Bangladesh : la fête du travail marquée par la fureur des ouvriers du textile
Des dizaines de milliers de manifestants au Bangladesh défilaient mercredi en une lugubre fête du travail pour réclamer la pendaison des propriétaires d’ateliers de confection situés dans un immeuble qui s’est effondré voici une semaine, faisant plus de 400 morts et 149 disparus.
En dépit d’appels de la Première ministre, Sheikh Hasina, à garder « la tête froide », un vent de colère après le pire accident industriel de l’histoire de ce pays défavorisé continuait de souffler dans les rues et les autorités craignaient des actes de violence et de vandalisme dans les usines de textile.
Selon un dernier décompte de l’armée, qui a supervisé les opérations de secours, 402 corps ont été retrouvés sous les décombres du Rana Plaza, un immeuble de huit étages qui s’est effondré à Savar, près de la capitale.
Un général de l’armée, Chowdhury Hasan Suhrawardy, a en outre annoncé mercredi que 149 personnes étaient toujours portées disparues, selon une liste dressée par des responsables locaux avec l’aide de proches.
Plusieurs milliers de travailleurs brandissant des banderoles et des drapeaux rouges scandaient « Pendez les tueurs, pendez les propriétaires d’ateliers » en défilant dans les rues de la capitale, Dacca. D’autres défilés étaient organisés dans les grandes villes du pays en ce jour férié au Bangladesh.
Selon Kamrul Anam, l’un des dirigeants de la Ligue bangladaise du textile et de l’habillement, les ouvriers sont en colère après ce qu’ils considèrent comme le « meurtre » de leurs collègues, tués mercredi dernier dans l’effondrement du Rana Plaza, un immeuble de huit étages à Savar, dans la périphérie de Dacca. « Nous voulons la punition la plus sévère possible pour les responsables de cette tragédie », a-t-il dit à l’AFP.
La police à Dacca chiffrait à environ 10.000 le nombre de manifestants lors d’un premier comptage mercredi matin.
Dans d’autres pays d’Asie, les syndicats devaient aussi descendre dans la rue, des dizaines de milliers de personnes étant par exemple attendues en Indonésie pour dénoncer les conditions de travail liées à la sous-traitance et les bas salaires.
Le gouvernement au Bangladesh devait répondre aux critiques sur plusieurs fronts, mis en demeure par les sociétés d’habillement européennes ou américaines d’améliorer la sécurité des travailleurs du textile et soupçonné par les familles des victimes d’avoir refusé l’aide de secouristes étrangers.
Il a annoncé un plan d’inspection des usines mais récusé les accusations de négligence dans les opérations de sauvetage et de récupération des corps ensevelis sous des tonnes de béton et d’acier.
Sept personnes ont à ce stade été arrêtées et poursuivies pour homicide involontaire. Parmi elles, le propriétaire du Rana Plaza ainsi que des ingénieurs du bâtiment qui avaient donné le feu vert aux ouvriers pour revenir travailler en dépit de fissures constatées, ont comparu devant la justice avec des gilets pare-balles.
L’immeuble abritait cinq ateliers de confection notamment liés aux marques espagnole Mango et britannique Primark.
Primark s’est engagé à « verser des indemnités aux victimes de cette catastrophe qui travaillaient pour son fournisseur » et notamment aux enfants ayant perdu leurs parents.
Le groupe canadien de distribution alimentaire Loblaw a également annoncé son intention d’apporter une aide « percutante et significative » aux familles de victimes employées par son fournisseur et de « favoriser la mise en place de changements afin d’éviter qu’un tel incident ne puisse se reproduire ».
La plupart des 4.500 usines du textile sont restées fermées depuis une semaine, un coup d’arrêt brutal pour l’économie du pays alimentée en grande partie par les 20 milliards de dollars annuels générés par cette industrie.
La Première ministre, en s’adressant au parlement mardi soir, a exhorté les ouvriers à reprendre le travail et critiqué les attaques dont ont été la cible plusieurs usines.
« Je voudrais dire aux ouvriers de garder la tête froide, de maintenir les usines opérationnelles, sinon vous allez perdre votre travail », a-t-elle lancé.
L’UE, plus grand partenaire commercial du Bangladesh, a exhorté mardi Dacca à « agir immédiatement » pour faire respecter les normes internationales de sécurité et de santé dans les usines du pays.
Les Nations unies avaient proposé d’envoyer au Bangladesh des experts pour épauler le travail des secours quelques heures après l’effondrement, une offre refusée par le gouvernement, selon l’ONU.
Le directeur général adjoint de l’Organisation internationale du travail (OIT), Gilbert Houngo, était attendu à Dacca mercredi pour parler avec les autorités de l’amélioration des conditions de sécurité.
Presse esclavagiste (Agence Faut Payer, 1er mai 2013)