Dès qu’on en venait à un point qui abordait l’idéologie, les prévenus parlaient de procès politique. Essayer de comprendre ce qu’était la MAAF faisait de ce procès un procès politique.
Mais ce n’est pas un procès politique. S’ils le disent c’est pour ne pas répondre aux questions, c’est pour avoir du panache. On n’est pas à Berlin en 33, à Moscou en 36 ou à Pékin. Madame la présidente, Messieurs du tribunal, peu importe les courants politiques dont les prévenus se sentent proches, peu importe qu’ils soient fascistes, anarchistes ou maoïstes, ce n’est pas ça qui nous intéresse.
Réquisitoire du procureur Olivier Christen au procès dit « de la dépanneuse », 21 mai 2012
Le pétulant juge Gilbert Thiel est de permanence à l’antiterrorisme, le 11 juillet dernier [2009], lorsqu’on lui présente Frédéric R., soupçonné de détention d’explosifs. À la lecture du dossier, le magistrat n’en revient pas et pique une colère mémorable contre ses voisins de bureau.
Ce jeune postier de 30 ans avait, entre juin 2007 et mai 2008, fait péter une douzaine de radars, au nom du « Front national antiradar », dont il fut le créateur et l’unique membre. Médiocre artificier, il s’était grièvement blessé chez lui, grâce à quoi il avait été interpellé. Mis en examen, le 17 décembre 2008, sur son lit d’hôpital par Yves Jannier, nouveau chef du pôle antiterroriste, et Edmond Brunaud, son second, Frédéric R. avait été laissé en liberté, sous contrôle judiciaire. Gravement mutilé, il était retourné vivre chez ses parents. Et depuis rien. En sept mois, pas le moindre interrogatoire. Incroyable négligence. Surtout face à un gars qui n’avait pas l’air bien d’aplomb, et souffrait selon un psychiatre de « ruminations morbides » et de « personnalité d’allure schizoïde ».
Le 11 juin 2009, la mère de Frédéric R., affolée, prévient la police. Son fils a commandé sur Internet du nitrate de potassium. Le 22 juin, les policiers réceptionnent le colis et l’apprenti chimiste. Perquisition, et arrestation. Cette nouvelle affaire est confiée au juge Brunaud, flanqué de Thierry Fragnoli, le juge de Tarnac. Une seconde équipe aussi performante que la première. Contrôle judiciaire, et pas la queue d’un interrogatoire…
Jusqu’au 9 juillet. Nouvelle alerte, du père cette fois : « Mon fils possède du chlorate de soude et menace de tout faire sauter. » Un kilo de chlorate de soude est en effet découvert dans un four à micro-ondes, où il avait été mis à sécher. Et quatre autres kilos attendaient patiemment à la cave depuis juin… Ignorés lors de la précédente perquisition, effectuée avec un admirable soin par les flics d’élite de la sous-direction antiterroriste.
À nouveau arrêté, Frédéric R. est enfin entendu, et pour la première fois, par le juge de permanence. C’est alors qu’il explique à Gilbert Thiel son intention de fabriquer – encore – des bombes, et lui avoue sa « passion immodérée et même irrépressible pour la confection d’engins explosifs improvisés. » (…)
Gilbert Thiel (…) s’en donne à cœur joie dans sa furieuse ordonnance, que Le Canard s’est procurée : « En dépit de l’amélioration de son état de santé, à ce jour, le mis en examen n’a toujours pas été interrogé dans une procédure qui avait nécessité un fort déploiement de fonctionnaires de police. » Quant au dossier judiciaire, « il n’est pas coté, ni même un tant soit
peu classé – ce qui ne nous paraît pas entrer dans les attributions du juge et du greffier de permanence », assène encore Thiel qui tempête contre « le caractère manifestement erratique des procédures suivies à l’encontre de Frédéric R. » C’est peu de le dire. (…)
Publié par des complices de la broyeuse « antiterroriste » (Dominique Simonnot, Le Canard enchaîné, 29 juillet 2009)
Que l’éclairage apporté par l’article du Canard ait le don d’irriter la curetaille militante (voir commentaires ci-dessous), voilà qui n’est guère surprenant. Mais si l’on en revient aux faits, force est de constater, primo, que les informations relayées à propos de l’affaire Frédéric R. n’ont été contestées par personne, deuzio, que la différence de traitement entre son cas et ceux des « anarcho-autonomes » est assez flagrante (pour ne rien dire du sort d’un « islamiste » dans pareil cas !), tertio, que c’est bien parce la pseudo-« lutte contre le terrorisme » est à géométrie variable que le procureur n’a eu rien de plus pressé à faire que de se défendre de l’accusation de procès politique, quarto, qu’il est bien connu que les journalistes d’aujourd’hui (particulièrement ceux du Canard) ne sont autorisés à faire état de ce genre d’informations « réservées » (ici, à propos de Frédéric R.) que dans la mesure où ils passent sous silence d’autres faits, autrement plus scandaleux, et méritent donc bien, pour cela, de se voir désignés ici comme « complices de la broyeuse antiterroriste ».
D’accord avec ping, l’indifférence aux différences n’est pas une critique, qu’elle s’applique à l’adversaire n’en fait pas moins un pli stérilisant. Une telle indifférence a pour conséquence néfaste une pauvreté politique dont on peut -tant elle semble parfois ici intensément désirée, se demander à quel point elle intentionnelle.
En passant, défaite pour défaite, une photo du procès des jeunes arrêtés du POUM dans l’Espagne républicaine de 1937 aurait été mieux venue que celle de la vieille garde bolchévique éliminée par Staline après « aveux » et autocritique.
Pareil que ping. Trop chiant de mettre tout et son contraire dans le même panier, et d’être strictement incapable de noter quand un article est intéressant, sérieux ou complètement délirant. Quand on reprend un article de la presse, le plus utile pour les lecteurs/trices serait de noter ce qui paraît foireux. Parce que là, à part faire vite fait rigoler, ça ne sert à rien, ça ne nous fait pas avancer, et nous fait passer pour des débiles monomaniaques.
Il serait bon de savoir distinguer la littérature policière de celle journalistique,
si vous pouviez arrêter de fabriquer des signatures mensongères .