Partie 43
Je suis conscient que je devrai en faire plus que d’autres pour prouver que je ne toucherai plus à l’illicite money, je conçois que d’avoir goûté à l’enivrance de l’argent sale empêche beaucoup de gens de vivre sans, j’assume ce passé turbulent mais je conseille à personne de s’y aventurer, sur ce chemin beaucoup ont perdu des plumes et ne s’en sont jamais remis, le haram nous avait mis K.-O., mort dans un cimetière que personne ne fleurit même plus, ou tu finis cachetonné, isolé, dans une prison en rêvant de ce que tu n’es plus, tu tourneras pendant des siècles en promenade, tu n’auras comme voisins que des corbeaux.
En prison l’administration, voyaient tous en moi ce jeune ghetto youth, qui pissait sur la justice à longueur d’année c’était pas totalement faux, mais je m’étais largement assagi, MAIS AU FOND AVAIS-JE LE CHOIX ? CONTINUER LES ARMES AUX POINGS NE SERAIT-CE PAS UNE FORME DE SUICIDE ? Je dialoguais pas du tout avec l’administration mes mots se limitaient aux bonjour au revoir, COMMENT POURRAIS-JE AIMER DES PERSONNES QUI N’ONT QU’UN BUT C’EST DE T’HUMILIER, T’OPPRESSER, TE CASSER ? Ils me prenaient pour un simple numéro d’écrou, à chaque fois que j’avais affaire à un juge il me ressortait tout le panel de mon casier judiciaire qui datait pour les plus anciens de plus de quinze ans, mais il me [le] reprochait comme si c’était hier, j’étais persuadé que si il existait encore la guillotine, ils m’auraient coupé la tête, tellement qu’ils voulaient me rayer de la carte, ils avaient peur que des plus jeunes se reconnaissent en mon histoire et [qu’elle fasse] naître en eux une envie de révolte et prennent les armes, pas par choix mais par conviction, mais j’étais juste le fruit d’une opposition totale à leur système totalitaire.
J’étais toujours dans le Sud dans cette prison 4 étoiles mes proches signaient toujours présent au parloir, malgré nos 800 km qui nous séparent, Delphine n’en parlons même pas, même sur la Lune elle aurait trouvé le moyen de venir me voir, tous les matins je courais, pompes, barre tractions comme un légionnaire, mp3 sur les oreilles je comptais plus les paires de shoes que j’avais usées en promenade, en cellule j’écrivais beaucoup j’ai pris goût à cet art qui était mon seul passe-temps au mitard, j’écrivais tout ce qui me passait par la tête, je couchais ma rage sur une page blanche, ma plume était devenue mon meilleur ami, le plus fidèle, seul mon stylo bic savait réellement ce que j’avais dans la tête, musique à fond, je t’écris un roman en deux minutes, made in réalité, j’ai pas encore trouvé l’astuce pour éviter mes fautes d’orthographe, j’ai plutôt misé sur l’authenticité et la sincérité de mes récits, au début quand mes potes me voyaient écrire ils pensaient que j’écrivais des textes de rap MDR, mais aucune mélodie ne pourra te faire danser sur mes écrits, j’étais gaucher j’écrivais tordu, illisible pour le commun des mortels, fallait un code pin pour me relire LOL, c’était l’art que je maîtrisais le mieux derrière ces murs, je suis sûr que si ils pouvaient me confisquer ma plume, ils le feraient sans hésitation, ils étaient loin de se douter que mon stylo retranscrirait toute leur médiocrité, devant eux je faisais le mec « wesh wesh yo yo » c’était la ruse que j’avais trouvée pour qu’ils soupçonnent en moi une racaille de base, sinon ils me mettraient des bâtons dans les roues.
J’avais rien à prouver à mes bourreaux quand j’avais pas de stylo, j’écrivais au mitard avec les semelles de mes requins, un jour j’ai du même repeindre toute une cellule tellement j’avais bavé ma haine sur les murs. LA VÉRITÉ BLESSE MAIS LÀ JE LES AVAIS TUÉS.
Ça faisait six ans que j’étais à l’ombre privé d’air pur, le seul oxygène que je respirais c’était le sourire de ma daronne, de Delphine et de mes petites sœurettes, pour eux je n’avais pas le droit de lâcher le morceau je me devais de sécher leurs larmes avec des mouchoirs en soie.
Un jour alors que j’étais au mitard, le maton avait mis dans une cellule à côté de moi, un mec chelou, j’ai tapé dans le mur en criant c’est qui, il m’a répondu « J’ai trop la rage j’ai niqué mon codétenu il faisait trop le malin » dans un premier temps j’ai pas relevé j’ai appelé mon pote qui était en dessous de lui pour qu’il lui envoie de quoi manger, le lendemain matin, mon pote tape la discute avec le mec j’étais encore à moitié endormi quand mon pote a demandé au mec : « Mais au fait pourquoi t’es au mitard ? » le mec a répondu : « J’ai niqué mon codétenu », en réalité cette espèce d’ordure quand il disait qu’il niquait son codétenu c’était sexuellement parlant, j’ai halluciné tellement j’y croyais pas mes oreilles, en prison tu pouvais tomber sur des cas très spéciaux, des fous malades, fallait faire gaffe de ne pas glisser toi-même dans la folie, à force de côtoyer des détraqués.
Alors que j’avais pris quarante-cinq jours de mitard, j’ai écrit au psychiatre une lettre de malade où je lui expliquais que je voyais la dame blanche et que j’entendais des voix, parce que le psychiatre lui seul avait le pouvoir de te sortir de ce trou donc j’ai tenté un coup de bluff pour éviter la zermi du mitard, dès qu’il a reçu ma lettre le psychiatre m’a reçu sur-le-champ il s’est mis en face de moi, et m’a relu ma lettre pour voir mes réactions lorsqu’il lirait les salades que je lui ai écrit, il a bien vu que j’étais à la limite de l’éclatement de rire, il m’a répondu : « C’est normal que vous entendez des voix et que vous voyez la dame blanche, je vais vous donner une dizaine de cachets pour vous apaiser », j’ai éclaté de rire, je suis rentré dans ma cellule du mitard mine de rien il voulait me droguer aux cachets LOL et du coup j’ai fait à nouveau mes quarante-cinq jours, ça m’a semblé interminable.
L’HOMME POUVAIT SURMONTER TOUTE ÉPREUVE, À PARTIR DU MOMENT OÙ IL S’EN DONNAIT LES MOYENS.