Manuel Valls porte plainte contre le site “Urgence notre police assassine”
Le ministre de l’Intérieur a porté plainte, le 31 janvier, pour “diffamation envers une administration” contre un site qui répertorie les bavures policières supposées ayant entraîné la mort. L’audition de la webmaster du site, dont le frère Amine Bentounsi a été tué par un policier, avait lieu ce mercredi.
Aujourd’hui, à 14h30, Amal Bentounsi répond à sa convocation pour être auditionnée “dans le cadre d’une plainte du ministre de l’Intérieur”, Manuel Valls, pour “diffamation publique envers une administration”. Son nom a été communiqué aux forces de l’ordre par l’hébergeur de son site Urgence-notre-police-assassine.fr. Le site répertorie des bavures et s’insurge contre l’impunité dont bénéficient les policiers assermentés par rapport à un citoyen lambda.
Une dame à l’accueil précise que nous nous trouvons dans une antenne de la police judiciaire (PJ). Amal Bentounsi monte.
Policier mis en examen
Amal est la sœur d’Amine Bentounsi, mort le 21 avril 2012, vers 20h15, à Noisy-le-Sec en Seine-Saint-Denis. Recherché pour s’être mis en cavale lors d’une permission de sortie de prison, Amine Bentounsi est abattu par le policier Damien S. qui assure avoir été braqué par Amine. Rapidement, l’enquête a levé des doutes sur cette version, notamment parce que le jeune homme a été tué d’une balle dans le dos. Le policier a donc été mis en examen pour “homicide volontaire”. En pleine campagne présidentielle, les syndicats de police avaient manifesté contre cette décision judiciaire. Sarkozy avait alors rebondi en proposant d’établir “une présomption de légitime défense” pour les policiers.
Dans la salle d’attente du 122 rue du Château des rentiers, l’homme aux cheveux gris mi-long nous tend un tract “de son réseau” intitulé : “RÉSISTONS contre les violences policières et sécuritaires ENSEMBLE”. Autour de la machine à café, des policiers vannent un collègue sur sa procédure de divorce. Ils disparaissent ensuite derrière une porte où trône un insigne avec une caméra et des menottes dessinées, il s’agit de l’unité de surveillance et d’assistance de la direction régionale de la police judiciaire de Paris.
Quatre autres personnes, dont deux membres de la Cause du peuple, journal d’inspiration maoïste, se sont installées entre temps à nos côtés. Au bout d’une heure, Amal Bentounsi sort. Les policiers lui on signifié que le ministre de l’Intérieur portait plainte essentiellement pour une vidéo et certains propos postés sur le site. Elle a préféré prendre conseil auprès de son avocat avant d’assumer, ou non, quoi que ce soit.
“Au moins, on va parler de nous”
Contacté, le parquet de Paris a confirmé qu’une enquête préliminaire avait été ouverte concernant ce site depuis fin janvier, après une plainte pour diffamation de la place Beauvau.
“Ils tendent le bâton pour se faire battre, nous dit posément Amal Bentounsi. Car ce que nous, les familles de victimes, on dénonce, c’est que ça n’intéresse personne que les victimes de bavures policières soient des jeunes issus de quartiers populaires et dont les noms sont à consonance maghrébine ou africaine. Est-ce une coïncidence depuis les années 80 ? Au moins, on va parler de nous.”
En créant ce site, Amal Bentounsi et d’autres familles souhaitaient obtenir “une prise de position du gouvernement sur le fait que des familles disent : ‘Urgence, notre police assassine’.” Pour le moment, Manuel Valls a répondu à cette interpellation en choisissant la voie judiciaire.
Leur presse (Geoffrey Le Guilcher, LesInrocks.com, 20 février 2013)
Le ministère de l’Intérieur attaque le site www.urgence-notre-police-assassine.fr
La sœur d’un homme tué par un policier, devenue militante contre les violences policières, doit être entendue ce mercredi dans le cadre d’une enquête pour diffamation ouverte après une plainte du ministère de l’Intérieur.
Amal Bentounsi est convoquée ce mercredi après-midi par la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP) à Paris, chargée d’une enquête pour « diffamation publique envers une administration publique », qui aurait été commise sur son site www.urgence-notre-police-assassine.fr.
Une enquête préliminaire est ouverte
Contacté, le parquet de Paris a confirmé qu’une enquête préliminaire avait été ouverte concernant ce site internet depuis fin janvier, après une plainte pour diffamation de la place Beauvau.
Le site d’Amal Bentounsi, qui affirme recevoir 500 visites en moyenne par semaine, exige « que l’État reconnaisse les crimes et les violences dont sa police se rend coupable » et dénonce « cette omerta qui pèse sur tout ce qui concerne la police dans ce pays » et un « déni de justice institutionnalisé » pour les familles des victimes. « Une loi doit mettre fin à l’impunité policière : que les policiers soient jugés comme n’importe quel citoyen », peut-on y lire.
Véhéments, les propos tenus sur le site vont jusqu’à évoquer « des actes dégradants, humiliants, méprisants qui vont à l’encontre du code de la déontologie » et demandent « pourquoi nos enfants meurent à la suite d’un contrôle d’identité ou de courses poursuites ? »
Appel à une « journée nationale des victimes de la police »
Le site appelle à l’organisation d’une « journée nationale des victimes de la police », le 23 mars, et présente une liste de ces « victimes » depuis 2005.
« Je dis la vérité », a expliqué Amal Bentounsi. Plusieurs familles, comme celles de Mamadou Marega ou Wissam al-Yamni, décédés après avoir été interpellés par la police, ont également rédigé des textes sur le site, a-t-elle précisé.
« C’est assez grotesque de la poursuivre. Des fois, il faut savoir apprécier le contexte », a réagi son avocat, Me Michel Konitz, pour qui sa cliente appartient à une famille « frappée par une bavure et qui souffre ».
Un frère braqueur multirécidiviste décédé
Son frère Amine, un multirécidiviste recherché car il devait encore purger une peine de prison, a été tué le soir du 21 avril 2012 après avoir reçu une balle dans le dos tirée par un policier à Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis), selon l’autopsie.
Le gardien de la paix, qui a mis en avant la légitime défense, a été mis en examen pour homicide volontaire. Selon Me Konitz, « l’instruction avance bien » et une reconstitution des faits doit avoir lieu en avril.
Les policiers avaient organisé plusieurs rassemblements en solidarité avec leur collègue mis en examen et pour réclamer une réforme de la légitime défense, notamment en défilant sirènes hurlantes et dans leurs voitures de service sur les Champs-Élysées. Ils avaient été reçus par les candidats à la présidentielle Nicolas Sarkozy et François Hollande.
Publié par des larbins de la maison Poulaga (LeParisien.fr, 20 février 2013)
La sœur du multirécidiviste tué par un policier : « Mon frère a été assassiné »
« Ce petit frère qu’on assassine ». C’est le titre d’un roman qu’avait commencé à écrire en 2009 Amal, la sœur aînée d’Amine Bentounsi, l’homme tué samedi dernier par un policier à Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis). Un texte inachevé pour raconter la spirale infernale dans laquelle est tombé celui qui était devenu « l’homme à abattre », selon Amal, 36 ans, habitante de Meaux, d’où était originaire Amine.
Elle assure que « la police lui en voulait » depuis 2000, quand il avait prétendu au commissariat de Meaux recevoir de l’argent liquide de la part d’un responsable de l’office HLM local pour brûler des voitures dans les quartiers afin de justifier la politique sécuritaire de Jean-François Copé, le maire UMP. Ses déclarations enregistrées sur procès-verbaux avaient été reprises par des médias nationaux, avant que des sanctions soient prises à l’encontre du commissaire et de son adjoint.
« Ils ne l’ont pas digéré », enrage sa sœur. Elle ne nie pas son casier chargé, dans lequel figurent plusieurs condamnations pour braquage dont celui du magasin Champion de Saint-Pathus en 2005, qui lui vaudra dix ans de réclusion. Mais elle estime que « l’incarcérer dès son plus jeune âge (NDLR : 13 ans) a été une erreur : cela n’a fait que renforcer son parcours chaotique ». Les résultats de l’autopsie, qui ont révélé qu’Amine était mort d’une hémorragie provoquée par une balle dans le dos, ont conforté ses proches dans leur version. « Il a juste essayé de s’enfuir et on lui a tiré dans le dos ! S’il avait tiré sur le policier, j’aurais compris qu’il soit tué. Mais là, mon frère a été assassiné. » Quant aux gardiens de la paix qui ont manifesté mercredi puis hier pour soutenir leur collègue mis en examen pour homicide volontaire, Amal ne leur en veut pas. « La police, c’est comme une famille : ils défendent l’un des leurs. Nous n’avons aucune haine à leur égard, mais quand l’un de ses membres fait une erreur, il faut le reconnaître. » Par ailleurs, elle trouve « scandaleuse » l’intervention de Nicolas Sarkozy, qui s’est déclaré favorable à une « présomption de légitime défense » pour les policiers, lors d’un déplacement au Raincy hier. « Il faut laisser la justice faire son travail et ne pas utiliser cette histoire à des fins électorales », tranche Amal.
La famille a porté plainte auprès de l’IGS, la police des polices, à Paris, et se portera partie civile dans l’affaire. Par ailleurs, une marche blanche « en la mémoire d’Amine » sera organisée à Meaux, samedi à 14h30.
Presse multirécidiviste (LeParisien.fr, 27 avril 2012)