L’Égypte se soulève
Un déluge des foules jamais vu — un million selon différentes estimations — s’est abattu sur le palais présidentiel en l’encerclant, obligeant les forces de l’ordre à se retirer à l’intérieur de l’enceinte et Morsi à fuir par la porte arrière. Sa voiture a été la cible de quelques jets de pierres et un des motards de sa garde a été renversé par les manifestants. En même temps des centaines des milliers manifestaient à Tahrir et dans toutes les villes égyptiennes y compris la ville nouvelle du six octobre à 30 km à l’ouest du Caire, fief de Morsi et des membres de la Confrérie, quelques-uns ont même osé manifester devant sa résidence.
À 11 heures du soir, devant les occupants de la place Tahrir, excités par les informations sur l’état de la mobilisation ailleurs en Égypte, diffusées à partir de la tribune, le porte parole du Front du salut a lu le cinquième communiqué qui venait d’être issu par le Front : il saluait [national] d’abord la mobilisation extraordinaire des Égyptiens contre un régime qui voulait leur voler révolution et les asservir de nouveau ; appel[ait] à la continuation de l’occupation de toutes les places de l’Égypte et des alentours du palais et [à] marcher en masse le vendredi vers le palais pour contraindre le pouvoir à abroger la déclaration constitutionnelle et à annuler le référendum.
Le Parti de la liberté et de la justice, a quant à lui annoncé le djihad, contre qui ? on verra, nous sommes prêts.
Les Frères minimisaient la capacité de l’opposition à mobiliser le peuple et ne veulent pas admettre la haine que leur porte une majorité de la population à cause de leur incompétence, leur arrogance et leurs pratiques fascisantes. Le siège de la Haute Cour constitutionnelle par leurs milices, qui se poursuit jusqu’à maintenant a fait descendre dans les rues, ceux que nous appelons ici, le parti du canapé, une masse silencieuse qui ne s’était pas exprimée jusqu’à maintenant.
Demain un cortège se dirigera vers la Haute Cour pour déloger les milices qui continuent à l’encercler et permettre à ses membres [d’]y accéder.
Désormais, a déclaré Gamila Ismail, membre du Front du salut, nous répondrons à la violence par la violence et nous en sommes capables.
Le sort de l’Égypte se décidera au cours des 48 heures prochaines, nous avons relevé le défi, il ne faut pas lâcher.
La révolution continue
NOPASARAN
Reçu du Caire dans la nuit du 4 au 5 décembre 2012 – mailing
La lutte continue
Oui Al Midan Tahrir s’est vidé, devant l’assaut des Frères devant le palais présidentiel, beaucoup ont préféré se replier.
Nous reviendrons, si ce n’est demain, après demain, nous reviendrons.
Nous nous sommes redéployés. Cela fait bientôt 24 heures que nous avons quitté l’ouest du Caire, et que nous affrontons cette racaille et cette horde de flics en civils dans l’est du Caire.
Nos camarades de Mahallah assiègent le QG local des Frères musulmans depuis des heures.
À Alexandrie on a foutu le feu aux bus de ces salopards…
À Suez, ils les ont fait courir…
Ce n’est pas moins de 9 permanences de ce parti abject qui sont parties en fumée ces dernières heures, à Minya, Ismailya, Tanta et Suez…
La lutte continue.
Iannis B.
Traduit de l’anglais par H. (reçu du Caire le 5 décembre 2012 à 22h30) – mailing
Égypte : Morsi contraint de fuir le Palais Présidentiel
Contraint de quitter par prévention mardi soir le bâtiment, encerclé par des milliers d’opposants exigeant qu’il retire le décret par lequel il a élargi ses pouvoirs, le président égyptien a repris ses activités mercredi matin. Des manifestants ont décidé de camper devant l’entrée des lieux.
Le chef de l’État égyptien, Mohamed Morsi, a repris mercredi ses activités au palais présidentiel qu’il avait été contraint de quitter la veille sous la pression de plusieurs milliers de manifestants, indique un responsable du palais. Un certain nombre d’opposants au président continuent de camper devant l’une des grilles du palais, rapporte un journaliste de Reuters.
Ils étaient des dizaines de milliers d’opposants au chef de l’État égyptien Mohamed Morsi à encercler mardi soir le palais présidentiel au Caire. Leur exigence : que le dirigeant égyptien retire un décret par lequel il a considérablement élargi ses pouvoirs et protester contre un projet controversé de Constitution.
Les manifestants, dont de nombreux membres de l’opposition laïque et de gauche, ont pu s’approcher du palais. La police anti-émeutes a fait usage de gaz lacrymogène pour tenter de les disperser, sans succès, et a battu en retraite. Le président Morsi ne se trouvait pas dans le palais, a indiqué une source à la présidence. Un responsable de la sécurité a affirmé que « le président de la république a quitté le palais d’Ittihadiya à l’heure prévue après la fin des rendez-vous officiels ».
Une vidéo postée sur internet par le réseau d’information alternatif égyptien Rassd-RNN montre un convoi quittant le palais sous la protection de la police anti-émeutes tandis que des manifestants crient « lâche » et « va-t’en ».
Environ 2.000 personnes se trouvaient encore mercredi vers 3h30, heure française, autour du palais, dont le mur d’enceinte était couvert de graffitis anti-Morsi. Certains manifestants avaient dressé des tentes pour passer la nuit. La police quant à elle était peu visible aux abords du rassemblement.
Quelques personnes ont tenté d’escalader les murs du palais. Les protestataires, dont certains tapaient sur des lampadaires, ont crié les slogans phares de la révolte qui a renversé Hosni Moubarak début 2011, « Dégage ! » et « Le peuple veut la chute du régime ». Des opposants au président ont aussi manifesté à Alexandrie (nord) et dans les villes de Sohag et Minya (centre).
Le mot d’ordre de l’opposition est identique à celui des défilés précédents : elle réclame toujours l’abandon du décret par lequel le président Mohamed Morsi s’est octroyé unilatéralement des pouvoirs élargis le 22 novembre. Et elle exige également désormais l’annulation du référendum organisé à la hâte dès le 15 décembre pour valider la nouvelle Constitution, elle-même votée rapidement la semaine dernière par l’Assemblée constituante, dominée par les Frères musulmans.
Le projet de loi fondamentale, adopté en toute hâte par cette instance dominée par les islamistes, est accusé de ne pas protéger certains droits fondamentaux, dont la liberté d’expression, et d’ouvrir la porte à une application plus stricte de la loi islamique.
Presse contre-révolutionnaire (TF1, 5 décembre 2012) via Solidarité ouvrière
Plus de 200 blessés dans les heurts entre pro et anti-Morsi au Caire
Opposants et partisans du président Mohamed Morsi se sont affrontés mercredi à coups de cocktails molotov et de jets de pierres lors de heurts devant la présidence au Caire qui ont fait plus de 200 blessés et illustrent la division d’un pays s’enfonçant dans la crise.
Il s’agit des pires violences depuis l’élection en juin de M. Morsi, premier président islamiste d’Egypte qui s’est attiré les foudres de l’opposition et d’une partie de la magistrature pour s’être octroyé des pouvoirs exceptionnels le 22 novembre.
Un journaliste de l’AFP a fait état de tirs de chevrotine et de voitures incendiées, alors que le ministère de la Santé a fait état de 211 blessés.
Dans la soirée, les manifestants se trouvaient toujours aux abords du palais présidentiel malgré les appels à se retirer notamment du Premier ministre Hicham Qandil et des Frères musulmans dont est issu le président.
La police anti-émeutes a réussi à imposer un cordon de sécurité entre les manifestants rivaux devant le palais, mais des affrontements se poursuivaient à coups de pierres dans les rues adjacentes.
Pour la deuxième journée consécutive, les abords de la présidence dans le quartier cossu d’Héliopolis ont été l’épicentre de la crise.
À l’appel des Frères musulmans, des milliers de personnes avaient afflué vers le palais dans l’après-midi, démantelant les tentes dans lesquelles de petits groupes d’anti-Morsi avaient passé la nuit après une manifestation massive de l’opposition mardi.
Des protestations ont aussi eu lieu en province, et des opposants à M. Morsi ont saccagé et incendié des locaux des Frères musulmans, dont M. Morsi est issu, à Ismaïliya et Suez, dans le nord-est du pays.
Sur place, les témoignages des manifestants traduisaient une société profondément divisée, près de deux ans après la révolte qui a fait tomber le régime de Hosni Moubarak.
« Nous sommes ici pour la liberté, ils sont là pour la violence », a dit à l’AFP un anti-Morsi, Ali Gamal, 22 ans, avant de lancer des pierres sur l’autre camp.
« C’est une guerre civile qui va tous nous brûler », a déploré Ahmed Fahmy, 27 ans.
« Je suis ici pour défendre la démocratie, le président a été désigné par les urnes », a affirmé Waël Ali, un quadragénaire pro-Morsi, alors que fusaient les slogans « Le peuple soutient les décisions du président » et « le peuple veut l’application de la loi de Dieu ».
L’opposition a de nouveau exigé le retrait du décret élargissant les pouvoirs de M. Morsi et l’annulation du référendum du 15 décembre sur le projet de Constitution controversé.
Le pouvoir, de son côté, par la voix du vice-président Mahmoud Mekki, a maintenu le référendum sur ce projet accusé par l’opposition de ne pas protéger certains droits fondamentaux dont la liberté d’expression, et d’ouvrir la porte à une application plus stricte de la loi islamique.
L’imam d’Al-Azhar Ahmed al-Tayyeb, la plus haute autorité islamique d’Égypte, a appelé les Égyptiens à la retenue et au dialogue en déplorant une situation « catastrophique », et trois conseillers du président ont annoncé leur démission en signe de protestation.
À l’étranger, l’Union européenne et la Grande-Bretagne ont appelé aussi à la la retenue, alors que les États-Unis ont plaidé pour le dialogue.
La crise a éclaté avec l’annonce d’un décret du président renforçant ses pouvoirs désormais placés au-dessus de tout recours judiciaire.
Dans une conférence de presse avec l’ex-patron de la Ligue arabe Amr Moussa et l’ex-candidat à la présidence Hamdeen Sabbahi, qui font partie du Front du salut national (FSN), une coalition de l’opposition, Mohamed ElBaradei, chef du FSN, a fait porter à M. Morsi « l’entière responsabilité » des violences.
« Le régime perd de sa légitimité jour après jour », a-t-il dit. « Nous sommes prêts au dialogue » mais uniquement si le décret est retiré, a-t-il ajouté, qualifiant le pouvoir de « répressif et autocratique ».
M. Morsi a affirmé que ses pouvoirs élargis étaient destinés à accélérer une transition tumultueuse et souligné qu’ils étaient « temporaires ».
L’opposition accuse le président de dérive autoritaire et le projet de Constitution d’avoir été rédigé par et pour les islamistes.
Assawra, site du mouvement démocratique arabe, avec les agences de presse, 5 décembre 2012
L’armée égyptienne se déploie devant la présidence au Caire
Cinq manifestants ont été tués et 450 personnes avaient été blessées dans la nuit de mercredi à jeudi dans des affrontements. Cinquante personnes ont, elles, été arrêtées.
(…) L’armée égyptienne s’est déployée jeudi matin devant le palais présidentiel au Caire après les affrontements qui ont fait cinq morts entre opposants et partisans du chef de l’État Mohamed Morsi, indique un journaliste de Reuters.
Au moins trois chars et deux véhicules blindés de transport de troupes ont pris position sur l’avenue où se sont produits des heurts entre pro et anti-Morsi mercredi. Des émeutiers continuaient à s’affronter au petit matin dans les rues proches de la présidence. (…)
Cinq manifestants ont été tués dans la nuit de mercredi à jeudi dans des affrontements entre opposants et partisans du chef de l’État Mohamed Morsi. (…)
Ces manifestants ont été tués près du palais, quatre par balle et l’un après avoir été atteint près du cœur par une décharge de chevrotine, selon l’agence officielle Mena. Le ministère de la Santé a indiqué que près de 450 personnes avaient été blessées. Les Frères musulmans, dont est issu le président, ont également fait état des décès, indiquant avoir perdu cinq de leurs partisans.
Cinquante personnes ont en outre été arrêtées, selon le ministère de l’Intérieur. Des centaines de manifestants se sont affrontés dans la nuit dans les rues adjacentes au palais malgré les appels à se retirer, notamment de la part du Premier ministre Hicham Qandil et des Frères musulmans.
Des batailles à coups de bâtons, de cocktails molotov et de jets de pierres ont eu lieu toute la nuit, avec de brèves périodes d’accalmie, autour du palais présidentiel à Héliopolis, et des coups de feu se faisaient régulièrement entendre. (…)
Presse contre-révolutionnaire (lci.tf1.fr, 6 décembre 2012)
REPORTAGE. Égypte : nuit meurtrière entre pro et anti-Morsi
Au moins cinq manifestants sont morts dans de violents affrontements entre opposants et partisans du chef de l’État. L’illustration d’une Égypte plus que jamais coupée en deux. De notre correspondant au Caire, Marwan Chahine.
La chic Heliopolis ressemble à un champ de ruines après la journée qui a vu s’affronter militants islamistes et révolutionnaires, mercredi 5 décembre, devant le palais présidentiel. Au petit matin, les batailles de rues se poursuivaient ci-et-là mais la plupart des fronts semblaient endormis. Les allées entourant le bâtiment, sont désormais occupées par des centaines de pro-Morsi qui ont transformé les petits coins d’herbe en dortoirs géants.
La veille, mardi, c’est là que les opposants au raïs avaient défilé par dizaine de milliers. Les insultes contre le président ont disparu des murs, recouvertes par de la peinture fraîche, le calme semble revenu mais le sol ne trompe pas. Devant l’entrée principale des allées, sont jonchées des pierres à n’en plus finir, des bris de verre et quelques traces marrons au sol. La journée a été violente. Les premiers bilans font état de cinq morts et de centaines de blessés. Règne une atmosphère étrange et tendue. On trouve des petits groupes disparates et difficiles à identifier qui bavardent tandis que les forces de l’ordre s’alignent en rang sans qu’on comprenne trop pourquoi.
Jean, sweat à capuche, chemise de marque et cheveux péroxydés, ces trois jeunes là ont tout l’air d’être des libéraux. Mais ce ne sont « pas des révolutionnaires », précisent-ils. Ces habitants d’Héliopolis sont là avant-tout pour protéger leur quartier. Ils ont d’ailleurs demandé aux anti-Morsi de quitter les lieux afin de ne pas attiser les tensions. La voix et les yeux marqués par les émotions de la journée, Salim raconte, en français, qu’ils ont réussi à repousser les partisans des Frères jusqu’aux abords du palais.
À quelques mètres de là, un bus orange a les vitres brisées et les pneus crevés. De telles carcasses se retrouvent par dizaines dans les alentours. Les révolutionnaires s’en sont pris à tous les véhicules qui pouvaient ressembler à ceux qui ont acheminé les pro-Morsi, des campagnes jusqu’au Caire. Car ils en sont convaincus, le rassemblement de soutien au régime n’avait rien d’un mouvement spontané mais s’apparente plutôt à une « revanche des Frères » comme l’explique Ibrahim qui jure que son camp ne va pas en rester là. Sans doute fondée, sa position exprime néanmoins toute l’abysse qui sépare désormais les deux Égypte qui se font face.
Comme un pied de nez à cette irréparable rupture, les hôpitaux de campagne, accueillent des blessés des deux camps. Dans une église anglicane, située un peu à l’écart des combats, voitures et motos amènent les gueules cassées. Des hommes protègent l’entrée du bâtiment à l’aide de volumineux bâtons, la rumeur entendue à la télévision, dit que des salafistes s’apprêtent à attaquer les lieux. Rumeur infondée. Le dernier blessé est un islamiste qui a eu la mauvaise idée de rentrer seul et s’est fait cueillir tout frais par un groupe d’anti-Morsi. Bien que libéraux pour la plupart, les médecins – chirurgiens dentistes pour certains- ne se sont même pas posés la question de savoir s’ils devaient le soigner ou non. Ces jeunes pas très politisés mais résolument anti-Frères, ont accueilli aujourd’hui une vingtaine de blessés, dont l’un a reçu un tir de chevrotine. Devant la salle où s’affairent une dizaine de personnes, un très jeune homme portant un collier de barbe salafiste attend vraisemblablement son ami, à côté des parents inquiets des autres blessés. Une telle cohabitation, d’ordinaire banale en Egypte, paraît ici extraordinaire.
Le chemin du retour vers le centre-ville du Caire illustre tout le chaos ambiant. Kareem, la petite quarantaine, est un chauffeur de taxi très agité. « Elle va où l’Égypte ? Elle va où ? On est tous Égyptiens, non ? », répète-t-il en hurlant de façon compulsive. Il semble en transe. Tous les cents mètres, un nouveau barrage de milices, bâtons, haches ou toutes sortes d’objets à la main, l’oblige à s’arrêter. Ils regardent le véhicule, demande les papiers au conducteur, jaugent sa pomme et le laissent le plus souvent repartir. Kareem en a marre d’alterner marches-arrière et demi tour, Kareem en a marre de tout. Les voitures roulent dans tous les sens, les klaxons s’emballent, c’est l’anarchie. (…)
Presse contre-révolutionnaire (Marwan Chahine, tempsreel.nouvelobs.com, 6 décembre 2012)