Deuxième jour du procès antiterroriste : ADN et bouchons de bouteilles
Le tribunal a essayé de cerner les options politiques des prévenus et les a questionnés sur les traces ADN retrouvées sur un engin incendiaire.
L’ADN de Damien B., l’un des six prévenus jugés à Paris depuis lundi pour association de malfaiteurs “en vue de la préparation d’actes de terrorisme”, a été retrouvé sur le bouchon d’une bouteille. Cette bouteille et cinq autres, raccordées à des fagots d’allumettes et des cigarettes faisant office de retardateur, auraient mis le feu à une dépanneuse de police garée devant un commissariat rue de Clignancourt en mai 2007 si le dispositif avait fonctionné. Damien B. n’a “aucune explication à donner” :
“J’ai déjà été en contact avec des bouteilles. Je ne m’explique pas que mon ADN se retrouve sur un engin incendiaire.”
Il évoque la possibilité d’un ADN “volatile” puisqu’il ne connaît pas “la nature de la trace retrouvée” : salive, cheveu, poil ou autre.
Comme ses coprévenus, il assume par ailleurs sa condition de militant politique aux côtés des sans-papiers, contre les centres de rétention, contre les prisons. Chez lui, les policiers ont trouvé des tracts, des revues, des affiches, des livres “relatifs à la lutte anarchiste”. “J’ai toujours reconnu m’intéresser à ces sujets-là, pas seulement du point de vue informatif mais aussi militant”, explique Damien B. Le public, venu en soutien, pouffe de rire quand la présidente lui demande s’il a déjà adhéré à Amnesty international ou au Samu social.
Lorsqu’il est interpellé en janvier 2008, les policiers l’associent à la “mouvance anarcho-autonome francilienne”, un terme que Damien B. qualifie de “création policière apparue à un moment dans les journaux”. La présidente promet qu’elle “essaiera de voir ce qui peut se retrouver là-dedans”. Jamais condamné auparavant, il se retrouve mis en examen dans un dossier antiterroriste avec son colocataire de l’époque, Ivan H., un ami, Bruno L., et trois autres personnes accusées d’une série d’actes de sabotage.
Dans le cas de Franck F., la présidente revient longuement sur les autocollants et tracts collés sur son frigo. Accoudé au bureau, il commente la photo de son intérieur et revient sur les images de manifestations en Grèce perquisitionnées chez lui.
L’ADN de Frank F., lui, n’a pas voltigé jusque sous la dépanneuse. Quatre jours après Damien B., en janvier 2008, il est arrêté en voiture avec son amie et co-prévenue, Ines M., par des douaniers “sans doute à la recherche de stupéfiants” au péage de Vierzon. Dans le sac à dos de la jeune femme et dans la voiture sont saisis 1,7 kg de chlorate de soude, du chlorate de potassium, des plans de l’établissement pour mineurs de Porcheville et des livres en anglais et en italien sur le sabotage et les explosifs.
Franck F. a toujours dit qu’il ignorait le contenu du sac et le maintient. Mais, “bien connu des renseignements généraux depuis 2003” pour sa participation à des manifestations et sa présence lors de l’évacuation de squats, il est confié aux services antiterroristes. Même chose pour Ines M., complètement inconnue des RG. Elle s’explique sur le contenu du sac :
“Quelques jours avant, j’ai fait du rangement chez moi et trouvé ces documents, en anglais et en italien, et les plans. J’ai pensé à des affaires égarées par des personnes qui seraient passées par là, et je me suis dit que je n’avais pas très envie de garder ça chez moi.”
La veille de son interpellation, Ines B. lit dans Le Parisien un article sur trois anarchistes arrêtés avec du chlorate de soude. Il s’agit de Bruno L., Ivan H. et Damien B., mais elle dit ne pas le savoir à ce moment-là. “Prise d’une peur irrationnelle”, elle décide de se débarrasser des documents et du chlorate de soude qu’elle avait acheté “pour désherber une souche” et “faire des fumigènes”. Elle compte les transporter dans sa maison de la Creuse, pour “s’en débarrasser ou les éloigner“.
La présidente : “Saviez-vous que le chlorate de soude peut entrer dans la fabrication d’explosifs ?”
Ines M. : “Oui, mais ce n’est pas parce qu’on a entendu parler de quelque chose qu’on en connaît la fabrication et l’usage.”
La présidente : “Saviez-vous que le chlorate de potassium, lui aussi, peut servir à fabriquer des explosifs ?”
Ines M. : “Non. C’est un médicament contre la toux et les maux de gorges, en vente libre en Espagne.”
Sur l’engin incendiaire déposé sous la dépanneuse en 2007, cinq traces ADN ont été retrouvées. Trois correspondent aux ADN d’Ines M., de son frère Xavier M. et de Damien B. Les deux autres restent non attribuées. Ines M. “conteste l’utilisation de l’ADN comme preuve” :
“Je ne m’explique pas sa présence. Il se peut qu’un cheveu se déplace partout, transporté par des objets.”
Placée en détention, elle est transférée de prison en prison, à Sequedin, à Rouen, à Versailles. “On a couru toute la France pour la voir, ça a handicapé sa défense”, tonne son avocat. Mercredi, la présidente compte revenir sur les manifestations de solidarité organisées à l’extérieur pendant la détention de sa cliente [sic].
Presse terroriste (Camille Polloni, LesInrocks.com, 16 mai 2012)