Reims. Bataille rangée avec la police
REIMS (Marne). Début juin à Croix-Rouge, trois policiers avaient été caillassés par une vingtaine d’individus appelés à l’aide par la personne qu’ils interpellaient. Le tribunal a prononcé deux peines de huit mois ferme.
Avenue Bonaparte, quartier Croix-Rouge… Une adresse qui revient souvent dans les procédures de la police rémoise.
Drogue, vols, agressions ou dégradations, longue est la liste des méfaits commis à l’ombre de ces grands immeubles tristes et défraîchis. Les affrontements avec les forces de l’ordre y sont également une réalité, comme en cette soirée du 3 juin dernier.
Vers 20h30, de passage avenue Bonaparte, une patrouille repère Julien V…, 21 ans, recherché pour purger l’une de ses douze condamnations (trois mois d’emprisonnement à la suite d’une fausse alerte téléphonique auprès des pompiers).
Le jeune homme refuse de suivre les policiers. « Laissez-moi ! Vous n’avez pas le droit ! » Il se rebelle, ameute le quartier : « Au secours ! Aidez-moi les gars ! ».
Trois tirs de Flash-Ball
Aussitôt, une vingtaine d’individus surgissent de partout pour s’en prendre à la patrouille composée de trois fonctionnaires. Ils tentent de libérer leur camarade, balancent des pierres. Un agent est touché à la tête (sans gravité), deux autres projectiles endommagent le toit et le pare-brise du véhicule.
L’équipage fait usage de ses « bâtons de défense », d’une bombe lacrymogène puis de son Flash-Ball, à trois reprises, pour disperser le cercle des assaillants et s’en extraire avec Julien V…
Lors du caillassage, plusieurs visages connus ont été repérés mais, interrogés sur les individus qu’ils ont formellement vus en train de jeter des pierres, les policiers n’ont pu en citer qu’un seul tant la confusion était grande : Nacim F…, 19 ans.
Interpellé le lendemain, puis écroué, Nacim F… a comparu ce mardi avec Julien V… devant le tribunal correctionnel de Reims, le premier pour les violences et la dégradation du véhicule de police, le second pour la rébellion et la provocation à l’émeute.
« Logique de guerre »
Les deux prévenus contestent. Nacim serait parti avant le caillassage, Julien n’aurait opposé aucune résistance. Une ligne de défense fustigée par l’avocate des policiers : « C’est facile de faire le malin dans son quartier devant les copains. C’est autre chose que d’assumer sa responsabilité à la barre du tribunal. »
Le représentant du parquet se lève. « Sous les airs innocents des prévenus, se cache un enjeu d’ordre public très important », annonce Jocelyn Poul. « Dans le quartier Croix-Rouge, il y a des habitants qui n’ont pas forcément choisi de vivre là-bas, qui sont dans ces immeubles car ils n’ont pas les moyens d’être logés ailleurs et qui doivent subir au quotidien les agissements d’une poignée de jeunes qui veulent s’approprier le quartier, y faire régner leur loi. Ils y sont tellement bien parvenus que lorsque des délits sont commis, la population se tait par peur des représailles. Ils veulent rester dans leur territoire sans subir le courroux de l’autorité, et adoptent une logique de guerre dès que la police intervient : se rassembler et faire front pour la chasser de ce territoire. »
Déclarés coupables, les deux prévenus écopent chacun de huit mois ferme, la peine requise à l’encontre de Julien V… Contre Nacim F…, le parquet avait réclamé deux ans en raison d’une précédente condamnation pour des violences lors d’un attroupement armé.
Leur presse (Fabrice Curlier, lunion.presse.fr, 29 juin 2012)