L’angle de la répression policière permet d’ouvrir le débat politique dans les quartiers et de l’enrichir. Il permet de discuter de la situation sociale globale. Il parle de la misère, des inégalités et injustices qui se creusent, des « bavures », de la complaisance de la droite envers les fascistes dernièrement par le biais de leur intolérance face au mariage homosexuel, de la gôche qui continue, voire amplifie les mesures « sécuritaires » etc. Les réactions sont positives dans les quartiers. Il contient plusieurs rubriques : « chroniques de l’arbitraire », « agir » (mobilisations à venir), « sur le vif » (reportages et témoignages), « ripostes » etc.
Ivan : Ce bulletin essaye de faire en sorte que ce soit les gens eux-mêmes qui relatent et qui relaient.
Janos : Malheureusement vu que le réseau fonctionne et que le bulletin paraît régulièrement pour certains c’est devenu une « institution ». Il n’y a pas assez de participation. D’ailleurs on sollicite les lecteurs de cet article pour envoyer des informations sur ce qui se passe, notamment dans l’Éducation Nationale, avec la présence des policiers, des assistants de sécurité, des brigades mobiles etc. Le bulletin a déjà critiqué le fichage des élèves via base-élèves, la chasse aux sans papiers dans les écoles etc.
Pouvez-vous raconter ce qui s’est passé à Gennevilliers le 15 avril 2013 ?
Janos : Le bulletin est diffusé depuis une dizaine d’année dans la cité du Luth à Gennevilliers (92). (Pour l’anecdote SUD Education 92 a été fondé dans le collège de cette cité.) Il y un réseau de sympathie autour du journal.
Ivan : Le lundi 15 avril on a été arrêté avec le dernier bulletin et les affiches du réseau. Il y avait 4 voitures de police et 8 policiers. On a été conduit dans des voitures séparées, sous contrainte, au commissariat de Gennevilliers, placé en cellule, photographiés. Nos empreintes digitales ont été prises.
Janos : On a été enjoint à ne plus mettre les pieds dans la cité. On aurait commis le délit de diffamation par voix de journaux et d’affiches… Les policiers nous ont signifié qu’on pourrait être convoqués pour la poursuite de cette affaire. On a pu sortir après ce qui a été présenté curieusement comme des « auditions libres ». Le matériel a été confisqué. Il a été refusé de délivrer un reçu. Cette procédure est inhabituelle : pour un délit de presse on n’embarque pas les gens. Le sens de cette affaire c’est d’isoler davantage les cités. Le quartier du Luth a été qualifié récemment de « zone de sécurité prioritaire », quadrillée par la police. En fait c’est une « zone de non droit », mais pas dans le sens courant, puisque c’est l’État qui supprime les libertés ! Il n’y aurait pas le droit d’expression le plus élémentaire. Les fameuses « zones de sécurité prioritaires » sont destinées à ghettoïser davantage, à devenir des « bantoustans » où le pouvoir veut enfermer ses habitants : pauvres et d’origine immigrée.
SUD Éducation 92, soutient complètement Résistons Ensemble, appelle à soutenir ce bulletin et dénonce fermement toute atteinte à la liberté d’expression dont sont victimes les militants.
Pour contacter le réseau
Le site du réseau avec ses bulletins, ses contacts, ses guides juridiques etc.
SUD Éducation 92, 15 mai 2013