« Les violences policières n’existent pas »
VILLERS-COTTERETS (Aisne). Un jeune Cotterézien a été condamné lundi pour dénonciation calomnieuse. Il y a un an, il avait porté plainte pour violence policière.
Quel sale quart d’heure il a passé ! Au moins aussi marquant que celui du 20 septembre 2011 quand il a été interpellé par les policiers de la Bac de Soissons. Ce jeune Cotterézien a porté plainte après coup pour violence policière. Il se retrouvait à la barre, lundi, pour dénonciation calomnieuse. À n’en pas douter, il se souviendra longtemps de sa comparution devant les juges du tribunal correctionnel de Soissons. Le voilà définitivement vacciné de se mêler des affaires des autres.
« Civil choqué »
Il y a un an, ce jeune homme toujours prêt à rendre service, respectueux et poli — comme en attestent ses proches, ses amis ou encore le président de son club sportif — est témoin d’une interpellation. Les fonctionnaires de police procèdent en effet à un contrôle à la gare routière de Soissons où les incivilités pourrissent le quotidien des conducteurs de cars et des voyageurs. Le contrôle d’un mineur se passe mal, le ton monte. Les policiers l’interpellent. Il est plaqué au sol de manière trop musclée pour que le jeune Cotterézien ne se sente pas l’obligation d’intervenir. Lui aussi finit face contre terre, maîtrisé par les forces de l’ordre.
« Vous vous précipitez à l’extérieur du bus pour porter assistance à ce monsieur », résume sèchement le président du tribunal. Le jeune Cotterézien peine à se défendre face à la dureté du ton : « J’étais un civil choqué. Tout ce que je voulais, c’était leur dire : “Allez-y moins fort, il a seize ans et demi”. Je m’inquiétais pour lui. ». Autant dire que l’expression de « civil choqué » a irrité le juge : « Vous vous sentez habilité à intervenir, à donner aux policiers des conseils techniques ? »
Au sortir de sa garde à vue, le jeune homme s’était plaint d’avoir reçu un coup de boule et d’avoir vu l’un des policiers braquer un Taser sur le front du mineur.
« Il y a une particularité dans ce dossier, lui rappelle le président du tribunal, une jeune fille a filmé toute la scène avec son portable. Quand on compare votre récit et l’exploitation de la vidéo, cela ne correspond pas. » Et d’asséner : « Il n’y a pas plus de Taser qu’autre chose. » Quant au coup de boule… Penaud, le jeune homme murmure qu’il a plutôt été poussé avec le front que frappé de la tête.
Il n’en fallait pas plus pour que s’abattent sur lui les foudres du magistrat. « Il ressort que les violences policières n’existent pas et sont peut-être le fruit de votre comportement ! » Des éclairs dans les yeux, le vice-procureur De Valroger gronde : « Vous êtes minable ! » Pour le parquet, non seulement l’intervention du prévenu « est un véritable trouble à l’ordre public, mais au-delà de cette attitude anti-citoyenne, scandaleuse, on va lancer des accusations mensongères. La procureur a ordonné une enquête approfondie et tous les policiers ont été interrogés à plusieurs reprises. »
« C’est quand même musclé »
Rudy Blanchart, l’avocat du prévenu, nuance et tempère : « Tout part d’un malentendu. Il est intervenu pour quoi faire ? Faire obstruction ? Non, simplement pour leur dire d’y aller moins fort. On est dans une société où on reproche aux gens de se foutre les uns des autres. » Et l’avocat de décrire la personnalité du jeune majeur, qui vient de décrocher son bac avec mention : « C’est une personne sur laquelle on peut compter. » Si pour lui il y a malentendu sur les intentions de son client, il y en a aussi un autre entre les faits et le ressenti du jeune homme. Et quoique les fonctionnaires aient respecté les techniques d’immobilisation enseignées dans les manuels, « c’est quand même musclé. Mon client a eu 5 jours d’ITT » après cette interpellation.
Considérant que l’étudiant avait peu de ressources, le parquet, qui avait au préalable requis 120 jours amende à 10 euros, a changé les réquisitions en travail d’intérêt général après la plaidoirie. Le jeune homme a été condamné à 105 heures de travail d’intérêt général. Cette première condamnation figurera à son casier judiciaire. Il devra, malgré ses modestes ressources, verser 1000 euros à chacun des deux policiers pour le préjudice moral subi.
Publié par des larbins de la maison Poulaga (Ludivine Bleuzé, LUnion.presse.fr, 12 septembre 2012)