Égypte : les femmes manifestent contre les agressions sexuelles
Entourées de volontaires chargés de leur sécurité, des dizaines d’Égyptiennes marchent ce samedi vers la place Tahrir pour dénoncer les agressions sexuelles qui se multiplient. Ce lieu symbole de la “révolution”, est devenu particulièrement dangereux pour les femmes.
Dans les rues du Caire, le harcèlement des femmes, quelles soient voilées ou non, à coups de remarques obscènes ou de gestes déplacés est malheureusement courant. Mais récemment, les témoignages venant de la place Tahrir sur de véritables agressions sexuelles, voire des viols, se sont multipliés. “Combien de fois ne suis-je pas descendue à Tahrir parce que je ne voulais pas sentir de mains entre mes cuisses ?”, confirme Nana al-Hariri, une manifestante de 22 ans.
Aujourd’hui, les jeunes femmes sont armées de pistolets à eau chargés d’un mélange de mercurochrome et de piment rouge, pour se défendre contre d’éventuels agresseurs mais aussi pour les marquer et les désigner à la foule. En arrivant sur la place presque vide, la dizaine de femmes, entourées par autant de volontaires en gilet jaune fluo, attirent des regards curieux, parfois un brin moqueurs. Mais des hommes se joignent aussi à la manifestation, et c’est l’occasion d’échanger.
“Nous voulons être traitées comme des citoyennes, pas comme des femelles”, dit Rasha Kamel, une gynécologue de 38 ans, l’une des organisatrices de cette action symbolique pour “un Tahrir sûr”, avant de tracer au feutre noir sur une pancarte “Je suis comme ta sœur”.
Le place est un enfer pour les femmes depuis le début de la révolution
Déjà pendant la révolte de janvier-février 2011, des Égyptiennes ainsi que des journalistes étrangères avaient déjà été victimes d’attouchements sur la place. Puis le 11 février 2011, alors que la foule en liesse fêtait le départ de Hosni Moubarak, une correspondante de la chaîne américaine CBS, Lara Logan, a été victime d’une agression d’une violence inouïe, lorsque de 200 à 300 hommes se sont jetés sur elle, la violant “avec leurs mains”. En novembre 2011, une journaliste de la chaîne France 3, Caroline Sinz, avait raconté à l’AFP avoir été “tabassée par une meute de jeunes et d’adultes qui ont arraché mes vêtements” et ont procédé à des attouchements répondant “à la définition du viol”.
Très médiatisées, ces affaires ont braqué les projecteurs sur le harcèlement des femmes en Égypte mais sans susciter de réaction des autorités, et les attaques semblent se multiplier. Le 2 juin, raconte ainsi une jeune étrangère dont le témoignage a été recueilli par l’ONG Nazra, “tous les hommes autour de nous ont soudain commencé à nous toucher partout (…). Mon pantalon a été baissé par les hommes et ils m’ont violée avec leurs doigts. Ils étaient comme des lions autour d’un morceau de viande morte.” Quelques jours plus tard, c’est un petit groupe de femmes manifestant contre le harcèlement sexuel qui est attaqué. Puis c’est une étudiante en journalisme britannique, Natasha Smith, qui affirme avoir été victime d’une agression sexuelle.
Des actes prémédités ?
Pour beaucoup, la similitude dans le déroulement des attaques et le fait qu’elles se produisent souvent près du même fast-food sur Tahrir laissent croire à des actes prémédités. Ces attaques “étaient calculées et organisées pour faire peur aux femmes et les chasser de la sphère publique, et punir les femmes de leur participation”, selon l’ONG Nazra.
Pour Ahmed Niazy, l’un des hommes venus participer à la marche pour un Tahrir sûr, “le régime, qui n’est jamais tombé, utilise le harcèlement sexuel pour réprimer la liberté d’expression. Pour eux, les femmes sont la partie la plus faible et c’est leur moyen de faire pression sur nous. Et ils ont réussi à souiller la place.”
Selon un responsable de la sécurité, personne n’a été arrêté en lien avec les nombreux incidents. La police, totalement absente de la place Tahrir, fait valoir qu’il est impossible de mettre la main sur les agresseurs au milieu de dizaines de milliers de manifestants.
Publié par des ennemis de la révolution (L’Humanité, 7 juillet 2012) via Solidarité ouvrière