Espionnage d’Attac : la justice civile condamne Nestlé et Securitas
Nestlé et Securitas sont coupables d’avoir espionné Attac. Le Tribunal civil de Lausanne juge que l’acquisition d’informations par infiltration dans la sphère privée constitue une atteinte illicite à la personnalité. Les deux sociétés sont condamnées à payer 3000 francs par personne pour réparation morale.
Une année après le procès entre l’organisation altermondialiste Attac, Nestlé et Securitas, la justice a rendu vendredi le seul dispositif du jugement. Outre l’atteinte illicite à la personnalité des auteurs du livre Attac contre l’Empire Nestlé et d’Attac Suisse, le président Jean-Luc Genillard condamne Nestlé et Securitas aux frais de justice (4950 francs) et aux dépens (14’040 francs).
Dans un communiqué, Attac Suisse dit « être très satisfaite de cette condamnation ». « Derrière la multiplication de ces pratiques d’espionnage, ce sont des droits démocratiques essentiels comme la liberté d’expression, de réunion et d’opinion qui sont remis en question », affirme l’organisation.
Affaire révélée en 2008
Pour mémoire, le procès civil s’est tenu fin janvier 2012 à Lausanne après le non-lieu pénal prononcé en juillet 2009. Attac demandait la reconnaissance de la collecte d’informations confidentielles et l’atteinte illicite à la personnalité, ainsi que la condamnation à 27’000 francs pour tort moral et la publication du verdict.
L’affaire avait été révélée en juin 2008 par la presse. Dans son communiqué, Attac rappelle qu’une espionne avait rejoint le groupe en automne 2003 sous la fausse identité de « Sara Meylan » et avait assisté à des réunions privées des sept auteurs du livre. Elle avait ensuite rédigé des rapports à l’attention de Nestlé. En septembre 2008, Attac avait découvert et dénoncé encore une autre agente de Securitas/Nestlé.
Publié par des espions du grand capital (ats, 25 janvier 2013)
Communiqué d’Attac Suisse :
Nestlégate : Gain de cause au civil contre Nestlé et Securitas
ATTAC Suisse a pris connaissance avec grande satisfaction de la décision du Président du Tribunal civil Jean-Luc Genillard du 25.01.2013 dans l’affaire dite du « Nestlégate ».
Le Tribunal civil a en effet condamné NESTLE et la société suisse de surveillance SECURITAS pour leurs pratiques d’espionnage d’ATTAC et des auteur.e.s du livre ATTAC contre l’Empire Nestlé. Le Tribunal a reconnu qu’il s’agissait d’une infiltration illicite et a admis la prétention en réparation du tort moral. Il a admis que les droits de la personnalité des plaignant.e.s ont été violés et il a condamné NESTLE et SECURITAS à leur verser une réparation de l’ordre de CHF 3’000.- par personne.
Pour rappel, une plainte pénale avait été déposée en 2008, et une action civile ouverte simultanément, après la révélation par la Télévision suisse romande le 12 juin 2008 du mandat que Nestle avait donné à la société de sécurité privée Securitas pour infiltrer et espionner des membres d’attac-Vaud qui se réunissaient pour rédiger un livre sur la multinationale suisse (Attac contre l’empire Nestlé, 2004). Une espionne avait rejoint le groupe en automne 2003 sous la fausse identité de « Sara Meylan ». Cette dernière a assisté à des réunions organisées dans le domaine privé des sept auteur-e-s, s’est procuré un accès à des informations confidentielles concernant aussi des personnes tierces et a rédigé des rapports détaillés sur la tenue des réunions et sur les personnes présentes à l’attention de Nestle. En septembre 2008, Attac a découvert et dénoncé une autre agente de Securitas/ Nestle au juge d’instruction en charge de l’affaire pénale. Celle-ci participait toujours – sous son vrai nom – aux réunions d’ATTAC-Vaud en 2008 jusqu’à ce que l’association l’ait exclue.
Nous sommes très satisfait.e.s de cette condamnation de l’espionnage par le tribunal civil. Cependant, il nous tient également à cœur de souligner que nous restons très critiques face à certains agissements de la multinationale Nestlé dans le monde, notamment en ce qui concerne sa politique hostile face aux syndicats et son pompage excessif de l’eau.
Enfin, nous tenons à souligner que derrière le « Nestlégate » se trouvent des enjeux qui dépassent largement cette affaire, comme le montre notamment l’infiltration dont le Groupe Anti-Répression à Lausanne a également été victime entre 2003 et 2005 et d’autres affaires en Suisse et à l’étranger. Dans ce sens, il nous semble important de rappeler les lacunes béantes du procès pénal mené à la suite de notre dépôt de plainte en 2008. Le journaliste Alec Feuz l’a documenté de façon lucide dans son livre Affaire classée.
Derrière la multiplication de ces pratiques d’espionnage, ce sont des droits démocratiques essentiels comme la liberté d’expression, de réunion et d’opinion qui sont remis en question. Les activités des ONG, syndicats ou organisations politiques critiques sont de plus en plus souvent combattues par des entreprises privées qui considèrent les campagnes et manifestations pacifiques de ces groupements citoyens comme menaçant leurs intérêts commerciaux. Ces multinationales tentent ainsi souvent de réduire des droits démocratiques fondamentaux et peuvent pour ce faire parfois bénéficier de la complicité des autorités politiques ou du moins de leur passivité. Or, il est à notre avis fondamental de pouvoir s’engager pour une société plus juste, de lutter contre les inégalités criantes de ce monde et de mener des recherches indépendantes sur les activités des entreprises en toute liberté.
Nestlé et Securitas condamnés au civil pour l’infiltration d’Attac
NESTLÉGATE • Espionnés durant plusieurs années pour le compte de la multinationale veveysanne, les militants d’Attac-Vaud seront indemnisés.
Débouté en 2009 sur le plan pénal, Attac espérait obtenir réparation de la justice civile dans l’affaire dite du Nestlégate. Un an exactement après la tenue du procès, le verdict est enfin tombé. Le Tribunal d’arrondissement de Lausanne a condamné hier solidairement Nestlé et Securitas pour l’espionnage du mouvement altermondialiste. En récoltant des informations « par infiltration dans la sphère privée » des militants d’Attac, les deux entreprises se sont rendues coupables d’« atteinte illicite à la personnalité », a tranché le juge Jean-Luc Genillard.
La multinationale veveysanne et la société de sécurité sont condamnées à verser, au titre de réparation pour tort moral, 3000 francs à chacun des neufs plaignants. Ces derniers formaient le groupe de travail qui avait été infiltré dès septembre 2003 par une « taupe » employée par Securitas. Sous le nom fictif de « Sara Meylan », elle avait pris part aux réunions consacrées à la rédaction du livre ATTAC contre l’Empire Nestlé — ouvrage dont elle avait elle-même écrit un chapitre. L’espionne rendait compte, dans des rapports adressés directement à Nestlé, du contenu de ces échanges, qui se déroulaient au domicile privé des auteurs. Le profil physique des membres du groupe avait également été détaillé. À l’audience, « Sara Meylan » avait cependant réfuté avoir ausculté les penchants idéologiques des auteurs. La taupe avait poursuivi sa mission jusqu’en juin 2004.
Peu après la révélation, en 2008, de ces agissements, Attac avait découvert qu’une autre employée de Securitas participait, sous son véritable nom cette fois, aux réunions du groupe « Mondialisation et multinationales ». Nestlé et Securitas avaient pourtant affirmé avoir cessé l’infiltration en 2005.
Pas de commentaire de Nestlé
Le mouvement a accueilli le jugement avec une « grande satisfaction ». « Cependant, il nous tient également à cœur de souligner que nous restons très critiques face à certains agissements de la multinationale Nestlé dans le monde, notamment en ce qui concerne sa politique hostile face aux syndicats et son pompage excessif de l’eau », a précisé Attac dans un communiqué.
Outre l’indemnisation pour tort moral, les deux entreprises devront s’acquitter solidairement de 14’000 francs au titre des dépens. « Le fait que la justice les condamne à payer nos frais d’avocats montre une responsabilité pleine et entière de Nestlé et Securitas. C’est un jugement très clair et sans ambiguïté », estime Janick Schaufelbuehl. La militante d’Attac salue à ce titre l’indépendance de la justice.
Contacté, Nestlé n’a pas souhaité « faire des commentaires spécifiques avant de recevoir la motivation du juge ». « S’il devait s’avérer qu’un employé Nestlé ait agi de manière négligente, nous prendrons les mesures appropriées », indique seulement son porte-parole.
De son côté, Securitas a pris acte « du fait que le tribunal civil a donné en partie raison à Attac. Cependant, ce jugement n’a aucune influence sur les activités opératives actuelles et futures de l’entreprise ». Dans un communiqué, la société continue d’affirmer avoir « mis définitivement fin à ces opérations d’observation il y a déjà huit ans. De son propre chef, Securitas avait donc renoncé depuis longtemps à ces opérations discutables sur le plan moral (…). » Securitas se réserve la possibilité de déposer un recours. « Nous attendons de recevoir les considérants écrits du jugement pour nous déterminer », indique son avocat Gilles Robert-Nicoud.
Les victimes enfin reconnues
La satisfaction des militants d’Attac est sans doute proportionnelle à la désillusion qu’avait provoqué le non-lieu prononcé en 2009 par la justice pénale. Leur soulagement est aussi à la mesure de l’incertitude qui aura plané jusqu’au bout dans ce volet civil. En dépit des éléments accablants sur l’activité des taupes de Securitas, la reconnaissance de l’atteinte à la personnalité était en effet loin d’être acquise à l’issue du procès. On se souvient que les avocats de la défense s’étaient employés à présenter les membres d’Attac comme des criminels en puissance, pour mieux justifier « l’observation préventive » de leurs activités. Ils avaient ainsi affirmé qu’en raison de leur engagement militant, ceux-ci ne pouvaient « prétendre à une protection de la sphère privée aussi étendue » qu’un simple quidam. Ces arguments spécieux n’ont visiblement pas impressionné le juge, pas plus que le blanchiment pénal dont se prévalaient Nestlé et Securitas. S’il ne répare pas tout – et notamment les séquelles psychologiques durables subies par les personnes espionnées dans leur intimité –, le verdict est bien une reconnaissance du statut de victimes des membres d’Attac. Il agit aussi comme une piqûre de rappel aux principes de base de l’État de droit que sont les libertés d’opinion, d’expression et de réunion.
Arnaud Crevoisier, LeCourrier.ch, 26 janvier 2013
Les temps changent,les pratiques persistent
» En 1971, est découvert un dossier secret des Services généraux de Fiat, avec plus de 300.000 fichiers contenant des informations sur les travailleurs et sur des militants, des intellectuels, et des hommes politiques28. Les dirigeants de Fiat eux-mêmes avaient payé la police pour recueillir ces informations. Le procès contre les dirigeants de Fiat et les fonctionnaires impliqués fut finalement enterré………. «