Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, était à Argenteuil, ce samedi 25 mai, où il a participé à l’inauguration d’une statue de Jean Moulin à l’angle des rues Paul-Vaillant-Couturier et de Montmorency, à la veille du 70e anniversaire de la création du CNR (Conseil national de la résistance). Les membres du collectif « Vérité et Justice pour Ali Ziri) avaient programmé un rassemblement dont le premier flic de France n’a pas vu la couleur. Et pour cause ? Les membres du collectif—qui avaient regroupé une quarantaine de personnes—voulaient lui remettre une lettre en main propre, en vain. Un service d’ordre impressionnant a été mis sur place pour « parquer » les membres du collectif sur le trottoir de la rue Paul-Vaillant Couturier à 300m de la cérémonie. Une conseillère du cabinet du ministre s’est toutefois entretenue avec deux membres du collectif (Arezki Semache et Omar Slaouti), qui lui ont remis la lettre que voici. Les membres du collectif, empêchés au départ d’utiliser le mégaphone, sont partis dans le calme à la fin de la cérémonie, mais très remontés.
Monsieur Manuel Valls,
Ministre de l’Intérieur
Argenteuil, le 25/05/2013
Monsieur le Ministre,
Le collectif Vérité et Justice pour Ali Ziri s’adresse à vous, Monsieur le Ministre de l’Intérieur, à la veille du quatrième anniversaire de la mort de Monsieur Ziri, suite à son interpellation lors d’un contrôle routier par la police nationale à Argenteuil le 9 juin 2009.
Vous avez eu connaissance des conclusions de l’Institut médico-légal de Paris, lequel a relevé sur le corps du défunt l’existence de vingt-sept hématomes : « Ali Ziri est mort suite à un arrêt cardio-circulatoire d’origine hypoxique, généré par suffocation et appui postérieur dorsal. »
Malgré cela, le Procureur de Pontoise a prononcé un non-lieu, confirmé en appel devant la Chambre d’instruction de Versailles, alors que, durant les trois années précédentes, aucun acte d’instruction n’a eu lieu ; ni l’audition des policiers impliqués, ni celle des témoins, et aucune reconstitution.
La famille Ziri a décidé de se pourvoir en cassation et envisage, si le non-lieu était confirmé, de porter l’affaire devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
Nous avons appris (le Monde du 29/03/2013, article de Laurent Borredon) que cinq avertissements avaient été prononcés contre les policiers dans l’affaire Ali Ziri.
L’avertissement pour la Fonction publique d’État est une sanction disciplinaire du premier groupe, avant le blâme, qui ne comporte pas d’inscription au dossier du fonctionnaire, ce qui nous semble hors de proportion avec les constats de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS) qualifiant le comportement des policiers « d’usage disproportionné de la force » et de « traitement inhumain et dégradant ».
Par ailleurs, comment pouvez-vous expliquer, Monsieur le Ministre, la contradiction entre l’existence de cette sanction, même très légère à nos yeux, et le non-lieu judiciaire qui « blanchit » les policiers ?
D’autre part, les policiers « avertis » sont toujours, à notre connaissance, en exercice et uniforme dans les rues d’Argenteuil. N’y a-t-il pas eu mort d’homme ? Ces policiers ont utilisé une technique d’immobilisation, celle du « pliage » sans en mesurer le risque létal.
Ces policiers sont dangereux pour la population. Nous demandons leur suspension à titre conservatoire en l’attente de la décision de la Cour de cassation sur le non-lieu.
Les deux sexagénaires, Monsieur Kerfali, 61 ans à l’époque et handicapé et Monsieur Ziri, 69 ans, arrêtés et emmenés au Commissariat ne pouvaient en aucun cas être une menace physique pour trois jeunes policiers.
Le gouvernement qui vous a précédé imposait l’impunité des policiers responsables de violences par l’intermédiaire des magistrats du Parquet. Et l’on sait à quel divorce entre la population et la police, cette politique a abouti.
Votre gouvernement, Monsieur le Ministre, entend-il poursuivre dans la voie de vos prédécesseurs, Messieurs Hortefeux et Guéant, ou, rompre avec des pratiques qui de notre point de vue déshonorent la République. Nous croyons en effet que la confiance des citoyens ne peut revenir qu’à une police qui rend des comptes et dont les membres ne sont pas au-dessus des lois.
Recevez, Monsieur le Ministre, les salutations de citoyens attachés au droit, à la justice et à la démocratie.
Le Collectif Vérité et Justice pour Ali Ziri
Les Ami(e)s du Front de Gauche d’Argenteuil, 26 mai 2013