Vers la fin du conflit dans les mines en Afrique du Sud
Démarré le 10 août dans le complexe minier de Marikana, le mouvement de grève sauvage touche à sa fin. Syndicats et patronat sont parvenus à un accord, alors que les entreprises du secteur s’apprêtaient à procéder à des milliers de licenciements.
Il faut savoir terminer une grève. Après plus de huit semaines de conflit, parfois très violent, trois des principaux syndicats miniers ont accepté les dernières propositions salariales mises sur la table par la Chambre des mines, représentant les industriels. Un accord au forceps qui prévoit une augmentation des rémunérations sous forme de primes ou de promotions. Mais, pour y parvenir, les géants du secteur AngloGold Ashanti, Gold Fields et Harmony ont dû employer la manière forte : la reprise du travail ou la porte.
L’ultimatum, qui a pris fin mercredi, concernait plus de 32.000 salariés dans le pays. Avec un bilan mitigé. Si, hier, Harmony Gold indiquait que la plupart de ses 5.400 employés avaient repris le chemin de la mine de Kusasalethu, AngloGold Ashanti, de son côté, faisait le constat que à peine la moitié des grévistes s’étaient présentés au travail. Comme promis, il se préparait donc hier matin à licencier 12.000 personnes… Idem pour Gold Fields avec plus de 7.000 travailleurs de la mine de KDC East.
Mais, pendant ce temps, en coulisse, les négociations se sont poursuivies, pour aboutir dans la journée à la satisfaction du principal syndicat d’ouvriers, le National Union of Mineworkers, le NUM, qui a rapidement appelé les mineurs à reprendre le travail dans les mines d’or. Selon le syndicat, en tenant compte de toutes les augmentations obtenues cette année, la hausse des salaires devrait atteindre de 11 à 20,8 %, selon les qualifications des mineurs.
La grève a laissé des traces
Pour les industriels, la pilule risque d’être dure à avaler. Si les cours de l’or n’ont cessé de grimper depuis dix ans, passant de 350 à 1.700 dollars l’once, les producteurs sud-africains souffrent d’un déficit de compétitivité par rapport aux Australiens ou aux Canadiens. Leurs mines sont souvent anciennes et il faut creuser de plus en plus profond pour trouver du métal jaune, ce qui complique la mécanisation des mines. Conséquence, les coûts de production auraient été multipliés par trois en dix ans.
Le conflit, qui a fait près de 60 victimes parmi les grévistes, risque de laisser des traces dans la population mais aussi sur l’économie locale. La banque centrale sud-africaine s’en est d’ailleurs alarmée en début de semaine : « Ces événements ont été très médiatisés, y compris à l’étranger, et font mauvaise impression aux investisseurs. Cela représente un risque pour la stabilité du système financier. » De son côté, le Trésor vient de revoir à la baisse ses prévisions de croissance pour cette année à 2,5 %, contre 2,7 % prévus initialement. En 2013, la baisse de production due aux grèves devrait aussi avoir un impact négatif de 0,3 point sur le PIB sud-africain.
Le retour à la normale dans les mines d’or devrait donc intervenir prochainement. La nouvelle n’a pas perturbé le marché des métaux précieux, pénalisé ces derniers jours par la hausse récente de la monnaie américaine. L’once d’or se stabilisait hier soir autour de 1.715 dollars l’once. Après cinq jours de baisse, le platine remontait autour de 1.575 dollars l’once.
Presse esclavagiste (Pierrick Fay, LesEchos.fr, 26 octobre 2012)
La grève des mineurs sud-africains laissera des traces
Depuis la fin de l’apartheid en 1994, l’Afrique du Sud n’avait pas connu pareille mobilisation. Le massacre des mineurs de Marikana, en août, a lourdement choqué la communauté noire.
Les mines reprennent lentement le travail. Les grèves qui secouent l’Afrique du Sud depuis l’hiver austral semblent toucher à leur fin. Jeudi, le Syndicat national sud-africain des mineurs (NUM) et la Chambre des mines (le patronat) ont signé un accord relevant la grille des rémunérations. « Nos adhérents ont accepté. Le pire est passé », a expliqué le porte-parole du NUM, Lesiba Seshoka.
Depuis le début de la semaine les majors de l’or tentaient d’accélérer la reprise en posant un ultimatum aux grévistes : le retour immédiat au travail ou la porte. La menace, légale dans la mesure où les tribunaux ont estimé le mouvement illicite, n’a pas eu l’effet escompté. Jeudi matin, seul 40 % des mineurs avait cédé. Les annonces de charrettes se sont donc accumulées.
Mercredi, c’est le géant AngloGold Ashanti qui avait annoncé son intention de se séparer d’environ 12.000 employés dans trois sites aurifères près de Johannesburg. La veille, c’est une autre major, Gold Fields, elle aussi spécialisée dans l’or, qui avait fermé ses portes à 8500 de ses salariés. Il y a peu, le plus gros producteur de platine au monde Anglo American Platinum (Amplats), s’était débarrassé de 12.000 personnes. L’accord signé jeudi devrait permettre le limiter cette casse. « Des négociations avec les représentants des travailleurs étaient toujours en cours pour sauver ces emplois », confirmait un porte-parole d’AngloGold, visiblement confiant.
Le signe du malaise politique qui envahit le géant africain
La grève, même si elle se termine laissera de profondes traces. Elle a coûté cher aux compagnies, qui estiment leur manque à gagner à 900 millions d’euros. La monnaie, le Rand, s’est effritée comme la confiance des investisseurs dans ce pays, qui a toujours l’image d’un État avant tout minier.
Mais plus que les conséquences économiques, ce sont surtout les conséquences politiques qui sont à craindre. Depuis la fin de l’apartheid en 1994, l’Afrique du Sud n’avait jamais connu pareille mobilisation. Le stigmate le plus douloureux sera sans aucun doute le massacre lors de la répression dans la mine de Marikana. Le 16 août, la police a ouvert le feu sur les ouvriers occupant de force ce site appartenant au britannique Lonmin, tuant 34 grévistes et en blessant plusieurs dizaines d’autres. Le bilan, qui rappelle les méthodes des policiers blancs aux pires heures du régime ségrégationniste, a lourdement choqué la communauté noire.
Car plus qu’un mouvement social, ces grèves sont le signe du malaise politique qui envahit le géant africain où, après 20 années de liberté, la majorité des Noirs demeurent dans la misère. Les travaux de la commission d’enquête sur cette tuerie n’ont fait que renforcer ce malaise. Lors des audiences, les avocats des victimes ont mis en avant le rôle joué par Cyril Ramaphosa. Membre du conseil d’administration de Lonmin, il est aussi et surtout un activiste historique, un pilier de l’ANC, le parti de Nelson Mandela, et l’un des fondateurs du NUM en 1982. Son ambiguïté ne fera qu’écorner encore un peu plus l’image de l’ANC dont de plus en plus de pauvres se détachent. Le symbole est d’autant plus fort qu’il touche l’industrie minière, un secteur que les leaders de l’ANC avaient toujours promis de nationaliser avant de renoncer lors de leur arrivée au pouvoir en 1994, en signe de bonne foi vis à vis du monde des affaires. Mercredi l’ANC a d’ailleurs répété « qu’il n’était toujours pas question d’envisager une nationalisation ».
Sans rival, l’ANC ne devrait cependant pas payer immédiatement le prix politique de ces grèves. Réuni en congrès en décembre, le parti devrait, sauf surprise, reconduire le président Jacob Zuma à sa tête, en le faisant par la même le grand favori de la prochaine présidentielle. Mais plusieurs historiens le soulignent : ce sont les grèves des mineurs qui, dans les années 1970, ont porté les premiers coups au régime de l’apartheid.
Presse esclavagiste (Tanguy Berthemet, LeFigaro.fr, 26 octobre 2012)
Afrique du Sud : les majors de l’or menacent toutes de licencier les grévistes
Les majors sud-africaines de l’or, dont les pertes de production s’accumulent depuis plusieurs semaines, se sont les unes après les autres résolues à menacer leurs mineurs en grève de licenciement, avec des résultats contrastés.
Selon un décompte de l’AFP, environ 40% des 56.000 salariés qui étaient en grève au début de la semaine dernière dans les mines d’or du pays étaient revenus au travail mardi. Et 5% ont été licenciés.
Tous les autres sont directement menacés de perdre leur emploi d’ici la fin de la semaine, les groupes Gold Fields, AngloGold Ashanti et Harmony ayant lancé des ultimatums à leurs bataillons de grévistes. Ils ont le droit de licencier, ces grèves sauvages ayant été officiellement interdites par la justice.
Gold Fields, numéro trois mondial de l’or, a réussi en maniant le bâton à rouvrir ses mines de KDC West, au sud-ouest de Johannesburg, et Beatrix (centre), qui étaient paralysées depuis les 9 et 21 septembre respectivement.
Parmi les 1.500 grévistes licenciés à KDC West parce qu’ils n’ont pas répondu à l’ultimatum de la direction, jeudi, près d’un millier ont fait appel de cette décision et pourraient retrouver leur poste à la fin de la semaine, a noté le porte-parole Sven Lusche.
Mais les dirigeants de Gold Fields ont essuyé un camouflet mardi, à la mine de KDC East : les 8.500 salariés qui y sont en grève depuis le 14 octobre n’ont pas répondu à leur injonction de cesser le mouvement avant 16H00 (14H00 GMT).
« Personne n’est revenu (au travail) aujourd’hui. Ils ont ignoré l’ultimatum, et du coup ils sont licenciés », a déclaré M. Lusche à l’AFP, précisant qu’ils ont 24 heures pour faire appel.
Chez AngloGold Ashanti, numéro trois mondial de l’or, les 24.000 grévistes risquent de perdre leur emploi s’ils ne retournent pas à la mine d’ici mercredi midi (10H00 GMT). Le mouvement s’y était propagé aux six sites sud-africains du groupe entre le 20 et le 25 septembre.
La menace avait plus ou moins fonctionné mardi, selon le porte-parole Steward Bayley, puisque deux sites ont pu rouvrir, et que la situation était jugée « encourageante » dans un troisième.
Un tiers des grévistes avaient repris le travail mardi, selon lui.
Quant au numéro cinq mondial de l’or Harmony, il a lancé son propre ultimatum mardi, menaçant de licencier les 5.400 grévistes de sa mine d’or de Kusasalethu (proche du complexe KDC de Gold Fields), paralysée depuis le 2 octobre, s’ils ne reviennent pas travailler d’ici jeudi matin.
Pour ces groupes, la facture des grèves se monte à plusieurs dizaines de millions de dollars. Harmony a indiqué avoir perdu 13.000 onces de production et Gold Fields 65.000 onces, tandis que la grève coûte 32.000 onces par semaine à AngloGold Ashanti. L’once se négociait à 1.710 dollars mardi.
Les grévistes demandent essentiellement de fortes augmentations, et contestent localement les structures du Syndicat national des mineurs (NUM), majoritaire.
La confédération syndicale Cosatu, proche du pouvoir, a protesté contre les menaces de licenciements, quand bien même la vague de grèves sauvages qui s’est abattue depuis août sur les mines sud-africaines a écorné son autorité, débordant largement le NUM, sa principale composante.
Annonçant « une mobilisation massive pour soutenir les revendications des travailleurs dans les mines » dans les prochaines semaines, elle a appelé à la réintégration immédiate des grévistes licenciés.
Les trois majors de l’or sont liés par un accord de branche négocié par le NUM, qui est valable jusqu’en juin 2013.
La Chambre des mines (patronat) a proposé une série de primes et promotions en attendant, dont bénéficieront les grévistes reprenant le travail. Elle a annoncé la signature jeudi d’un accord avec les syndicats.
Presse esclavagiste (Liberation.fr, 23 octobre 2012)