[12 juin 2012]
Famille de détenu
Je connais des gens qui souffrent et subissent plus que les détenus c’est leurs familles.
Le jour de ton interpellation tu as pris en otage toute ta famille otage de la douleur otage du manque souffrance injuste injustifiée vu qu’ils n’y sont pour rien et ne parlons pas de celle qui t’aime elle restera inconsolable jusqu’à ta sortie, même si elle ne se plaint pas lors de ses visites au parloir. Certains ont laissé dehors femme et enfants à l’abandon tragédie des temps modernes.
Sèche tes larmes de fils sur les manches de la tunique d’une mère effondrée à la vue de son fils menotté, mais devant toi elle fait bonne figure. Ta femme se met du fond de teint juste avant d’entrer dans la prison pour cacher ses cernes accumulés causés par ses nuits blanches passées à pleurer, en la serrant contre toi tu ressens sa détresse trahie par les battements de son cœur.
T’as kiffé la dounia (la vie) vécue dans l’excès au détriment de ta famille. Tu t’enfumes le cerveau pour oublier mais les photos de ton fils qui ornent les murs de ta cellule te ramènent à ta souffrance, t’as mal puisque tu leur as fait mal.
Certaines familles se brisent en éclats ne se remettent pas devant l’absence, des problèmes enterrés refont surface et ça explose, certaines femmes de détenu ne tiennent pas, le bruit des clés les portes qui claquent hantent leurs cauchemars, épreuve trop dure à supporter… Trop facile à juger vu de loin personne peut en vouloir à quiconque de craquer face à l’épreuve, enferme-toi dans tes toilettes une semaine et sors que deux fois par jour une heure et tu comprendras l’agonie de la prison, encaisser les parloirs sous haute surveillance regardé scruté disséqué sous tous les angles alors que tu es coupable de rien c’est pas évident à supporter.
Y a des familles qui tiennent que la douleur soude solidifie et ne forment qu’un et en sortent grandies car tout passe y a que les murs qui restent en prison. C’est trop facile à dire quand tu es détenu et que tu as pas le choix que d’effectuer ta peine, mais si on avait eu le choix de venir voir un proche régulièrement je suis pas sûr que tous les détenus le feraient.
J’ai toujours été en admiration face aux familles que je vois en masse au parloir le week-end qui rendent visite à leurs proches depuis des années sans se plaindre, payer alors que l’on n’a rien commis, leur seul tort c’est d’aimer un proche plus que tout au monde.
On leur rend rarement hommage à ces guerriers guerrières de l’ombre que rien n’arrête même pas le temps les années, ils acceptent leur drame par amour c’est la plus grande preuve d’amour c’est incontestable.
C’est toutes ces familles toutes ces sœurs tous ces frères toutes ces femmes de courage qui nous donnent la force de ne pas plier.
Courage et respect à toutes ces familles y a que les murs et les matons qui restent en prison.
Après la pluie le soleil ça c’est sûr.
[La Chronique de Youv derrière les barreaux est disponible en téléchargement gratuit sur le site des Éditions Antisociales. Elle est à suivre sur le compte Facebook dédié.]