[Chronique de Youv derrière les barreaux] Partie 34 – « Ce système t’écoute qu’une fois devant les tribunaux »

Partie 34

Tragédie d’une trajectoire, loin était l’époque où je m’enfermais dans ma chambre ado où la naïveté de mon jeune âge m’empêchait d’réaliser la dureté de la vie, néanmoins mon esprit contestataire, réfractaire m’est venu tôt, tôt j’ai su qu’il se passait des trucs pas normal, que ma maîtresse d’école me cachait quelques infos, elle faisait que dicter et appliquer le programme de l’Éducation nationale, je voyais bien qu’on n’avait rien à voir avec Napoléon Louis XVI et Charlemagne, tous ces hommes d’histoire ne me parlaient pas, aucune trace dans mon livre d’histoire de l’immigration de nos parents, de l’esclavage et encore moins de la colonisation, comme si ils avaient sauté volontairement un chapitre, cet énorme oubli va engendrer d’énormes problèmes, beaucoup de jeunes, fils d’immigrés auront un sentiment d’exclu­sion, et qui va se traduire par un mal-être profond qui creuse un fossé énorme entre ces deux parties de la population française, malgré mon jeune âge j’avais cramé cette supercherie, je m’en rappelle quand la prof nous demandait ce qu’on voulait faire plus tard on répondait en majorité par des travaux pénibles et manuels car c’est l’exemple que l’on avait à la maison, nos darons étaient tous ouvriers, tu prenais cinquante familles immigrées tu retrouvais exactement le même profil de vie de malaise, comment devenir un bon citoyen quand même les valeurs de la citoyenneté sont usurpées dès la base, quand tu vois ton père rentrer le dos éclaté par les trois-huit, pour un salaire misérable étant fils d’une famille nombreuse tu ne pouvais pas rester indemne devant tout ce scandale, j’étais trop sensible pour ne pas que tout cela m’atteigne, la précocité de ma conscience va faire que plus tard je vais prendre les armes pour rentrer en guerre contre ce système, ce système t’écoute qu’une fois devant les tribunaux, c’était notre seule tribune audible mais après nous avoir écoutés bien conscieusement ils t’enfermaient dans les geôles de la République, pour que te passe ton envie de révolte mais comment mater un enragé « TU PEUX STOPPER UN RÉVOLUTIONNAIRE MAIS PAS LA RÉVOLUTION » cette phrase voulait tout dire j’adhérais à chacune de ses lettres, mais c’est l’humanité qui est comme ça, EXEMPLE : tu fais du bien pendant dix ans à une personne et un jour tu lui fais du mal il se rappellera que du mal que tu lui as fait.

En huit ans c’était presque une décennie tout le monde avait changé autour de moi alors que moi j’ai pas bougé d’un poil, 2003 y avait encore les Motorola v. où la simple photo était irréelle 2012, me parle de i-Phone, Blackberry, Blackberry Torch… le monde évolue à une vitesse, des petits que j’avais laissés au collège ont fait des enfants par paires, des petites que j’avais laissées sont devenues des femmes, les toxicos sont restés toxicos, les imposteurs et les traîtres eux non plus n’ont pas changé, il n’y avait aucun remède contre la lâcheté, le temps passe plus vite qu’on le croit, alors n’hésitons pas à dire aux gens qu’on aime qu’on les aime, j’ai perdu beaucoup de monde en huit ans, des gens à qui je tenais énormément, ON DIT TOUJOURS QUE C’EST LES MEILLEURS QUI PARTENT EN PREMIER ON N’AIMERAIT PAS VOIR PARTIR CEUX QUI NOUS RESTENT, la trajectoire de mon parcours m’a endurci, et a fait de moi ce que je suis maintenant, un mec posé avec une certaine expérience, j’ai passé des mois au quartier d’isolement Q.I., soi-disant à cause de mes fréquentations un jour les matons m’ont levé pour me mettre au Q.I., ils étaient paranos, le pire dans cette histoire c’est que pour l’administration pénitentiaire j’étais le principal organisateur du trafic dans leur établissement, ils m’ont pris tout ce que j’avais bureau, fauteuil, armoire, soi-disant que ça provenait de divers trafics que j’avais mis en place dans la prison, sans aucune preuve j’ai tourné des mois en Q.I., mais de leur part je ne m’attendais pas à mieux, pour un youv la réinsertion était difficile, car fallait toujours prouver que t’avais changé, tu étais réduit aux actes que tu avais faits, mais c’était les règles je les assume, rien ne pouvait se mettre en travers de mon envie de réussir ma vie, j’repars de zéro avec un bagage une direction nouvelle dont je ne démordrai pas, j’ai vu et côtoyé les plus durs, les plus dangereux pendant des années, qui ont épousé le chemin de l’illicite, jusqu’à leur mort, je respectais leur choix. Mais c’était plus la vie que je voulais mener, je voulais fonder une famille et c’était pas compatible avec la vie de youv, y en a qui avaient essayé mais ont entraîné automatiquement leur famille dans leur chute, j’avais déjà assez fait de dégâts autour de moi, j’assumais tout ce que j’avais fait avant mais mon combat avait changé, l’arrivée était la même mais le chemin différent, j’ai choisi ma famille aux coffres de banque, j’ai choisi ma famille au mitard, j’ai choisi ma famille à toutes ces années gâchées dans des promenades à faire le caïd, comment tu veux faire le caïd alors que ta mère met deux heures de transport pour venir te voir, un caïd qui était plongé dans la violence, quitte à en oublier ses principes, je menais un combat perdu d’avance, le système tel qu’il est, est indétrônable, la meilleure chose que je pouvais faire était de réussir ma vie aux côtés d’une femme et d’enfants exemplaires, si Dieu me donnait la chance un jour d’avoir des enfants je leur cacherais rien du parcours et de la trajectoire de leur père, je dédierais ma vie entière pour qu’ils évitent le chemin de l’illicite.

LES CHIENS NE FONT PAS DES CHATS À CE QU’IL PARAÎT LOLLLLL.

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