Eh oui, le verdict ! Le voilà, un 13 juin, un 13 juin chaud et caniculaire… Eh oui, nous méritons tout ce qui nous est arrivé, tout ce qui nous arrive et tout ce qui nous arrivera, nous méritons tout le malheur du monde, nous Kasserinois, stupides que nous sommes… Oui, nous le sommes, nous sommes stupides pour avoir tant aimé cette maudite liberté… nous aurions dû nous taire ! Comme tout le monde ! Pourquoi descendre dans la rue, pourquoi mourir, pourquoi dire non à Ben Ali et aux bourreaux de ses postes de police, pourquoi tant de sang, pourquoi tant de sueur, pourquoi tant de larmes ??? Tout ça pour ça, est-ce que ça valait vraiment le coup ???… Pourquoi libérer des Tunisiens qui le jour du verdict s’engueulent sur les plateaux télé, et sur les réseaux sociaux autour d’une polémique artificielle, autour d’un chaos laïco-salafiste intégralement monté tel une séquence télé qatarie ??? Je me rappelle encore qu’au temps du massacre en janvier 2011, lorsque les BOP et les snipers de Ben Ali terrorisaient ma ville, des millions de Tunisiens pariaient sur le résultat de la partie EST/ESS… Rien n’a changé… Le match de foot est presque le même que celui entre les salafistes, qui sont pour la plupart des délinquants portant de fausses barbes, et leurs rivaux… Les martyrs sont morts, mais cette fois, pour la deuxième fois, définitivement… ils sont morts pour de bon… la torpeur qui pèse sur les quartiers de Kasserine est insoutenable… les échos des pleurs et des sanglots sont stridents… Thala ne dort pas ce soir… la douleur est vive… les plaies béantes sont rouvertes… elle a l’habitude Thala d’être opprimée… elle a toujours été la mal-aimée, l’ennemie des despotes et des tyrans… elle a l’habitude de voir ses révoltes étouffées… mais pour une fois… elle a cru… elle a espéré, tout comme Kasserine de l’emporter contre l’injustice… Ce soir Sidi Amor Ben Othman (vous le connaissez pas, il n’a jamais été mentionné dans les manuels d’histoire de Bourguiba et de Ben Ali), Ghassen Cheniti, Ali Ben Ghedhahem, Yakine Guermazi, Slah Dachraoui, Mohamed Amine Mbarki, Saber Rtibi, Walid Saadaoui, Mohamed Khadhraoui, Ahmed Jabbari et tous les martyrs des deux villes se réuniront autour du mémorial de Hayy Ezzouhour… ils chanteront peut-être une dernière ode à la dignité… ça fera un joli chœur, de jolis cœurs qui ont commis la fatale erreur d’aimer un jour la liberté… les bourreaux sont libres ce soir, ils feront la fête… ils boiront le calice jusqu’à la lie… le sang des martyrs et les larmes de la “Tunisie de l’intérieur” les enivrent.
Hafawa, commentaire posté sur Nawaat, 13 juin 2012