[24 février 2012]
Lettre à Kamel 2
Le gardien de mon frère,
Je t’écris ce courrier les mains liées par la douleur car je viens d’apprendre que les porcs t’ont condamné à dix ans ferme pour nos braquages de l’époque, moi j’avais réussi à m’en sortir de justesse. On s’est promis amitié, fidélité jusqu’à ce que la mort nous sépare. Je suis le gardien de mes frères et tu es l’un des plus importants à mes yeux. On choisit pas sa famille mais nous deux on s’est choisis. Toujours à deux dans la cité, tu étais mon gilet pare-balles et moi ton kalach on pensait que le monde nous appartenait, on n’avait peur d’aucune armée. Aucun zoulou nous faisait flipper, peu importe son CV on a toujours répondu à l’appel quand un faux ouf voulait nous test. Même si souvent on risquait d’y perdre nos plumes, notre première vraie rencontre je me souviens c’était sur le terrain de foot de la cité, tes passements de jambes associés à mes crochets aiguisés faisaient la paire, on était complémentaires. Notre association s’est prolongée au-delà des terrains de foot. On a fait les quatre cents coups voire plus LOL, des trucs de ouf indescriptibles, c’est pour toutes ces raisons que ta douleur est devenue mienne. Le pire c’est ce sentiment d’impuissance face à leur condamnation. On arrose un avocat mais pour la plupart du temps il est complice de leur pièce de théâtre. Beaucoup se réjouissent de notre enfermement, toutes ces putes, les faux frères à qui on a coupé la langue trop pendue… Ces balances à qui on crachait au visage ! Tous ces clowns fêtent notre séjour en prison comme une victoire mais frangin on assume le fait d’être des bonhommes « vaut mieux souffrir ici-bas que se réveiller et souffrir de son passé » on n’est l’exemple de personne, un exemple pour personne… Tu es le seul qui peux prétendre me connaître un minimum quand d’autres nous jugent un maximum. Laisse-les parler on a eu ce qu’ils ne posséderont jamais ! C’est pas en bavant sur la vie des autres que tu t’enrichis. La prison nous a ramenés à la case départ, seuls face à nous-mêmes, faut tenir mon frère, tout passe… On est encore jeunes. Dans dix ans la trentaine seulement avec toutes nos dents. La tête haute on ressortira de ce trou à rats. À vos marques prêt feu sortez le premier qui sort prend soin de l’autre inchallah. Nous ici c’est la routine… Promenade, pompes, et les fameuses embrouilles entre quartiers interminables. En ce qui concerne mon affaire ils viennent de nous donner les dates de passage aux assises. Je passe dans deux cours d’assises à Versailles et à Beauvais, en tout une vingtaine de banques. Je sais que l’addition sera salée mais bon j’assume et m’attends au pire une peine à deux chiffres c’est sûr et certain. À Beauvais ils ont accroché que Minipouce et moi, ils nous ont sorti des photos où tu vois un renoi avec des rastas, une grosse barbe, des lunettes de soleil… Bien évidemment le contraire de moi LOL. Et la BRB a persuadé la juge que c’était moi caché derrière une perruque, une fausse barbe… Wallah des grands malades. Mais bon on a tout nié en bloc, mais rien n’est gagné, la preuve ils t’ont condamné pour moins que ça. Moi avec mon casier chargé ils vont me terminer. Bref quoi qu’il se passe on gère… Pas le choix frère. Sur ce mon pote prends soin de toi wallah ils nous auront pas.
P.-S. : Comme un malheur n’arrive jamais seul… J’ai entendu qu’ils ont fumé un petit de notre quartier, un ghetto drame de plus. Quand les chats sont pas là, les souris font leurs propres lois. Mais t’inquiète je te garantis que ça va se payer fois dix…