[« Antiterrorisme »] Qui sont les « responsables de la direction centrale » de la DCRI qui ont couvert et protégé Mohamed Merah ?

Les policiers toulousains du Renseignement avaient envisagé la transmission du dossier de Mohamed Merah au parquet antiterroriste dès juin 2011, mais leurs supérieurs hiérarchiques de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) n’auraient pas réagi. Voilà ce que révèlent de nouvelles auditions du dossier, que Libération a pu consulter.

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Photo extraite du Libération papier d’aujourd’hui

Entendus il y a quelques jours, le patron de la Direction régionale du renseignement intérieur (DRRI) de Toulouse, Christian Ballé-Andui, et le brigadier chargé du suivi de Merah, le fameux « Hassan », ont expliqué que leurs inquiétudes, dès le 15 juin 2011, étaient suffisamment fortes pour avoir envisagé de « judiciariser la situation de Mohamed Merah ». Préoccupés par ce qu’ils savent de son voyage en Afghanistan et de ses contacts avec le « réseau » salafiste local, craintes redoublées par « le fait que Mohamed Merah ait évolué dans une famille et dans un environnement radical ancien », ils estiment son « potentiel de dangerosité » élevé. Et décident donc de suivre la procédure prévue dans ce type de situation. À savoir, rédiger une note à l’intention de leurs supérieurs hiérarchiques de la DCRI dans laquelle ils demandent à ce que soit « évaluée » la possibilité d’ouvrir une enquête judiciaire avec signalement de Mohamed Merah au parquet antiterroriste.

Baisse de la surveillance

Aucune réponse, disent-ils, ne leur est jamais parvenue de la direction centrale. Ils poursuivent donc leur surveillance de Mohamed Merah. Ce n’est que cinq mois plus tard, le 14 novembre 2011, à son retour du Pakistan, que la DCRI leur demande d’organiser, un « débriefing préventif ». Deux policiers de la centrale parisienne font le déplacement et mènent l’entretien, en présence d’Hassan. Le 25 janvier 2012, soit encore un mois et demi après, ces responsables de la direction centrale rédigent une note de synthèse de cet entretien, note qui sera transmise à leurs collègues de Toulouse le 21 février 2012.

Dans ce document, ils concluent que la rencontre « n’a pas permis de faire le lien entre Mohamed Merah et un éventuel réseau jihadiste ». Conséquence directe de cette appréciation, selon les policiers de Toulouse : une diminution du « degré de surveillance relative à Mohamed Merah ». « On ne travaillait plus directement sur lui », résume Hassan.

Recruter Merah ?

L’autre élément fondamental de cette note de la DCRI est contenu dans le morceau de phrase suivante : Mohamed Merah, écrivent les spécialistes parisiens, « pourrait présenter un intérêt pour notre thématique en raison de son profil voyageur ». Concrètement, traduit Christian Ballé-Andui, la direction centrale à Paris leur demande « une évaluation de fiabilité en vue de recrutement ». Toulouse décide de ne pas répondre à cette suggestion — « vu la dimension à nos yeux encore trouble de Mohamed Merah », explique Christian Ballé-Andui.

Après ces dates, alors même que Mohamed Merah commence les préparatifs de ses actes terroristes, son niveau de dangerosité est donc « revu à la baisse par les spécialistes parisiens ». Toulouse s’exécute et « enlève les surveillances ». Le 15 mars 2012, date de la tuerie de Montauban, où Mohamed Merah abat deux parachutistes et en blesse grièvement un troisième, Christian Ballé-Andui se rend sur place de sa propre initiative, et propose de participer aux réunions des enquêteurs. On lui répond que cela n’est « pas nécessaire ». Il le regrette aujourd’hui, car il pense rétrospectivement, ayant vu après coup les vidéos disponibles ce jour là, que ses chefs opérationnels auraient peut-être pu reconnaître dessus Merah. « D’ailleurs le 20 mars à 2h09 [soit environ 24 heures avant le début de l’assaut, ndlr], lorsque mon chef opérationnel voit pour la première fois les vidéos, il me dit à 80% c’est Merah. »

Mauvaise piste

Le 15 mars, Christian Ballé-Andui s’adresse aussi à sa direction centrale pour souligner son intuition d’une piste jihadiste, ayant appris notamment « que le régiment de Montauban revenait de rotation en Afghanistan ». Ses interlocuteurs lui répondent alors « que les choses ne pouvaient pas être aussi simples que cela ». Et le maintiennent « sur la piste de l’ultra-droite ». Le lendemain, le 16 mars, de sa propre initiative, Christian Ballé-Andui transmet deux notes à sa direction centrale. La première « portant sur la mouvance de l’ultra droite suivie de dix profils », pour répondre à la piste qu’on lui a suggérée.

La seconde, « portant sur la piste salafiste » avec seize noms dont six peuvent être compatibles avec les actes commis et parmi ces six, Mohamed Merah. La direction centrale lui demande, en réponse, le 17 mars, de faire des « vérifications sur les pistes de l’ultra droite » et de « mettre en attente le document sur le salafisme ». Le 19 mars, Mohamed Merah tue trois enfants et un professeur au collège juif d’Ozar Hatorah.

Publié par des larbins de la maison Poulaga (Ondine Millot, Liberation.fr, 31 octobre 2012)

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