[15 janvier 2012]
Partie écrite à chaud
DES CRAYONS DE COULEUR, AU FUSIL-MITRAILLEUR, IL N’Y A QUE LE PORTAIL DE L’ÉCOLE QUI SÉPARE.
Objectif atteint, j’ai la trentaine, mais combien sont morts en route ? Combien de frérots je ne serrerai plus jamais dans mes bras ?
On s’aimait d’un amour fraternel sans limite, soudés comme les doigts d’une main, on voulait fonder notre empire, on n’avait peur d’aucune armée, d’aucun crew, aucun faux fou nous faisait trembler.
ON DIT QUE LES MEILLEURS PARTENT EN PREMIER, ON N’AIMERAIT PAS VOIR PARTIR CEUX QUI RESTENT.
On n’est pas tous morts, j’en suis la preuve vivante, toujours aussi déterminé, même forcé à l’exil.
Il m’en faut plus que des murs ou des barreaux pour contenir ma détermination, je nous revois à 280 km/h sur l’autoroute, gyrophare allumé, la musique à fond, cagoule sur la tête, des vrais soldats du bitume, à vive allure, notre mission en ligne de mire.
Dans le bolide pas un seul traître, on pouvait compter les uns sur les autres, rêver tous du paradis, mais bizarrement personne n’était pressé de mourir.
Arrivés à l’objectif on était réglés comme des montres suisses, alors que la plupart des gens normaux dormaient, nous ça faisait déjà quatre heures qu’on était cachés dans un buisson à attendre le responsable d’une agence.
Trop précoces, trop vrais pour faire partie, ou affiliés à certaines bandes de la tess, on était totalement indépendants pourtant liés depuis la maternelle.
ON NE PEUT PAS PERDRE, SI ON NE JOUE PAS.
Le jeu m’a pris très jeune, incarcéré à l’âge où certains vont au collège, je bannis de mon vocabulaire la clope et l’alcool, la santé avant tout, c’est ce qui te garantit la longévité.
Dans ce milieu beaucoup sont et ont été allergiques au permis de visite, alors qu’il fallait nous voir dans le hall, on était plus d’une cinquantaine à tenir les murs avec des « wesh la famille » à chaque fin de phrase, mais une fois en prison, ils mangeaient même pas un grec à ta santé, mais merliche dans chaque mal il y a un bien. Ça m’a permis d’aller voir ailleurs d’élargir mon champ de vision au-delà de Mantes-la-Jolie.
J’ai appris qu’on n’était jamais mieux servi que par soi-même, et [à] compter sur personne si jamais tu tombais.
Les week-ends sans parloir s’enchaînaient, il y avait que la daronne, qui répondait présente à l’appel.
Une fois que ta peine est finie, et que tu retrouves ta fameuse cité, tout le monde t’accueille les bras ouverts, comme si ils t’avaient assumé toute ta peine, alors qu’ils t’avaient rayé totalement de leur esprit. Ça fait la bise par-ci par-là, l’hypocrisie à l’état pur, après avoir connu et vécu ces ambiances qui sonnaient faux, j’ai pris du recul, j’ai décidé de miser sur des mecs qui étaient comme moi.
Malgré tout j’en connaissais plein dans des banlieues différentes, donc j’ai décidé de les mettre en connexion.
L’ennemi de l’être humain, c’est lui-même ; donc le casting sauvage fut coriace, le comportement primait sur ton blabla, il me fallait à peine cinq minutes, pour savoir si le mec était apte à monter sur un gros coup, un vrai casting criminel.
VOILÀ UN APERÇU DE MON PARCOURS, MA VIE DIX ANS APRÈS, ENFERMÉ ENTRE QUATRE MURS ET TOUJOURS LE MÊME, MAIS ASSAGI PAR LES LARMES DE MA DARONNE.