À quoi servent les subventions des artistes du Projet 244 ?
Ce que vous nous avez pris, nous allons le reprendre.
Ils sont trop rares les espaces où on se sent bien, ou nous sommes libres d’être ce que nous sommes. C’est pourquoi ils nous tiennent à cœur, comme une rage fulgurante que nous portons et qui nous traverse un peu plus chaque jour.
On prend ce qui est vide, abîmé, et on les transperce de nos envies et de nos rêves. On en fait des courants électriques qui grenaillent dans les rues, ou dans les espaces aseptisés. On s’amuse autant que possible, car on ne sait jamais comment tout ça peut se terminer.
Par des expériences de luttes et de vies collectives, on réinvente des mondes, des zones à défendre, des rencontres offensives. Ce qui nous vaut d’être trop souvent marginalisé-es. Et alors quoi ?!? Faudrait-il se rabaisser ou se taire pour autant ? Se pacifier, pour vivre de frustration à l’égard de tout ce qui est potentiellement chargé d’intensité ? Nos couleurs sont criardes sur vos murs blancs.
Que la mairie ait choisi comme stratégie pour nous expulser de notre squat, de faire faire le sale boulot par des artistes soucieux de mettre à profit leurs zèles et leurs bonnes volontés, en dit long sur l’état de décomposition de cette société… La Culture est un monopole comme un autre, qui s’octroie et se défend au prix du spectacle de sa collaboration.
Vous avez tenté de nous virer comme des ordures à karchériser, mais rien à faire… on réapparaît toujours. Nous avons tenté de créer un consensus, d’aménager les modalités de notre « vivre ensemble », mais vous nous l’avez bien fait comprendre, il n’y a de vivre ensemble que dans les limites étroites de notre soumission commune aux modèles dominants…
Que pour finir, vous nous ayez offert le spectacle d’une telle ferveur à défendre la nécessité des transactions immobilières, de la propriété, et de l’aseptisation des centres-villes, au point d’en arriver à une telle violence, de nous foutre sur la gueule pour faire valoir votre « bon droit », ne peut que renforcer notre refus de toutes formes d’institutionnalisations, et de compromis avec celles-ci.
Alors on ne va pas faire les étonnés, ni jouer les victimes, quand des flics ou des artistes se pointent chez nous pour jouer l’inquisition, nous prendre ce que l’on a. C’est sûr on oublie vite sa vie de merde, quand il s’agit de détruire ou de contrôler celles des autres. Les prochains à vous faire expulser, c’est vous… Mais vous le savez déjà, puisque vous avez négocié, du moins pour les plus gros d’entre-vous, les conditions de votre propre karchérisation… « Vive l’art est publique. »
On s’emmerde, on étouffe dans votre système de compromission… Alors une maison de plus expulsée, murée, saccagée, ça change rien. Mais soyez sûrs que les perturbations vont persister, quoi qu’il arrive.
On vit encore, on rit encore, au delà de vos prisons, à la recherche d’espaces hors-contrôles, de pratiques d’ensauvagement, d’histoire qui s’achève où commencent de nouvelles. Il est possible de composer avec nos vouloir vivre ensemble, mais certainement pas de s’adapter face aux contrôles, à la violence de votre « bon droit », ou à l’égard de ce que ce que nous désirons.