Doit-on modifier génétiquement l’homme pour lutter contre le réchauffement climatique ?
L’article ci-dessous paraît ce lundi 17 septembre dans le nouveau numéro de la revue trimestrielle Usbek & Rica – à laquelle je collabore régulièrement – sous le titre « Tu seras un lilliputien végétalien, mon fils ». Je remercie chaleureusement ce magazine de m’avoir autorisé à le reproduire ici. Usbek & Rica, dont le sous-titre est « Le magazine qui explore le futur », se trouve dans tous les bons kiosques et maisons de la presse au prix de 5 euros.
L’égoïsme est l’avenir de l’homme. Face au réchauffement climatique qui constitue un des plus grands défis collectifs de notre temps, la réponse des nations est un grand jeu de la patate chaude. Chacun a une excellente raison de demander à son voisin de faire l’effort le premier, qui parce qu’il a un niveau de vie à préserver, qui parce qu’il a une économie à faire décoller, qui parce qu’il a du pétrole à exploiter. Le protocole de Kyoto sur la réduction des gaz à effet de serre a échoué et son successeur est mort-né. Chacun préserve ses intérêts particuliers et tous foncent vers une fin de siècle à +2 ou +3°C et des siècles suivants encore plus chauds. À moins que…
Le scientisme est l’avenir de l’homme. Le sauveur s’appelle ingénieur. Nous avons (involontairement) manipulé le climat dans un sens, nous pourrions le manipuler dans l’autre. D’où la tentation de la géo-ingénierie, cette idée qui consiste à contrebalancer le changement climatique soit en ensemençant les océans en fer pour stimuler le plancton et lui faire engloutir plus encore de dioxyde de carbone, soit en vaporisant du soufre dans l’atmosphère afin qu’elle renvoie une partie des rayons solaires, ce qui aurait pour effet de faire baisser la température planétaire. Mais, outre que l’on voit difficilement qui pourrait décider, au nom de l’humanité entière, de mettre en œuvre ce genre de solution, les réticents sont nombreux qui se demandent si la potion ne s’avèrerait pas pire que le mal. Mais l’apprenti sorcier a d’autres tours dans son sac…
Le post-humanisme est l’avenir de l’homme. Pourquoi ne pas tenter la même démarche, non plus sur le système océan-atmosphère mais sur nous-mêmes ? La question a été posée au début de l’année dans un texte de trois philosophes-éthiciens publié sur Internet. S. Matthew Liao, Anders Sandberg et Rebecca Roache y expliquent que, dans la lutte contre le réchauffement climatique, il faut songer à une tierce voie : l’homo-ingénierie. Faisons évoluer artificiellement l’être humain pour qu’il consomme moins de ressources et que soit ainsi diminué son impact écologique. Première voie à explorer : tout comme le professeur Tournesol rend, dans Tintin et les Picaros, le capitaine Archibald Haddock allergique à toute forme d’alcool, on peut chimiquement faire en sorte de rendre écœurantes les protéines animales. Exit les élevages intensifs et leur cruauté, les pets et rots de vaches pleins de méthane, le défrichement de la forêt amazonienne pour faire pousser du soja transgénique destiné à nourrir les bêtes, le détournement des cultures et de l’eau au profit des animaux de boucherie. Mais il y a mieux encore…
Le nanisme est l’avenir de l’homme. Le métabolisme de base étant directement proportionnel à la taille, les petits consomment et dépensent moins de calories que les grands. Sélectionnons donc, par le biais du diagnostic pré-implantatoire, les embryons génétiquement prédestinés à devenir de petits adultes. Tu seras un lilliputien végétalien mon fils. Tu conduiras un pot de yaourt, tu vivras dans une maison de poupée, tu boiras moins, tu pisseras moins, tu feras tout moins. On baissera les panneaux de basket, la hauteur des filets de tennis, on réduira la taille des buts au football et la longueur des pistes d’athlétisme pour que le sprint dure toujours moins de 10 secondes. Le petit sera beau, exemplaire, sexy et les conseillers du président de la République se débrouilleront pour entourer le chef de l’État d’ouvriers plus grands que lui lors de ses visites dans les usines. Dans leur article, Liao, Sandberg et Roache imaginent aussi des traitements hormonaux destinés à susciter plus d’empathie et de comportements altruistes chez Homo sapiens, ce afin de l’inciter à penser davantage aux êtres vivants, humains ou pas, qui souffrent des agressions qu’il perpètre contre la nature. L’heure serait-elle donc aux hommes et femmes améliorés ?
Le darwinisme est l’avenir de l’homme. Pour Pascal Picq, paléoanthropologue au Collège de France, le concept d’homo-ingénierie « part du présupposé qu’on est arrivé à une espèce de terme, que l’homme ne peut plus évoluer. Elle oublie que l’évolution met en exergue des ressorts insoupçonnés, qui ne se sont pas encore révélés mais sont présents dans les potentialités de nos gènes. Cette approche de démiurge ou d’ingénieur veut améliorer l’homme au-delà de son état de nature mais elle risque surtout de conduire à une perte de diversité de notre espèce. » Même si on parvient à écarter la tentation eugéniste sous-jacente à l’homo-ingénierie, reste que cette démarche dans laquelle l’homme veut prendre en main de manière artificielle sa propre évolution témoigne d’une crainte troublante : nous avons peur de ne pas pouvoir nous adapter au monde que nous avons nous-mêmes créé.
Leur presse (Pierre Barthélémy, blog du Monde Passeur de sciences, 17 septembre 2012)
La banquise arctique pourrait complètement disparaître d’ici à quatre ans
La fonte de la banquise arctique s’accélère au point qu’elle pourrait avoir totalement disparu en été d’ici à quatre ans. C’est la mise en garde de l’un des plus grands spécialistes du sujet, Peter Wadhams, dans le Guardian, lundi 17 septembre, alors que la superficie des glaces de mer de l’hémisphère Nord est sur le point d’atteindre son plus bas historique.
Wadhams, qui dirige le département de physique de l’océan polaire à l’université de Cambridge, en Angleterre, a passé de nombreuses années à recueillir des données sur l’épaisseur de la glace grâce aux mesures de sous-marins parcourant l’océan Arctique. Il avait prédit l’effondrement des glaces de mer au cours de l’été 2007, lorsque le précédent record de fonte a été atteint, à 4,17 millions de kilomètres carrés.
Cette année, le retrait des glaces s’annonce bien plus important : la banquise Arctique – la zone de l’océan où au moins 15 % de la surface est glacée – ne s’étend pour l’instant plus que sur 3,3 millions de km² et elle continue de reculer, comme le montre le suivi quotidien du National Snow and Ice Data Center (NSIDC) américain.
La surface des glaces de mer se situe bien en-deçà de la moyenne relevée entre 1979 (date des premiers relevés satellites) et 2000, qui s’établissait autour de 6,5 millions de km².
Au-delà de la superficie, la banquise se rétrécit aussi en volume : « Les mesures effectuées par les sous-marins montrent que la glace a perdu 40 % de son épaisseur depuis les années 1980 », livre Peter Wadhams.
« UNE CATASTROPHE MONDIALE » en 2015 OU 2016
« Du fait du réchauffement du climat, la fonte de la glace au cours de l’été dépasse sa reconstitution l’hiver, explique-t-il au quotidien britannique. Au début, ce recul de la glace de mer se faisait à un rythme suggérant que la banquise tiendrait encore cinquante ans ou plus. Mais depuis quelques années, le recul s’est accéléré. On se dirige vers un effondrement, qui devrait survenir en 2015 ou 2016, et qui verra l’Arctique libre de glace durant les mois d’août et de septembre. C’est une catastrophe mondiale. »
Peter Wadhams appelle alors à « des mesures urgentes » pour limiter l’augmentation des températures. « Nous ne pouvons plus prétendre faire quelque chose contre le changement climatique dans quelques décennies. Il est non seulement urgent de réduire les émissions de CO², mais aussi d’examiner d’autres façons de ralentir le réchauffement, en développant notamment diverses méthodes de géo-ingéniérie« , lance-t-il.
Le scientifique de Cambridge n’est pas le seul à livrer des projections pessimistes. « Si la tendance actuelle se poursuit, nous pensons que l’océan Arctique pourrait être presque libre de glace, à la fin de l’été, dès l’année 2016, plus ou moins trois ans », estimait dans Le Monde, en septembre dernier, l’océanographe Wieslaw Maslowski, professeur à la Naval Postgraduate School de Monterey (Californie). Soit bien loin de l’estimation du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), en 2007, qui tablait sur 2080 environ.
Si la fonte de la banquise n’a pas de conséquence sur le niveau de la mer, elle entraîne toutefois des effets néfastes sur le climat. Elle est ainsi à l’origine de modification des courants océaniques et atmosphériques, ainsi que d’un relargage accru de pesticides et autres polluants organiques persistants dans l’atmosphère, qui vont renforcer le réchauffement climatique. Dans le même temps, elle attise les convoitises des États limitrophes et des grandes compagnies pétrolières, qui y voient une aubaine pour exploiter les immenses ressources en hydrocarbures que le Grand Nord renfermerait, menaçant l’un des derniers sanctuaires encore vierges de la planète.
Leur presse (Audrey Garric, LeMonde.fr, 18 septembre 2012)