Grève de la faim en prison après la mort d’une détenue
Gourdana est morte hier à Fleury, vraisemblablement d’un problème cardiaque. Les détenues ont manifesté estimant qu’elles n’ont pas un accès convenable aux soins.
Ambiance de mutinerie à la maison d’arrêt des femmes. Hier, près de 80% des 300 détenues de la prison de Fleury ont refusé de dîner pour protester après la mort de Gourdana. Dans l’après-midi, une cinquantaine d’entre elles avaient refusé de rentrer de la cour de promenade. Les équipes régionales d’intervention et de sécurité de Paris avaient dû intervenir pour rétablir l’ordre.
Cette prisonnière de 34 ans, incarcérée depuis près d’un an, a été retrouvée morte dans sa cellule vers 7 heures. Une autopsie sera réalisée afin de connaître les causes du décès. L’enquête menée par la gendarmerie devra déterminer s’il n’y a eu aucune défaillance des médecins. Car la veille déjà, en fin d’après-midi, cette mère de famille s’était plainte de maux de ventre et de douleurs thoraciques. À 22 heures, la détenue qui partage la cellule avec Gourdana frappe à la porte pour alerter les surveillants de l’état de santé de son « amie ». Un médecin est appelé mais il ne se déplace pas. Dans la nuit, une deuxième fois les prisonnières demandent à voir un généraliste. Cette fois, un diagnostic est établi en parlant au téléphone avec Gourdana. Les deux détenues se couchent. Et le lendemain la victime est découverte dans son lit avec la peau déjà bleue. Les soins prodigués ne parviennent pas à la sauver.
« Cela arrive que les pompiers soient obligés de faire le travail des médecins », témoigne un surveillant qui confirme le déroulement des faits. « S’il y avait plus de moyens pour les surveillants et les médecins, on pourrait éviter ce genre de drame, avance Gérald Ferjul, délégué syndical Usap-Unsa. Ce qui s’est passé est triste. Cela nous choque tous. » Les médecins et les principaux protagonistes ont été entendus par les gendarmes. « Les conseils du généraliste semblaient avoir soulagé la détenue, commente une source proche du dossier. Pour le moment, rien ne permet de dire qu’il y a eu un problème du corps médical. » L’administration pénitentiaire n’a pas souhaité commenter l’enquête en cours.
Par ailleurs, un détenu a eu le doigt sectionné après avoir été mordu par un autre prisonnier jeudi à la maison d’arrêt des hommes. L’agresseur présumé, était libérable la semaine prochaine.
« Il est impossible de voir un médecin rapidement »
IVANA écrouée à Fleury
Comme quelques autres détenues de la maison d’arrêt des femmes de Fleury, Ivana [Le prénom a été modifié] possède un téléphone portable. Contactée hier soir, elle raconte les raisons de ce mouvement de protestation.
« On s’est parlé en promenade et on a toutes décidé de refuser de manger ce soir (NDLR : hier soir), indique cette femme, très remontée.
On veut marquer le coup. Pour vous, à l’extérieur, ça n’est peut-être rien, mais sachez que c’est un geste fort ici. On en a marre. Car, quand on est malade, il est impossible de voir un médecin rapidement. Une détenue ne peut pas rencontrer un généraliste avant trois jours. Et encore, il faut que ce soit grave. Là, c’est la même chose. Gourdana a appelé à l’aide pendant une journée. En vain », accuse cette femme qui dénonce également des « conditions de détention abominables ». « On mourait de froid jusqu’à la semaine dernière, quand ils ont enfin décidé de brancher le chauffage. »
La manifestation d’hier ne devrait pas s’arrêter là. « Les jours prochains, on refusera de rentrer de promenade pour que Gourdana ne soit pas oubliée. Et que l’on ne camoufle pas encore une fois la mort d’un ou une détenue. »
Presse carcérale (Florian Loisy & Louise Colcombet, LeParisien.fr, 3 novembre 2012)