[12 juillet 2012]
Gardien de mon frère
Mes meilleurs poteaux ont perdu la raison en zonzon je ne peux pas faire le deuil de mes deux soldats ils ont préféré tout oublier pour ne pas donner de nom, en oubliant tout, ils ont fini par s’oublier eux-mêmes, un bug cérébral dans cet univers carcéral, sentiment indescriptible, impuissant comme face à son destin.
On dit qu’on ne choisit pas sa famille et ses frères, pourtant moi je l’ai fait, des vrais guerriers qui ne reculent jamais devant aucune équipe de zoulous, prêts à faire un massacre si l’un de nous était testé.
La prison a eu raison et la raison de mes gars sûrs, souvenir inestimable dans notre bulle le monde appartenait à mes sosses et moi no limite, on n’avait pas besoin de faire le service militaire dans nos rues on était en guerre depuis le bac à sable.
Treillis Lacoste, je vous parle d’un temps que les moins de 25 ans ne peuvent soupçonner, on vise la Lune avec des fusils de chasse des cojones de taureau dans le sac à dos.
Je m’en veux parfois d’avoir survécu à la prison, cerveau intact malgré dix ans d’impact, on s’était promis de toujours veiller l’un sur l’autre jusqu’à que la mort nous sépare, des murs nous ont séparés, ce n’était pas prévu au programme, pourtant la taule nous avaient prédit les fonctionnaires de l’Éducation nationale.
Il vaut mieux vivre un jour comme un lion que cent comme un mouton, ce dicton pue la réalité ma plume rend hommage à des hommes d’honneur, même avant une vendetta ils se prosternaient devant Allah.
Dix ans déjà du fin fond de ma cellule, je garde une pensée pour mes éternels soldats.
Un homme ne s’accomplit que à travers les siens.
[La Chronique de Youv derrière les barreaux est disponible en téléchargement gratuit sur le site des Éditions Antisociales. Elle est à suivre sur le compte Facebook dédié.]