La viande de cheval, les surgelés et toutes les arnaques qu’invente et dissimule la bouffe industrielle
Depuis quelques jours les citoyens français se prennent en pleine tronche la réalité des mystérieux circuits de l’alimentation alors qu’ils sont encore nombreux à se gargariser avec le passé et la réputation du repas à la française transformée en patrimoine immatériel de l’Unesco. Comme s’il était possible (d’être contraints) d’acheter chez Carrefour, Auchan, Intermarché, Findus, Picard ou tous les autres et de manger sain, bon et honnête. Alors, plus la gastronomie est faisandée par la mondialisation et l’industrialisation de l’agriculture comme de l’alimentation, plus les politiques et les personnalités se gargarisent avec cette gastronomie transformée en drapeau identitaire bien déchiré. Mais cette fois, le choc est rude. Et heureusement sanitairement probablement inoffensif.
En septembre 2011, toujours à la recherche d’une idée démagogiquement franchouillarde, Frédéric Lefebvre, alors secrétaire d’État au Commerce et à l’Artisanat, inventa la Fête de la gastronomie. Elle sera à nouveau célébrée en septembre 2013 puisque cette escroquerie morale qui donne la parole à quelques grands chefs médiatiques et aux industriels de la bouffe, a été reprise par Sylvia Pinel, également ministre au Commerce, à l’Artisanat et au tourisme. Mieux, la bonne parole de la malbouffe durera désormais trois jours à la fin septembre. Elle est patronnée et financée par des organismes aussi désintéressés que le Centre d’Études et de Documentation du Sucre dont l’objectif est d’en faire mettre le plus possible dans les desserts industriels, l’Association Nationale des Industries alimentaires dont l’un des membres éminents n’est autre que le Syndicat national des Fabricants de produits surgelés présidé… par le directeur général de Findus. Un mauvais cheval par les temps qui courent…
Autre partenaire de cette grande « fête » de l’esbroufe, le Syndicat national de la Restauration publique dont l’affection pour les nouilles, les frites, le poisson pané et le hachis Parmentier est de notoriété publique. Il faudrait aussi mentionner le Syndicat national de l’Alimentation et de la restauration rapide dont les molles pizzas, les burgers et le sandwiches à la mayonnaise industrielle et aux salades fatiguées sont célèbres dans toute la France. Sans oublier Lesieur et ses huiles incertaines ou Elle et Vire, spécialiste des beurres moulés à la même louche industrielle que ses fromages. De sacrés parrains !
Tous sont actuellement en train de grimper aux créneaux médiatiques pour que, surtout, la bouffe industrielle sous toutes ses formes, ne sorte pas trop dévaluée aux yeux des consommateurs qui avaient encore des illusions. La grande distribution qui retire discrètement de ses bacs un grand nombre de plats préparés aux origines inconnues éprouve les mêmes craintes. Y compris l’angoisse née d’une dernière rumeur qui affole les services de communication : des raviolis, en boites et surgelés, auraient été fourrés avec de la viande de porc sans que le consommateur puisse le savoir sur les étiquettes. Tout simplement parce la viande broyée de cochon est encore moins chère (pour le fabricant) que celle de bœuf ou de cheval. Tout est fait pour ce scandale là n’éclate pas. Alors que nous venons d’apprendre que des saumons d’élevage seront désormais nourris avec de la farine de viande de porcs.
Pour que la sauce médiatique de l’illusion gastronomique prenne tous les jours de l’année, il suffit de pimenter en permanence avec de la poudre de « Grands Chefs » autoproclamés. Ces escrocs qui, loin de leurs restaurants étoilés hors de prix, mitonnent des plats industriels, souvent surgelés, assaisonnés d’un faux savoir-faire qu’ils vendent des fortunes. Ne reste plus ensuite qu’à corser le tout avec la marque France lancée le 30 dernier janvier par Sylvia Pinel pour faire passer la pilule. La malbouffe a donc désormais trouvé son ultime déguisement, elle doit être fran-çai-se !
Voici donc la réalité de cette France gastronomique que l’on nous sert à toutes les sauces de la communication dans les gazettes, la radio et à la télévision et qui vient d’être brutalement ramenée à sa réalité. Histoire de faire oublier les saloperies vendues dans les grandes surfaces avec des noms chatoyant appuyés sur des labels mensongers, des références au « terroir » qui n’est qu’industriel ou patronnés en image avec des religieux ou de « pères Mathieu » folkloriques. La banalisation des étiquettes dissimulant les mensonges permet, quatre exemples entre mille, de vendre du cassoulet avec 15% de viande, du hachis Parmentier surgelé avec 80 % de purée industrielle, du saumon aux pâtes avec 15 % de saumon et des yaourts « aux fruits » qui en contiennent entre 4 et 6% tout en étant aromatisé aux copeaux de bois. Comme certains vins.
La viande roumaine introduite comme un cheval de Troie dans des tonnes de lasagnes, de merguez ou de chili con carne ne nous empoisonnera certainement pas, elle est simplement révélatrice d’une législation française et européenne laxiste et des voies extraordinaires empruntée par la bouffe afin de faire gagner plus d’argent à leurs fabricants. Comme pour les chips, y compris celles que leurs fabricants prétendent faites « à l’ancienne » : les pommes de terre sont récoltées dans le nord de la France ou en Belgique, puis elles partent au Maroc pour se faire éplucher, gagnent ensuite la Turquie pour être finement tranchées avant de revenir en France pour être salées et mises en sachets. Voilà donc une chips française qui peut éventuellement être ensuite vendue au Maroc ou en Turquie une fois emballée. Pour les petits pois, on peut vous raconter le même parcours.
Pour faire du jambon garanti de Bayonne, il suffit de faire venir des carcasses de porcs élevés en batterie en Bretagne ou en Irlande et de les saler dans la région du bassin de l’Adour. Geste ultime qui permet l’utilisation de l’Indication Géographique Protégée. Mais il est évident que le cochon industriel, breton ou autre, sert à aussi à fabriquer de la salaison garantie savoyarde ou auvergnate ; et 80 % de la charcuterie corse est également d’origine industrielle. L’astuce : que le fabricant qui a mis un peu de sel ou de poivre puisse écrire sur l’étiquette « élaboré à » ou « élaboré en », sans autre mention d’origine. Regardez bien les étiquettes : c’est européen, c’est légal. Cela marche pour la plupart des recettes industrielles d’alimentation. Et également avec une partie des fromages produits dans une zone d’appellation protégée ou contrôlée avec des laits venus de loin ; et parfois en poudre. Quand au véritable Camembert de Normandie méritant l’appellation, il ne représente que 5 % du tonnage vendu chaque année. Pour les autres, les industriels jouent sur la forme ou sur l’ambigüité des étiquettes. Comme pour d’autres appellations célèbres arrivées directement d’usines qui, par exemple, ne sont même pas dans les Pyrénées.
Il existe une autre réalité à laquelle les consommateurs sont quotidiennement confrontés dans les gargotes et restaurants qui leur proposent des « produits maisons » alors qu’ils ne servent, dans 80 % des cas, que ce qu’il est convenu d’appeler de la cuisine d’assemblage. Laquelle consiste à mélanger, avant passage au micro-onde, des sachets de viandes, de légumes et de sauces vendus congelés par l’industrie alimentaire. Il faut savoir que la législation permet ce genre d’escroquerie qui fait passer des vessies pour des lanternes et de la bouffe industrielle pour du mitonnage de chef. En effet, il suffit que le chef (disons l’assembleur) ajoute lui-même le sel, un peu de persil ou d’aromates pour que la « chose » devienne par miracle un plat maison. C’est la loi. Ainsi, la célèbre « crème brûlée maison » qui hante les cartes de restaurateurs n’est rien d’autre qu’une crème industrielle aux ingrédients inconnus que le restaurateur aura lui-même saupoudré de sucre pour organiser le brûlage en une minute de gril de four à micro-ondes…
Bon appétit en dégustant vos propres plats et surtout pas les « plats faits comme à la maison » proposés par les industriels de l’alimentation tentant de jouer sur une mode qui commence à éloigner la clientèle qu’ils croyaient captive.
Presse avariée (Claude-Marie Vadrot, Politis.fr, 15 février 2013)
La médiatisation récente de la mise sur le marché de plats préparés contenant du cheval en lieu et place de bœuf n’indique rien de nouveau sur ce que nous savions déjà, ces procédés sont repérés depuis bien longtemps ; quelques voix se sont faites entendre pour feindre la stupéfaction devant un tel scandale (ou alors ces personnes sont exceptionnellement naïves mais nous ne pourrons plus rien pour elles, et cette hypothèse est vraiment très faible). Ce que nous savons, de toutes les façons, c’est qu’il est acquis qu’à la place de bœuf (ou d’autre chose), grâce à la chimie additionnelle, il est possible d’intégrer n’importe quoi assez facilement, puisque dans ce monde sous cellophane seule l’étiquette compte. Ces mélanges et triturations de minerais de viande n’alarmeront, et encore, que ceux qui se nourrissent de ces horreurs. Les substituts au bœuf habituels que sont donc le cheval, le porc, la volaille, la chèvre ou l’âne, voire l’éléphant ou le zèbre (en Afrique du Sud) peuvent être supplantés assez aisément par des éléments encore plus pertinents. En Islande, une tarte à la viande de bœuf s’est révélée, après analyse, exempte de tout protéine animale, ce qui n’exclut pas la merde.