Tract diffusé à la GayPride 2012
Quelle solidarité ?
L’an dernier, la GayPride de Tours a vu se dérouler des faits qui ne semblent pas avoir atteint la fierté des Marcheureuses, et ceci pose question.
Une charge policière sur une partie du cortège (fut-il ouvertement politisé et non certifié « homo »), devant un parterre d’extrême-droite : Comment se fait-il que cela n’ait pas suscité plus de réaction parmi le reste des participant-es ? Celleux-ci se sont généralement précipité-es pour plonger ces incidents et les personnes qui les ont subis, dans l’oubli, pour ne retenir que la « réussite » de l’édition de la GayPride 2011. Ce déni nous semble plutôt inquiétant.
Tout au plus, entendons-nous « cette année on espère que ça se passera bien ».
Ben voyons. Oui, il suffira de détourner le regard de la manifestation homophobe (sous couvert cette année de défense de la famille, tiens, comme les anti-avortement et autres cathos intégristes…), encore unique en France, qui nous attend de façon tout à fait autorisée, sur le parcours de la Pride LGBT 2012. Et d’espérer qu’ils tiennent encore bien trop à soigner leur image pour qu’ils ne chassent pas le pédé ; du moins ce jour où on est censé laisser s’exprimer notre joie de pouvoir s’afficher tel qu’on est. Cette année, plus encore, forte de son passif qui fait désormais de cette présence extrême-droitière proprement hostile un acquis, confortée qui plus est par l’attitude des autorités par rapport à la “Pride” (pour 2011 : la marche menacée d’interdiction par le Préfet, la charge policière devant des fachos rassemblés).
Il semblerait que les organisateurices préfèrent cela et tablent sur l’allégeance aux autorités, fussent-elles mérprisantes envers les transgresseur-ses de l’hétéropatriarcat (volontaires ou malgré elleux). Pour autre exemple de ce mépris persistant, la préfecture cette année a refusé la présence de la LGP pour la commémoration officielle des victimes de déportation.
À ce jeu, les organisateurices et partenaires espèrent-illes préserver une certaine tranquilité (au demeurant surtout profitable aux affaires) ? Malgré les assignations faites aux homos, aux personnes en tant que femmes ou hommes, et les violences exercées sur tous celleux qui ne se retrouvent pas dans les normes hétérosexistes et patriarcales ? Malgré le regain des revendications hétéro-phallocrates et de leur audience parmi celleux qui exercent du pouvoir ?
Pour en finir avec les « ah mais on ne sait pas vraiment ce qu’il s’est passé », revenons sur les conséquences concrètes de la charge policière lors de cette marche du 21 mai 2011. Dressons un bilan concernant celleux qui en ont directement fait les frais :
• Arrestation en pleine manifestation de deux personnes dont le seul fait finalement reproché a été d’avoir le visage masqué (ils ont fait l’objet d’un rappel à la Loi) : rien à voir avec une altercation survenue à quelques mètres du cortège, ni d’une prétendue possession d’armes (thèses colportées par les médias locaux).
• Charge policière sur le bout de cortège auquel appartenait les deux premières personnes interpellées, et dans lequel la police est venue puiser. Cela a conduit pour une grosse poignée de manifestant-es à plusieurs blessures et parfois des Interruptions Temporaires de Travail (jusqu’à 8 jours).
• Arrestation d’une troisième personne s’étant interposée à l’interpellation d’un des deux premiers manifestants (conciliation effectuée pour acte de rébellion).
• Répression judiciaire ultérieure à l’encontre d’une quatrième personne, s’étant maintenue accrochée à l’autre manifestant masqué pendant son interpellation (lourdes condamnations par suite pour violence sur agent et rébellion).
• Nouvelle poursuite judiciaire (en cours) d’une personne accusée de violence sur agent.
• À noter qu’aucun policier-e n’a été blessé-e lors de leur charge. L’un d’entre eux a droit en outre à des indemnités financières substantielles obtenues par les poursuites judiciaires ; alors même que plusieurs de ces agents en civil ont agi sans trouver nécessaire (c’est pourtant ce que dit la loi) de mettre un signe distinctif indiquant leur appartenance à la police, et qu’il était facile de les confondre avec les « spectateurs » d’extrême-droite postés dans le même espace devant le Cosmic-Café.
• Dans les temps qui suivent la GayPride 2011, maquillage médiatique : Agitation de l’image repoussoir voir sanguinaire, mais surtout fantasmée, sur la présence à la Marche d’obscurs éléments d’ultra-gauche. Orientation du débat sur l’altercation entre un manifestant et un journaliste. Justifications variées de la charge policière, toujours en mettant en cause l’attitude des manifestant-es réprimé-es…
Avec ce bilan, on mesure la “nécessité” qu’il y avait pour les forces de l’ordre de réprimer, avec violences, gaz et insultes, la queue de cortège de la Marche des fiertés LGBT 2011 : Les seuls faits initiaux condamnés légalement consistent en des gens qui s’étaient cachés le visage !!! Un comble dans une GayPride où les jeux de dissimulation de soi ne manquent pas (hé oui, tout le monde ne se met pas tout-nu pour faire un big smile aux anodines caméras !). Qui plus est, la charge policière intervient au moment où le cortège est dévisagé par un parterre de gens d’extrême-droite. Les autres faits reprochés n’ont lieu d’être qu’en raison des deux interpellations initiales…
Qui trouble quoi ?
Les manifestant-es de cette partie du cortège ont certes troublé l’ordre hétéronormé, l’ordre du chacun pour soi, l’ordre de la transparence que chaque citoyen-ne policé-e doit à l’œil inquisiteur (qu’il soit celui du pouvoir, ou celui des gardes-chiourmes de l’ordre moral, racial ou national).
À l’ordre hétéro-normé, illes ont transgressé. En prenant part à la Marche des fiertés Lesbiennes, Gays, Bi, Trans, etc., tout en se démarquant des figures dociles du consommateur-gay un peu extravagant et de sa voisine gay-friendly venue avec ses enfants. En revendiquant la subversion face à l’enfermement de ces normes et dénonçant leur violence. En affirmant l’indispensable solidarité entre les enjeux d’ordre moral, racial et national.
À l’ordre du chacun pour soi, illes ont transgressé. En estimant important de participer à une marche où ils ne se retrouvaient pas totalement (notamment par son fort aspect commercial), et pour certain-es ne se sentaient pas directement concerné-es, tout en maintenant leur différence d’approche explicitement politique. En estimant qu’il était important de dénoncer la menace moraliste, pour tout un chacun, que représente la présence hostile (bien que d’affichage policé) de l’extrême-droite. En ayant agi afin d’éviter que des individu-es se retrouvent isolé-es et susceptibles de subir des violences (qu’elles viennent de fachos ou de flics).
À l’ordre de la transparence illes ont dérogé. En se masquant pour certain-es le visage, empêchant leur identification policière aussi bien que d’être reconnu par des fachos au spectacle. En se distanciant de l’affichage normé exprimant une appartenance à un genre et à une orientation sexuels.
Alors que les militant-es d’extrême-droite n’ont jamais été inquiété par la police nationale, leur attitude n’a pas été moins agressive que les anti-fascistes. En outre le lâchage de policiers qui a semé le trouble dans les rangs de la GayPride, fut l’occasion d’un spectacle gratuit pour les fachos postés en terrasse.
Vraisemblablement, la Préfecture a voulu : Créer un climat de confusion autour des participants anti-autoritaires. Susciter isolement et divisions dans l’ensemble des participants, entre ceux qui vivent leurs différences à l’hétéro-norme et se battent ou non par rapport à cela, et ceux qui font de ce combat un aspect de la lutte anti-fasciste et anti-raciste. Semer la peur de la contestation et de la solidarité. Ainsi la Préfecture cherche à pacifier la Marche des fiertés, pour n’avoir qu’à gérer des personnes dociles et sûrement enfermées dans ce qu’autorisent actuellement les normes hétéro-patriarcales, et laisser place tout autour aux développements des expressions hétéro-sexistes phallocrates. On peut constater que pour la Préfecture et les tenant-es de l’hétéronorme, c’est jusqu’ici une réussite.
Ordre partout Solidarité nulle part
Ce constat pose la question jusqu’ici sans écho ou presque, de quelle solidarité ?
Quelle solidarité de l’ensemble des participants de la GayPride, pour qui la fête a continué sans que des questions soient posées, même ultérieurement ?
Quelle solidarité de Solidaires ? Ce syndicat était présent lors de la charge et certains de ses membres ont subi les coups ; il est à nouveau partenaire de la GayPride 2012. Solidaires avait d’abord fait un communiqué protestant clairement contre les violences policières. Mais un revirement est très vite arrivé par la bouche de son représentant départemental. Celui-ci dénigrait une partie des membres du cortège, en les accablant d’une image repoussoir tant usitée qui n’avait pas lieu d’être, et faisait d’eux les responsables de la répression ; mécanisme destructeur où on accuse les autres pour ne pas être accusé, alors même que la charge visait tout le monde.
Quelle solidarité du Service d’Ordre de la GayPride qui a adhéré aux phantasmes préfectoraux, au vu de l’attitude d’une grande partie de ses membres, flippée au moindre arrêt de cette partie du cortège ? Mais absent lors de la charge policière (hormis deux-trois volontaires participant au cortège visé) ?
Quelle solidarité des organisateurices, qui certes ont évoqué les violences une fois rendu au Château de Tours, mais n’ont jamais vraiment cherché auprès des premier-es concerné-es à savoir ce qu’il s’était vraiment passé ? Qui ont préféré garder le silence et fait comme si rien ne s’était passé, et pour qui la charge n’a pas changé leur vision pour l’organisation de l’édition 2012 ?
Quelles manifestations de solidarité de toutes ces personnes ensuite, quand des participant-es frappé-es se sont retrouvé-es poursuivi-es par la justice ? Ils ont préféré laisser ces gens dans leur isolement. Pas de communiqué, pas de présence lors des procès, des bilans béats de la Pride 2011 où semble-t-il tout allait très bien madame la Marquise.
Pourtant la solidarité, possible sous différentes formes, est une arme importante face à toute répression morale et policière.
Nous sommes…
Nous sommes un petit nombre de personnes à avoir pris part au cortège lors de l’édition 2011 derrière la banderole « ni ordre moral, racial, national », par attachement à l’anti-autoritarisme.
Prenant en considération la répression subie et l’isolement éprouvé, nous nous sommes posé-es la question de notre présence à la Lesbian & Gay Pride 2012 de Tours, mais aussi d’une manière générale sur les enjeux des questions de genre et de sexualité. Notre petit groupe a tiré un bilan de notre présence (dont le mode a varié) à la Marche des années précédentes.
Principalement, il nous est apparu qu’en 2011, ce cortège qui s’était invité, et qui à la différence d’autres participant-es l’avait fait savoir et en avait expliqué les motivations politiques, avait fait l’objet d’une grande méfiance et d’une sorte de mise à l’écart de fait, qui avait d’ailleurs favorisé la répression, et n’a suscité par la suite aucune mise en question.
Nous considérons donc avec regret (et inquiétude pour les enjeux féministes, Lgbti et d’une manière générale anti-autoritaires) que notre apparition politique comme entité participante à la Marche LGBTI Tourangelle n’a pas lieu d’être.
Ceci est dû aussi, à notre faible intervention publique sur ces questions ; ceci est notre part de responsabilité.
Ce texte est aujourd’hui en quelque sorte un appel, celui de ne pas laisser les enjeux des questions féministes et Lgbt être enfermées dans le consumérisme, le communautarisme, le simple divertissement et les stéréotypes médiatiques en toc. Ni grignotées par le regain des thèses hétéro-sexistes phallocrates.
Gay Pride : Vox Populi canalisé par la police
Les incidents de l’an dernier ne se sont pas reproduits, cette année, à l’occasion de la Gay Pride. Les militants de Vox Populi ont été tenus à distance.
Comme il l’avait annoncé, le groupuscule identitaire Vox Populi Turone s’est invité une nouvelle fois cette année dans les rues de Tours pour crier son hostilité à la Gay Pride. Les militants réunis sous la bannière « La famille est à nous » avaient pris position, en ce samedi après-midi ensoleillé, en plein centre-ville, au croisement de la rue Colbert et de la rue Jules-Favre. Ce point de rassemblement avait reçu l’aval de la préfecture. C’est en effet avec une autorisation préfectorale que le groupuscule Vox Populi a occupé la voie publique tandis qu’au château de Tours, le défilé coloré de la Gay Pride se préparait. La situation – alors que les badauds regardaient d’un œil parfois hostile les militants anti-Gay Pride – avait de quoi inquiéter les forces de l’ordre.
Mais dès le début de l’après-midi, les policiers en tenue de maintien de l’ordre se sont déployés autour du rassemblement de Vox Populi afin de tenir les militants à l’écart de ceux du défilé de la Gay Pride.
Deux cordons de police ont ainsi obligé le groupuscule, fort d’une soixantaine de personnes, à rester à distance de la marche des fiertés. Le défilé haut en couleurs, lui-même très encadré par un service d’ordre interne, est alors passé devant les drapeaux à la fleur de lys des militants d’extrême droite. L’affrontement n’a eu lieu que du point de vue des décibels. « Nous sommes tous des enfants d’hétéros », clamaient les militants de Vox Populi harangués depuis un haut-parleur par le leader du groupe. Tandis que les membres de la Gay Pride répliquaient « Égalité, égalité, égalité ».
Finalement, au croisement de la rue Colbert et de la rue Voltaire, la présence policière a permis aux deux manifestations de cohabiter sans heurts.
Les incidents qui étaient survenus l’an dernier en queue de cortège ne se sont donc pas reproduits cette fois. Et la Gay Pride a pu poursuivre son chemin sans difficulté, tandis que les militants de Vox Populi repliaient leurs drapeaux. En promettant de revenir l’année prochaine.
Presse hétéroflic (lanouvellerepublique.fr, 28 mai 2012)