RSA : une pitoyable revalorisation
Jean-Marc Ayrault devrait annoncer tout à l’heure une hausse du RSA de 10% sur cinq ans, dont 2% dès 2013. Ainsi compte-t-il lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale : à moindre frais.
La conférence nationale de « lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale » se poursuit ce mardi 11 décembre. Elle s’achèvera cet après-midi par un discours du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, qui tracera les grandes lignes d’un plan visant à endiguer la pauvreté…
Annoncée en juillet par François Hollande, cette conférence réunit plusieurs ministres et de nombreuses associations qui ont planché, en amont, sur sept thématiques : l’accès à l’emploi, l’accès aux minima sociaux, l’enfance, le surendettement, le logement, la santé, et la gouvernance des politiques de solidarité. Face à l’évolution récente de la pauvreté, il va sans dire que les attentes sont très élevées.
Nos amis du MNCP (Mouvement national des Chômeurs & Précaires), après avoir été auditionnés sur l’accès aux droits, ont été invités à participer aux tables-rondes sur l’emploi et la gouvernance. Déçus par la faiblesse des propositions, leurs collectifs manifestaient hier dans vingt villes de France et à Paris, place d’Iéna devant le Cese où se tient la conférence.
43% du seuil de pauvreté
L’une des mesures phares de ce plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté sera la revalorisation du RSA-socle (ex-RMI), une demande forte des associations qui dénoncent depuis longtemps le décrochage de ce revenu.
En effet, le RSA est revalorisé tous les ans au rythme de l’inflation, beaucoup plus lentement que le Smic et les salaires en général. Il s’élève aujourd’hui à 475 euros pour un célibataire sans enfant (418 euros une fois déduit le « forfait logement » de la CAF, véritable racket consistant à amputer le RSA de 95% des allocataires => lire en commentaire) et à 598 euros pour un couple (712 avant le forfait).
Hors « forfait logement », le montant du RSA représente la moitié du seuil de pauvreté monétaire — 964 euros en 2010 pour une personne seule — contre 80% il y a dix ans. Une fois le « forfait logement » déduit, on tombe à 43%.
Endiguer la pauvreté, vraiment ?
Pour corriger cette dégradation, le Premier ministre devrait annoncer aujourd’hui une hausse de 2% en 2013 [Dernière minute : Les 2% promis dès 2013 ne s’appliqueront pas avant septembre !] en plus de la revalorisation automatique liée à l’inflation. Cette revalorisation se poursuivra les prochaines années pour atteindre 10% sur cinq ans, et coûtera 1 milliard d’euros aux finances publiques en rythme annuel.
Sauf que 2% d’augmentation pour une personne seule équivaut à 9,50 € de plus par mois (hors « forfait logement »). Même si ce « coup de pouce » s’ajoute à la revalorisation automatique annuelle liée à l’inflation — 1,7% l’année dernière, soit 8 € de plus par mois (hors « forfait logement », j’insiste); cette année, on tend vers 1,9% —, ce n’est pas avec ça qu’on endigue la pauvreté [Dernière minute : Le coût total de ce plan d’ici 2017 ne dépassera pas 2,5 milliards. Une goutte d’eau !] !
Pourquoi ne pas avoir appliqué cette augmentation d’un coup ? 47,50 € par mois tout de suite, ça avait de la gueule ! De quoi soutenir la consommation des ménages. Mais non : c’est une question de gros sous et, comme à chaque fois, il y en a plus pour les riches que pour les miséreux qui subiront eux aussi — et durement — la hausse de la TVA (entre autres) pour financer le « crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi » de 20 milliards accordé sans contreparties aux entreprises.
Non-recours au RSA : 5,3 milliards de non-dépenses
Quelque deux millions de foyers bénéficient du RSA, dont 1,39 million du RSA-socle, selon les derniers chiffres de la Caisse nationale d’allocations familiales. Mais 33% des personnes éligibles au RSA-socle ne le demandent pas. Concernant le RSA-activité, qui offre un complément de revenus aux « travailleurs pauvres », le gouvernement pourrait annoncer une réforme, car il est jugé trop complexe à obtenir : ainsi, 68% des personnes éligibles ne le demandent pas non plus.
Au total, l’estimation de la non-dépense engendrée par le non-recours au RSA s’élève à 5,3 milliards d’euros par an. À comparer avec le coût de cette pitoyable revalorisation : 1 milliard en rythme annuel…
Non revalorisation de la prime de Noël
Bien qu’elle soit reconduite et son financement pérennisé, son montant restera inchangé. Là aussi, on se moque du monde puisque le montant de cette prime est le même depuis 14 ans alors que les prix ont flambé. Mais cette « prime aux fainéants » scandalise déjà monsieur et madame Michu : on comprend que le gouvernement ne souhaite pas les froisser davantage.
Tandis que des multinationales planchent sur le potentiel marché de la pauvreté (vendre à des miséreux de plus en plus nombreux, c’est aussi un business), le gouvernement ferait bien de ne pas perdre de vue que nos 9 millions de pauvres et 3 millions de Smicards participent eux aussi à la demande intérieure, donc à l’activité du pays. Lorsqu’on parle de « lutte contre l’exclusion », négliger leur rôle est non seulement un non-sens économique, mais une faute morale.
SH
La conférence n’est même pas terminée (il est 14h) qu’on en connaît déjà les conclusions, qui fleurissent sur les principaux sites d’information. Comme pour la « grande conférence sociale » de juillet, les décisions étaient prises à l’avance ; à croire qu’à chaque fois les participants ne sont là que pour amuser la galerie !
Nous attendons la réaction du MNCP, qui doit l’avoir en travers de la gorge.
Actuchômage, 11 décembre 2012
Solidarité : pas de choc, à peine une pichenette !
Le mouvement national des chômeurs et précaires veut exprimer sa colère après les annonces du Premier Ministre Monsieur Ayrault aujourd’hui en conclusion de la conférence nationale de lutte contre la pauvreté.
Les arguments de la « crise », de l’ « austérité » et de la « dette » ont dominé un discours flou et de peu d’envergure politique. Nous appelions à un choc de solidarité, nous sentons à peine la pichenette : 20 milliards pour la compétitivité face à 2,5 milliards pour la solidarité, le gouvernement a exprimé aujourd’hui clairement ses priorités. Les chômeurs et les précaires n’en font pas partie.
Nous demandions une augmentation immédiate de 250 euros des minima sociaux. Le RSA ne devrait être augmenté que de 10% sur 5 ans soit 8 euros mensuels d’augmentation par an. Notre revendication d’un revenu décent garanti pour les jeunes dès la sortie du système scolaire est réduite comme peau de chagrin, avec un élargissement sous condition du RSA, sous la forme d’une proposition de contrat avec des contraintes très sélectives.
Et sur les autres points, rien ou presque n’a été dit : rien sur l’Allocation Équivalent Retraite, rien sur la dispense de recherche d’emploi pour les chômeurs âgés, rien sur l’accompagnement et les moyens de Pôle Emploi, rien sur la reconnaissance et le soutien de l’organisation collective des chômeurs et précaires…
Cette conférence est donc pour nous l’occasion d’une déception de plus : aucune ambition politique face à des enjeux immenses, aucune réponse crédible face à des questions urgentes.
MNCP, 11 décembre 2012
La bande à HEC-PS se fout du monde avec sa messe pour la pauvreté, c’est pas une surprise:
• 1998 : À gauche poubelle, précaires rebelles, http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=5374
• 2012 : Ariège, le conseil général socialiste supprime le RSA à des centaines de personnes, http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=6332
(mais ça peut valoir le coup d’aller sur le site d’actuchômage pour lire et compléter les post qui prolonge l’article ici publié)
Ils croient que la stigmatisation des assistés (« ton revenu tu nous le dois ») a tué toute velléité de lutte, la surprise ce serait de les détromper.
On aura rien d’autre que ce que l’on saura imposer.
Une des première riposte possible à l’abjection des oligarques socialistes, serait de faire partout campagne pour l’exonération de la taxe d’habitation, car ils commencent à faire payer les RSA et ASS. La CGT chômeurs mobilise là dessus dans les B-d-R et d’autres collectifs le font aussi localement, voir, par exemple : Nous ne paierons pas la taxe d’habitation… http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=6421
Et comme je parie que, dogmatismes et flemme aidants, cela paraitra réformard et dépourvu de perspective à bon nombres de lecteurs ici, et si vous décilliez ? Et si vous envisagiez de changer quelque peu un regard qui, tout compte fait, à force de se détourner du dit « social » là où ils touche nombre de nous très directement, opine à l’action de l’état.
Pourquoi ne pas décider plutôt que ces enjeux regardent rien de moins que le contrôle du temps et le temps du contrôle et qu’à la condition aussi d’en décider, ils sont au croisement du conflit de classes et des formes de vie ?