[31 janvier 2012]
Partie inspiration guerrière
Après dix ans de prison, ils s’attendent à quoi ?
Que je leur tende l’autre joue ? ou que je baisse mon froc et que je [me] morfonde en excuses ? Ma colère est justifiée.
J’ai pleuré des larmes de sang pour ne pas sombrer…
Plus jeune quand je voyais les grands de ma cité monter sur un casse je les prenais pour des fous à lier, car ils montaient sur un braco comme si ils allaient en guerre, ils étaient armés comme le G.I.G.N. à bord d’une fusée à quatre roues, ils mangeaient le bitume, l’échec était pas prévu à leur programme, je me demandais pourquoi, autant de détermination, maintenant j’ai toutes les réponses à mes questions, la plupart de ces voyous, avaient effectué des grosses peines, ils avaient compris que si ils avaient le malheur de se faire serrer par ce système, ils auraient pris des peines à deux chiffres, une fois qu’ils t’avaient dans leurs mains ils te mettaient une peine de tueur en série, une peine de fou, c’est que tu n’étais pas préparé, tu finis cinglé, tu vois tes proches vieillir à la lueur d’un parloir, après tant d’années, je devrais être rempli de haine, et de vengeance, c’est vrai que parfois, j’ai envie de manger les barreaux qui gâchent mon horizon, de crier et de prendre un surveillant en otage, lui faire une dinguerie, mais cela va rien changer à ma peine, à ma situation.
(Je connais un bon pote à moi, qui en était à huit ans d’incarcération, et dans une bagarre avec un pointeur, il l’a tapé tellement fort qu’il a fini par le tuer, donc le voilà reparti pour un long voyage derrière les barreaux.)
Faut savoir contenir sa haine et sa frustration, car quelle que soit la dureté de l’épreuve, tout finit par passer…
Qu’ils arrêtent de me parler de réinsertion, alors qu’en vrai ils s’en tapent complètement de notre avenir, ils t’infligent une peine, t’incarcèrent, pendant X temps, sans se soucier de ton évolution carcérale, et quand il te reste à tirer quelques mois, ils font mine de se soucier de ton avenir, ils te posent des questions du genre :
— Qu’avez-vous fait pendant votre incarcération ?
J’ai trop envie de leur répondre :
— Vas-y arrête ton bluff, faites pas genre que vous vous souciez de notre parcours.
Car pour eux nous [ne] sommes que des numéros d’écrou, si tu ne te prends pas en main tout seul, après la case prison, c’est la case hôpital psychiatrique qui t’attend ! Ou pire combien de nos frères, sont morts dans des conditions inexpliquées en prison ? Ils nous parlent de suicides, ils me font doucement rire…
J’ai vu des trucs indescriptibles, si je serais un détenu modèle, je serais dehors depuis longtemps, mais je peux pas me soumettre à ces gens, c’est plus fort que moi, donc j’en assume les conséquences de mon comportement insoumis.
Suis ma plume attentivement si tu y arrives.
Ma colère est contenue, sous le blouson de ma raison, d’une nature gentille, devenue méchante, à qui aboie plus fort que la limite du respect.
Homme de l’ombre au passé sombre, enseveli sous des montagnes de ciment et de barbelés, sauve qui peut dans ces endroits horribles, j’ai dû endosser une armure, pour me protéger, mais Babylone vise plus le torse t’allume en pleine tête ! Je m’attendais à sa rafale, donc même pas je suis rentré dans son délire, instinct de survie obligé, me taire je peux pas, ce serait comme se laisser mourir, on fait plus la morale à un mort, mais on lui souhaite de reposer en paix, donc j’ai mimé la mort pour rester en vie, ce qui est fait est fait, et n’est plus à refaire, je me tue au sport, aux pompes, à la boxe comme un légionnaire, j’ai la trentaine, ma vie défile à toute vitesse, mais face à mon miroir je n’ai pas pris une ride, toujours le même renoi, celui qui a la capuche sur la tête du fond de la classe, toujours prêt à Clik Clik Paaaaaaaa !! sur celui qui ose test la mifa. As-tu réussi à suivre ma plume attentivement et à déchiffrer mon hiéroglyphe ? Je ne triche pas, ce que tu lis c’est 100 % moi au fin fond de ma cellule, le même mec du quartier, si tu crois que j’ai changé c’est que tu ne m’as jamais connu !
Une pensée pour tous les mecs enfermés, malgré que les temps sont durs.
Une pensée pour toutes ces familles qui font des allers-retours tous les week-ends dans les couloirs du parloir, qui font des kilomètres et des kilomètres pour voir un fils, un mari, une sœur, une mère ou un père… Respect total à vous, c’est grâce à vous que l’on tient tant d’années derrière les barreaux.