Partie 45
2003, la canicule nous cramait derrière les barreaux, je croyais même que j’allais y passer on était des morts-vivants le moindre fait et geste et on était en sueur, la nuit impossible de dormir, une nuit même j’ai craqué comme j’arrivais pas à dormir, j’ai rempli des sacs poubelle d’eau fraîche du robinet et j’ai dormi avec, le lendemain j’ai frisé le coma en hypothermie totale, plus jamais je referai cette erreur cet été-là du jamais vu j’étais tombé deux ans plus tôt avec Kamel qui lui est tombé à Bois-d’Arcy, j’étais en cellule avec un poteau de Limay « 78 », qui venait juste d’arriver d’un transfert disciplinaire de Fleury on s’était connus quelques années plus tôt sur Bois-d’Arcy, à Fresnes je connaissais tout le monde, j’avais créé une certaine affinité avec les mecs du 94, on avait une sacrée promenade que des vaillants la plupart des youv de la banlieue parisienne étaient là que des gros poissons, le moindre mec bizarre était détecté sur-le-champ, on avait tous des amis en commun, tous les individus qui se trouvaient dans cette cour étaient susceptibles de s’évader à un moment ou un autre, c’était les mecs les plus déterminés que j’avais jamais vus, les surveillants ne savaient même plus où donner de la tête tellement c’était criminogène, moi le p’tit renoi du Val-Fourré je faisais les cent pas avec des braqueurs de fourgon blindé, des grossistes en tonnes, on parlait la même langue, je notais tous les conseils qu’ils me donnaient, ils m’avaient adopté, ils voyaient en moi la relève du grand banditisme, il y avait des millions en potentiel dans cette cour, ils nous avaient juré fidélité à l’illicite, j’avais enfin rencontré des gens comme moi, des gens qui n’allaient pas me traiter de zinzin quand je leur raconterais mes projets, chaque jour je rajoutais un nom dans mon carnet d’adresses malgré qu’ils n’avaient plus rien à prouver dans la rue, ils tenaient un comportement exemplaire, toujours humbles jamais un mot plus haut que l’autre c’est à cette époque que j’ai rencontré Hakim d’Aubervilliers « 93 » mon frère de cœur, on était liés comme deux doigts d’une main on était les plus jeunes dans la promenade, surexcités de sortir et mettre en application tout ce qu’on avait appris, Hakim et moi étions sur la même longueur d’ondes, on était les cauchemars de Sarko, j’avais les dents longues prêt à tout pour l’oseille, à chaque fois que je remontais en cellule, je dessinais un croquis de mes plans sur un bout de papier que je cachais sous la cuvette des toilettes, il me manquait plus que la liberté pour mettre au point mes plans de crapule pour que tout marche sur des roulettes, je devais attendre que mes soldats sortent tous de taule et là ça serait la fortune assurée, enfin c’est ce que je croyais.
Un matin alors que j’étais en sport mon codétenu s’embrouille par la fenêtre avec des super potes à moi de Vitry « 94 » apparemment mon codétenu a très très mal parlé avec sa bouche quand je suis rentré du sport mon codétenu m’explique qu’il venait de mettre à l’amende nos voisins de dessus, j’ai ri jaune car il ne savait pas à qui il avait affaire, ce genre de youv ne répondait pas, s’affichait pas à la fenêtre, ils te laissaient aboyer et montaient un grave guet-apens pour te crever, mon codétenu était une hyène made in Bois-d’Arcy, il n’avait pas la mentale des voyous mais les couilles d’un banlieusard, dans certains cas les couilles ne te suffisent pas, fallait pas aboyer à tort et à travers même les plus gros fous se sont mangé la fessée quand ils étaient en tort pourquoi aller au feu gratuitement ? pourquoi risquer des coups de couteau pour une histoire à deux balles par la fenêtre ? Du coup j’ai dû appeler mon pote de Vitry et négocier pendant des heures pour qu’il gracie mon codétenu, après de rudes négociations par amitié il accepte de passer l’éponge mais il l’attendait au tournant au prochain manque de respect j’aurais pas pu sauver sa tête, le respect était la base de tout, SURTOUT NE PRENDS PAS LE RESPECT QU’ON TE DONNE POUR UNE PEUR.
Une nuit presque banale jusqu’à 4 heures du matin, ce qui devait arriver arriva, on a sursauté on s’est fait réveiller par des détonations d’explosifs et de fusils-mitrailleurs c’était pire que le feu d’artifice du 14 juillet, j’ai enfilé un t-shirt et couru jusqu’à la fenêtre, c’était Hiroshima, la prison était prise d’assaut par des soldats surarmés, on savait pas encore qui était l’heureux élu, ça pouvait être n’importe qui tellement les youv étaient nombreux à Fresnes, l’assaut a duré une dizaine de minutes tout brûlait, une dinguerie du jamais vu, un affront à la politique de Sarkozy, on était venu chercher un youv au mitard de la République, le lendemain matin à la promenade on a appris le nom de celui qui s’était fait la belle, son petit frère qui était avec nous a été bloqué en cellule, il avait rien à voir avec l’évasion mais il portait un nom qui avait traumatisé les matons, il a été transféré sur-le-champ IL ÉTAIT PRÉSUMÉ COUPABLE, c’était la fête à Fresnes, les matons étaient traumatisés d’un coup ils se sont mis à nous vouvoyer, nous respecter, avant ils se pensaient intouchables, le lendemain, on se préparait pour aller en sport, 7h30 en regardant les infos du Morning Live on a appris qu’ils préparaient une fouille secrète à Fresnes, on a tout jeté par la fenêtre, les guignols s’étaient fait cramer par Michael Youn, plus de trois cents matons nous ont ouvert la porte cagoulés bouclier à la main ils nous ont sortis un par un, devant les cellules une fouille gigantesque avait commencé, j’avais vu des fouilles ministérielles mais pas comme celle-là, les matons de partout, j’ai cru qu’ils allaient nous exécuter un par un, on a passé la journée en promenade pendant qu’ils déchiquetaient nos cellules, on était cinquante par promenade, ils avaient vidé la prison, tout le monde dehors, les violeurs, les balances étaient invités à descendre, ils ont déterré tout le monde, des K.-O. par dizaines dans les cours, ça sautait de promenade en promenade, pour choper une tête c’était trop hella, quand ils nous ont réintégrés, ils ouvraient les cellules par hasard et te jetaient dedans un truc de malade, tu passais la nuit dans une cellule qui n’était pas la tienne, fallait crier que celui qui avait hérité de ta cellule n’y foute pas le boxon, malgré la dureté de mon récit il me reste que des bons souvenirs, j’ai appris à être patient, que l’administration était capable du pire pour se venger.
AVEC GRAND PLAISIR JE VOUS FAIS PART DE MON EXPÉRIENCE, MA VIE, MA RÉALITÉ.