Mort de Robert GALLEY à l’âge de 91 ans
Le dernier Baron du gaullisme LES PIEDS DEVANTS
PÉDIGRÉE :
Du 31 Mai à 1981 ministre sans discontinuité, la plus longue longévité ministérielle de la Ve République.
En 1955 il dirige la construction de l’usine de plutonium sur le site de Marcoule, c’est le « père » du nucléaire en France.
En 1958 il est chargé de la construction de l’usine de séparation isotopique à Pierrelatte au Commissariat de l’énergie atomique.
Il a représenté la France lors du sacre de sa majesté l’empereur BOKASSA (les diamants à Giscard).
12 mois de prison avec sursis lorsqu’il était trésorier du RPR.
Membre du comité d’honneur du Mouvement Initiative et Liberté depuis sa création en 1981, MIL qui n’est rien d’autre que le SAC dissout par Mitterrand en 1981 après une multitude d’affaires : meurtres, rackets (le 5/7 une centaine de morts)…
Député de l’Aube sans interruption de 1968 à 2002, maire de Troyes de 1972 à 1995, son successeur, aux deux postes : François Baroin dit BABOIN
IL VA NOUS MANQUER !
Robert Galley, en mai 1968, rédige « La machine infernale »
Lors d’une interview télévisée, Robert Galley a évoqué l’action qu’il était prêt à mener avec des milliers d’officiers face aux manifestants.
« Lorsqu’arrive la révolution de Mai 1968, j’étais délégué à l’informatique et mon bureau était au 233, boulevard Saint-Germain. J’étais donc aux premières loges. Les débuts m’ont semblé sympathiques. La remise en cause a toujours un côté frondeur. Puis la décomposition de la société m’a horrifié, j’étais extrêmement choqué par tout ce qui arrivait, étant entendu que mon réflexe était de dire : on n’a pas flanqué à la porte les Allemands avec toutes les pertes que nous avons subies pour voir arriver au pouvoir, ici, des Krivine et toute l’équipe d’énergumènes autour de Geismar et de Cohn-Bendit. Surtout que nous savions très bien que ces gens-là basaient une partie de leur propagande contre le militarisme et la force de dissuasion. J’ai supporté tout cela vaillamment, jusqu’au jour où je me suis mis en colère, vers le 20 mai. l’avais rencontré mon ami Jordan, parachutiste de la France libre. Compagnon de la Libération et ambassadeur. Il m’avait passé un papier sur lequel on décomposait la mécanique “provocation, répression, soulèvement”. »
« J’avais réuni un mouvement de 5000 officiers »
« Cela m’avait semblé une analyse pertinente, je suis allé voir quelques camarades comme Philippe Peschaud, président des Anciens de la 2e DB, et nous avons organisé une soirée au cours de laquelle j’ai rédigé La machine infernale. C’était un tract qui décomposait toute ta mécanique de 1968 et qui disait : “la société occidentale ne doit pas se laisser enfermer dans ce processus diabolique qui détruit tout”. Ce tract a eu une influence considérable. Je suis allé trouver la famille Wendel, car nous n’avions pas d’argent pour imprimer le tract à 2 millions d’exemplaires. Pour diffuser ce tract, j’ai fait appel à la 2e DB, à la 1re DFL, aux Français libres et j’ai convoqué les officiers. Je suis allé voir le général Simon qui était gouverneur de Lyon, des officiers à Marseille et le 25 mai, j’avais réuni autour de moi un mouvement de 5000 officiers. Ce mouvement n’était pas décidé à ce que la chose tourne à la chienlit. Nous avons eu un choc lorsque le général de Gaulle est parti car jusque-là nous avions confiance. Nous commencions à penser que la décomposition s’était même installée dans les hautes sphères de l’État. »
« Nous ne pouvions tolérer cela »
« Cela a bien tourné parce que le Général est revenu et qu’il y a eu la manifestation des Champs-Élysées mais nous, Français libres, nous ne pouvions tolérer cela. Au moment de la manifestation des Champs-Élysées, j’étais chez le général Fourquet pour essayer de concerter nos efforts avec ceux de l’armée française car nous pensions que la gauche allait réagir à cette manifestation qui a surpris par son ampleur. Mais nous ne savions pas ce qui allait se passer. Nous avions réfléchi à beaucoup de choses, en particulier de nous constituer, pour réagir, un PC clandestin. Nous nous préparions à la guerre civile, nous ne voulions pas la subir. Si c’était allé trop loin, nous l’aurions lancée nous-mêmes avec violence, tout de suite, pour créer la terreur. C’était la méthode commando. Il ne faut pas subir, il faut avoir une altitude offensive. Nous étions absolument déterminés. J’étais donc dans la préparation de ce PC clandestin à quatre heures de l’après-midi le vendredi quand j’ai eu Jacques Foccart au téléphone qui me communiquait le numéro de téléphone du général de Gaulle en me disant que si dans les cinq minutes je ne l’avais pas appelé, j’entrais au gouvernement comme ministre de l’Équipement. Je n’ai pas appelé. C’est ainsi que je suis entré en politique. »
Source : L’Est Éclair, les plus du web juin, numéro spécial : Robert Galley, page 7
« Si, dans une seule grande usine, entre le 16 et le 30 mai, une assemblée générale s’était constituée en Conseil détenant tous les pouvoirs de décision et d’exécution, chassant les bureaucrates, organisant son auto-défense et appelant les grévistes de toutes les entreprises à se mettre en liaison avec elle, ce dernier pas qualitatif franchi eût pu porter le mouvement tout de suite à la lutte finale dont il a tracé historiquement toutes les directives. Un très grand nombre d’entreprises aurait suivi la voie ainsi découverte. Immédiatement, cette usine eût pu se substituer à l’incertaine et, à tous égards, excentrique Sorbonne des premiers jours, pour devenir le centre réel du mouvement des occupations : de véritables délégués des nombreux conseils existant déjà virtuellement dans certains bâtiments occupés, et de tous ceux qui auraient pu s’imposer dans toutes les branches de l’industrie, se seraient ralliés autour de cette base. Une telle assemblée eût pu alors proclamer l’expropriation de tout le capital, y compris étatique ; annoncer que tous les moyens de production du pays étaient désormais la propriété collective du prolétariat organisé en démocratie directe ; et en appeler directement — par exemple, en saisissant enfin quelques-uns des moyens techniques des télécommunications — aux travailleurs du monde entier pour soutenir cette révolution. Certains diront qu’une telle hypothèse est utopique. Nous répondrons : c’est justement parce que le mouvement des occupations a été objectivement, à plusieurs instants, à une heure d’un tel résultat, qu’il a répandu une telle épouvante, lisible par tous sur le moment dans l’impuissance de l’État et l’affolement du parti dit communiste, et depuis dans la conspiration du silence qui est faite sur sa gravité. Au point que des millions de témoins, repris par “l’organisation sociale de l’apparence” qui leur présente cette époque comme une folie passagère de la jeunesse — peut-être même uniquement universitaire — doivent se demander à quel point n’est pas elle-même folle une société qui a pu ainsi laisser passer une si stupéfiante aberration.
Naturellement, dans cette perspective, la guerre civile était inévitable. Si l’affrontement armé n’avait plus dépendu de ce que le gouvernement craignait ou feignait de craindre quant aux mauvaises intentions éventuelles du parti dit communiste mais, tout objectivement, de la consolidation d’un pouvoir prolétarien direct dans une base industrielle (pouvoir évidemment total, et non quelque “pouvoir ouvrier” limité à on ne sait quel pseudo-contrôle de la production de sa propre aliénation), la contre-révolution armée eût été déclenchée sûrement aussitôt. Mais elle n’était pas sûre de gagner. Une partie des troupes se serait évidemment mutinée ; les ouvriers auraient su trouver des armes, et n’auraient certainement plus construit de barricades — bonnes sans doute comme forme d’expression politique au début du mouvement, mais évidemment dérisoires stratégiquement (et tous les Malraux qui disent a posteriori que les tanks eussent emporté la rue Gay-Lussac bien plus vite que la gendarmerie mobile ont certes raison sur ce point, mais pouvaient-ils alors couvrir politiquement les dépenses d’une telle victoire ? Ils ne s’y sont pas risqués, en tout cas, ils ont préféré faire les morts ; et ce n’est certainement pas par humanisme qu’ils ont digéré cette humiliation). L’invasion étrangère eût suivi fatalement, quoi qu’en pensent certains idéologues (on peut avoir lu Hegel et Clausewitz, et n’être que Glucksmann), sans doute à partir des forces de l’O.T.A.N., mais avec l’appui indirect ou direct du “Pacte de Varsovie”. Mais alors, tout aurait été sur-le-champ rejoué à quitte ou double devant le prolétariat d’Europe. »
« Le commencement d’une époque », Internationale situationniste no 12, septembe 1969
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