[Chronique de Youv derrière les barreaux] Partie 50 – « Dans le Sud le mitard était royal »

Partie 50

Le risque du métier était la privation de liberté dans le meilleur des cas, et la mort dans la pire des situations t’attendait au tournant, je devais vivre avec la mémoire de mes frères disparus tombés sous les balles de [la] volaille, ils étaient partis plus vite qu’un R1 sur la route du million d’euros.

Un an avait passé dans le Sud, je faisais partie totalement du décor, il ne manquait plus que l’accent, je connaissais tout le monde, les braves et les imitations racaille. Tout le monde roulait sa bosse comme il le voulait, en un an j’avais vu aucune bagarre, aucun règlement de comptes, un cimetière, pourtant il s’en passait des choses mais toujours en sous-marin. Les matons étaient mouillés jusqu’au cou, tout le monde y trouvait son compte, on avait tout ce qu’on voulait même le plus gros trimard avait son tel et sa fumette quotidienne, j’ai jamais vu ça nulle part ailleurs, pourtant j’en avais fait des prisons mais ça balançait à tout va, une mentalité de traître.

Un jour alors que j’étais en salle de boxe avec trois amis, on se filmait à tour de rôle en train de boxer, d’un coup le chef a fait irruption dans la salle et a pété en flag mon pote qui était en train de nous filmer et lui a dit : « J’ai vu que tu filmais Oumar, donne-moi le téléphone, je vous évite la fouille collective », mon pote a tout nié et a refusé alors qu’il y avait quatre téléphones dans la salle. Il aurait dû en sacrifier un et sauver les trois autres, le mien était dans mon sac de sport derrière le chef, il fallait absolument que je le récupère d’une manière ou d’une autre. Vu que personne voulait coopérer, le chef nous a enfermés dans la salle et [est] parti appeler du renfort, c’est là que j’en ai profité pour récupérer le téléphone qui était dans mon sac, j’ai récupéré mon tel que j’ai calé entre mes jambes, j’avais la technique avec toutes ces années de fouilles je m’étais entraîné à caler divers objets entre mes jambes sans que cela soit cramé. Les matons ont envahi la salle, nous ont fouillés intégralement nus, ils avaient rien trouvé sur moi, j’étais rôdé, les autres se sont tous fait péter, j’avais trop le seum car dans le tel à mon pote il y avait une vidéo de moi en train de boxer ils en ont déduit que le téléphone m’appartenait, c’était parti pour un voyage collectif de vingt jours de mitard, c’était la routine pour moi. Le pire c’est que dans le Sud tu avais le droit à la radio au cachot MDR c’était du gâteau comparé aux mitards que j’avais connus, où ils t’imposaient un pyjama dix fois trop petit et ton matelas était enlevé la journée pour que tu te casses le dos à chaque fois que tu voulais t’allonger sur le lit en béton. Dans le Sud le mitard était royal, j’avoue pour ceux qui connaissent pas c’est la misère quand même et par rapport à ma propre expérience, je le faisais en roue arrière LOL, mais Paname me manquait, la mentalité parisienne, les wesh wesh cousin, tout ça me manquait. Avec mon maillot de Paris j’avais fière allure au milieu de cinq cents supporters de l’OM (Olympique de Marseille), j’étais le seul banlieusard de la banlieue parisienne mais je représentais fièrement ma région, trop de Parisiens qui tombaient dans le Sud faisaient les lécheurs en mettant le maillot de l’OM moi c’était impossible, j’étais 100 % parisien, DÉDICACE À PASTORE LOL, je connaissais la plupart des youv de la région sud, j’avais des connexions à Toulon, à Toulouse, à Marseille jusqu’à Nice, la prison c’était l’école du crime, tu rencontrais des mecs qui ne payaient pas de mine mais pesaient des millions d’euros. J’ai vu des parties de poker, ça pariait des milliers d’euros, ils avaient même trouvé 12’000 euros chez un mec, c’est là que la prison s’est endurcie, plus rien ne passait, le mec avait tué la prison, des gardes-à-vue dans tous les sens, ils se sont tous balancés entre eux, une dinguerie, c’était un panier à crabes tout le monde se pinçait, mentalité zéro, j’étouffais parmi ces gens mais pour Delphine j’ai tenu tranquille.

Les dernières années passaient au ralenti, on dirait que le temps s’était arrêté, je comptais les jours, les heures, j’étais pressé de ressortir, je mourais d’envie d’être enfin père, en prison je sais que c’était impossible je me l’interdisais, j’aurais pas assumé une famille que je verrais dans un parloir étroit, les enfants méritaient d’avoir leur père libre, leurs parents réunis, loin des geôles de la République, beaucoup ont fondé une famille derrière les barreaux mais pour moi c’était au-delà de mes forces.

UN HOMME S’ÉPANOUIT QU’À TRAVERS LES YEUX DE SES ENFANTS !!!!!!

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