[Foxconn] Si le vote n’était pas le meilleur antidote contre nos grèves et nos révoltes, on ne nous l’assénerait pas, à tous les coups, à coups d’assemblées syndicales

Chine. Chez Foxconn, une ouverture en trompe-l’œil

L’annonce faite par le fabricant taïwanais de procéder à des élections “libres” de délégués du personnel dans ses usines chinoises n’est pas une mesure démocratique : elle servira seulement à éviter les explosions sociales.

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Manifestations, émeutes et même suicides : les ouvriers chinois sont poussés à des mesures désespérées par les conditions intolérables régnant dans les usines qui produisent sans relâche pour satisfaire l’insatiable demande mondiale de nouveaux gadgets. La décision de Foxconn 富士康科技集團, un gros sous-traitant d’Apple, d’autoriser les salariés à élire de véritables représentants syndicaux est une étape bienvenue sur la voie de la fin de ces abus.

Foxconn étant le plus gros employeur privé de Chine [1,2 million de salariés], sa décision de ne plus contrôler le syndicat maison montre de façon manifeste aux autres sociétés qu’elles n’ont pas à craindre une plus grande participation des salariés. Si les responsables syndicaux n’avaient pas été aussi liés à la direction et avaient été plus ouverts aux plaintes relatives à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail, Foxconn aurait peut-être pu s’épargner les tragiques suicides de 2009 et de 2010 ou les émeutes qui ont provoqué la fermeture d’une usine l’année dernière.

La décision de l’entreprise en dit cependant moins long sur le développement des droits des travailleurs en Chine que sur le pragmatisme des dirigeants du Parti communiste confrontés à la pression sociale causée par l’urbanisation, la pénurie de main-d’œuvre et le ralentissement de l’économie. Les autorités ont compris que les travailleurs devaient pouvoir s’exprimer plus efficacement sur leur lieu de travail si elles ne voulaient pas qu’ils descendent dans la rue. Foxconn n’aurait pu songer à organiser des élections libres – qui sont inconnues en Chine même dans le cadre du travail – sans l’approbation du Parti. De fait, la liberté des représentants sera largement restreinte. Les élus qui dirigeront le syndicat de l’entreprise devront toujours être approuvés par la Fédération nationale des syndicats chinois, organisation d’État.

Avec ces élections libres, il ne s’agit pas de donner du pouvoir aux salariés, mais de relâcher une pression qui risque de déclencher une explosion de mécontentement que les autorités auraient peut-être du mal à contenir. Comme les médias sociaux, qui sont tolérés mais censurés, voire fermés, quand le débat public se fait trop critique, les syndicats ne pourront aller que jusqu’à un certain point. La plus grande menace qui pèse sur le pouvoir du parti, c’est l’instabilité sociale. La nouvelle direction ayant déjà du mal à endiguer la corruption et à restaurer la confiance de la population dans le gouvernement, le maintien de la paix sociale vaut bien quelques élections syndicales.

Presse esclavagiste (Financial Times via CourrierInternational.com, 11 février 2013)

 

Chine, quand les ouvriers s’éveilleront…

Du cheap made in China au made for China de qualité, cela fait un moment que l’on parle d’un changement de paradigme en Chine et de la fin d’un modèle de croissance basé uniquement sur les exportations et la main d’œuvre bon marché. Ce lundi on a donc lu dans le Financial Times que Foxconn souhaitait organiser des élections syndicales « libres » dans ses filiales en Chine. On a surtout vu un documentaire qui sera diffusé mercredi soir à 20h30 sur France Ô : Asie, le réveil ouvrier.

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Quelle puce a donc piqué Foxconn ? Le géant taïwanais de l’électronique était jusqu’à présent connu pour être le premier client d’Apple et le premier employeur de Chine. Il était aussi tristement réputé pour ses suicidés des heures sup et des cadences infernales. Il n’y a d’ailleurs pas si longtemps, les dirigeants du groupe taïwanais confiaient vouloir calquer leur modèle de mangement sur celui des zoos en remplaçant progressivement des ouvriers contrariés par des robots zélés.

Atelier du monde

Seulement voilà, l’assembleur de l’Iphone 5 et de l’Ipad a changé et entend aujourd’hui développer la représentativité syndicale à l’intérieur du groupe nous dit le Financial Times. Une petite révolution au sein d’une entreprise qui compte plus d’un million deux cent mille salariés rien qu’en Chine continentale. L’idée serait ainsi d’organiser des élections syndicales dans les usines chinoises du groupe, juste après les vacances du nouvel an lunaire, afin de voir augmenter le nombre de jeunes délégués syndicaux parmi les ouvriers. Si la chose se met en place, cela serait évidement le début des négociations collectives dans ce que certains n’ont pas hésité à qualifier d’atelier de « l’immonde » (Foxconn étant loin d’être le pire employeur, les sociétés de Chine continentale sont  souvent encore plus dures avec leurs salariés). Ce serait en tous cas une première au sein d’une multinationale dans un pays où seuls les syndicats maisons contrôlés par l’administration et la direction de l’entreprise ont droit de citer.

Hausse des salaires

Mais avant de tambouriner sur les chaines de montage, et en attendant la fin de « chunjié » (fête du printemps marquant le changement d’année lunaire), essayons de comprendre ce soudain revirement. Et d’abord, s’agit-il d’un revirement ? Pas sûr… Le groupe avait déjà après tout annoncé du rab sur les fiches de paie. Mais cela n’a rien changé explique Michaël Sztanke, auteur du documentaire diffusé mercredi soir sur France Ô qui commence justement par une visite chez les ouvriers du sous-traitant d’Apple. 200 euros par mois, 10 heures par jour, 6 jours par semaine, les petites mains de Foxconn ne s’arrêtent jamais et les heures sup sont rajoutées dans le salaire global afin de gonfler artificiellement le bulletin de paye à la fin du mois.

Demande intérieure

Ce revirement pas si soudain est aussi une demande de la nouvelle équipe de dirigeants chinois. Pékin à l’œil rivé sur le chaudron de la colère ouvrière qui menace à tout moment d’exploser. La demande intérieure prônée par le 11e plan quinquennal est liée à une hausse des salaires qui doit permettre d’upgrader la croissance chinoise. Reste maintenant à savoir si les promesses de Foxconn déboucheront véritablement sur une hausse de la représentativité syndicale ce qui semble difficile sans l’accord des autorités. Car évidement si la chose se produit, elle fera immédiatement boule de neige dans d’autres entreprises. Or pour le moment les syndicats indépendants sont techniquement interdits en Chine. « Foxconn n’est d’ailleurs pas la première entreprise qui a essayé de mettre en place des ‘élections démocratiques’ déclare Anita Chan à l’agence Reuters. Elles ont toutes captées l’attention internationale au moment des élections mais sans aboutir à rien » poursuit ce professeur au Centre de recherches sur la Chine contemporaine de l’Université de Sydney.

« Réveil ouvrier »

L’Asie, le réveil ouvrier montre ainsi une réunion organisée par un avocat de Shenzhen (sud de la Chine) qui a pour objectif d’apprendre aux ouvriers à se défendre. Mais pour l’instant, rien d’officiel. La réunion se tient dans un petit local discret en dehors des usines. Car la hausse des salaires réclamée par le pouvoir central, n’est pas du goût de tous les chefs d’entreprises. Et si beaucoup (Foxconn compris) délocalisent leurs chaînes de montage dans le grand ouest chinois où les salaires sont plus bas que sur la côte-est, dans le domaine du textile c’est carrément l’exode ! De nombreux patrons chinois n’hésitent plus à faire comme Calvin Klein, Diesel, HM et autre rois du prêt-à-porter occidental… Ils produisent là où c’est le moins cher ! Et la Chine n’est plus assez bon marché visiblement ! Les Chinois sont désormais très présents au Cambodge où le coût de la main d’œuvre est moins élevé que dans l’ex-atelier du monde. Ils sont aussi de plus en plus nombreux au Bangladesh, où le salaire mensuel d’un ouvrier de la chaussure est plus bas que le prix de la godasse vendue en magasin. Ce qui n’empêche pas les mouvements sociaux, bien au contraire. Des manifestations se sont déjà produites dans ces pays rappelle le film qui nous emmène à la rencontre de syndicalistes à Phnom Penh et à Dacca où les ouvriers du textile recevoivent au prix de haute lutte moins de trente euros par mois. Quand les ouvriers en Asie s’éveilleront ? C’est déjà fait !

Asie, le réveil ouvrier un film de Baozi production, le 6 février à 20h30 sur France Ô

À lire et à entendre sur le sujet : RFI 02.11.2013 Pourquoi le monde ouvrier fait peur au pouvoir chinois • RFI reportage 16.04.2012 Chine, l’usine de cartable se délocalise • Chine, l’usine de cartables se fait la malle by Stéphane Lagarde • Washington Post 01.02.2013 The era of cheap labor in China may be ending • Le Monde 20.10.2012 Les galériens de l’Iphone 5 • Slate.fr 31.08.2009 Chine, quand les salariés s’éveilleront… • RFI 15.02.2012 Le pont des soupirs des patrons cantonnais du textile • The Guardian 23 .01.2012 Chinese workers dance Gangnam Style to protest over unpaid wages

Presse esclavagiste (Stéphane Lagarde, blog RFI « Encres de Chine », 4 février 2013)

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