Deux jeunes moines tibétains s’immolent par le feu à Lhassa
Deux jeunes moines tibétains se sont immolés par le feu dimanche 27 mai à Lhassa, au temple du Jokhang — un lieu de pèlerinage séculaire, au centre de la vieille ville de la capitale tibétaine —, a rapporté l’organisation Radio Free Asia (RFA) en citant des témoins. Selon l’agence officielle Chine nouvelle, l’un a trouvé la mort et l’autre est gravement blessé.
Les deux moines, juste après s’être transformés en torches humaines, ont été rapidement évacués par les forces de sécurité, selon la radio installée aux États-Unis. Les policiers sont parvenus à éteindre les flammes « en quelques minutes » et l’un des deux Tibétains, nommé Dargye, a survécu à ses blessures, a précisé l’agence officielle chinoise.
Dargye est originaire d’Aba, une zone tibétaine de la province du Sichuan, où ont eu lieu plusieurs immolations de Tibétains depuis l’année dernière. Le second moine se nomme Tobgye Tseten et venait de la province du Gansu, au nord-est de la région autonome du Tibet.
Il s’agit des « premières immolations dans la capitale de la région autonome du Tibet, Lhassa, pour protester contre la tutelle de la Chine », a affirmé RFA sur son site Internet. Les autorités locales, contactées par l’AFP, se sont refusées à tout commentaire.
VERROUILLAGE DES COMMUNICATIONS
Un haut responsable communiste de la région, Hao Peng, a condamné ces faits, en estimant qu’ils constituaient une « poursuite des immolations survenues dans les autres zones tibétaines et des actes destinés à séparer le Tibet de la Chine ».
À Lhassa, la ville « est désormais quadrillée par la police et les forces paramilitaires, et la situation est très tendue », a décrit à RFA un Tibétain en exil ayant des correspondants sur place. Une femme jointe par téléphone dans un hôtel de Lhassa n’a également pas souhaité s’exprimer sur les faits. « Quelque chose s’est effectivement passé ici, mais je ne peux pas en dire davantage », a-t-elle dit.
Une gérante d’hôtel a expliqué à l’AFP que les communications par téléphones cellulaires étaient brouillées dans le quartier du monastère bouddhiste de Jokhang, véritable cœur spirituel de Lhassa et haut-lieu de pèlerinage depuis des siècles. « Il y a beaucoup plus de policiers qu’avant et ils renforcent les contrôles d’identité », a-t-elle relaté.
Les recherches sur Internet contenant le mot « Dazhaosi », le nom chinois du temple, étaient par ailleurs bloquées lundi par le système de censure contrôlé par les autorités chinoises.
RÉPRESSION ACCRUE
Lhassa avait été le théâtre en 2008 de violences meurtrières antichinoises. Ces manifestations avaient débuté le 10 mars, jour anniversaire du soulèvement contre la tutelle de Pékin en mars 1959, avant de s’étendre à d’autres régions de Chine où vivent des minorités tibétaines.
Plus de trente Tibétains, en majorité des moines bouddhistes, se sont immolés par le feu ou ont tenté de le faire depuis début mars 2011 dans les zones tibétaines chinoises. Le plus haut responsable du Parti communiste chinois de Lhassa avait ordonné au début de l’année un renforcement de la surveillance policière des monastères, après des manifestations de Tibétains violemment réprimées dans des régions voisines.
Qi Zhala, chef du Parti communiste de la capitale de la région autonome, avait également demandé une répression accrue contre les activités « séparatistes », selon lui fomentées par la « clique » du dalaï-lama, chef spirituel exilé des Tibétains, honni par Pékin.
La Chine affirme avoir « libéré pacifiquement » le Tibet et amélioré le sort de sa population en finançant le développement économique de cette région pauvre et isolée. Mais de nombreux Tibétains ne supportent plus ce qu’ils considèrent comme une domination grandissante des Hans, l’ethnie fortement majoritaire en Chine, et la répression de leur religion et de leur culture.
Leur presse (LeMonde.fr avec l’Agence Faut Payer, 28 mai 2012)