Angoulême. Pierre Carles présente ce soir son documentaire « DSK, Hollande, etc. »
Son film dans lequel il passe au crible les liens entre médias et politiques. Un pavé dans la mare à trois jours du premier tour.
C’est une avant-première. Mais le film ne risque pas d’être vu à la télé. C’est le prix à payer quand on est un franc-tireur qui rame à contre-courant du système et a fait de la dénonciation des connivences entre médias et politiques son cheval de bataille.
Même s’il n’est pas complètement seul dans ce combat-là, comme le montre la diffusion récente sur les écrans du film Les Nouveaux Chiens de garde qui taille en pièces les costumes des éditorialistes omniprésents à la télé et la radio. Dans la même veine, Pierre Carles présente ce soir, avec Benoît Delépine, deux films, dont le plus récent, DSK, Hollande, etc. Un documentaire qui sent déjà le souffre puisque plusieurs journalistes interrogés lui ont écrit pour interdire la diffusion de leur image.
Que voulez-vous démontrer à travers ce film ?
Pierre Carles. Notre enquête parle du processus de présélection opéré par les grands médias dans la campagne présidentielle. C’est une enquête, coréalisée avec Julien Brygo et Aurore Van Osptal, basée sur des archives et des analyses de reportages qui montrent que les journaux, en général, roulent pour les mêmes candidats.
Les médias sont pluriels, comment pourraient-ils être à ce point unanimes ?
La presse est foncièrement de droite. Et elle s’appuie sur des sondages qui mesurent surtout la popularité. Si on met DSK en une, il devient populaire, grimpe dans les sondages, donc on le remet à la une. Il y a une logique d’entraînement. Certains sociologues, interrogés dans le film, prônent la suppression de certains médias, comme TF1. Quel intérêt de conserver trois chaînes qui diffusent le même journal ?
À force de taper sur le système, vous devez être tricard dans le milieu ?
C’est normal qu’on ne soit pas les bienvenus. Mais on trouve des solutions alternatives de production, par des contributions d’internautes. D’ailleurs, le film sera mis en ligne en même temps que l’avant-première à Angoulême.
Ce soir, vous serez aussi accompagné de Benoît Delépine. Pourquoi ?
Benoît Delépine avait manifesté son soutien suite à la polémique avec Canal+ qui avait déprogrammé la diffusion de Pas vu à la télé [NDLR : un précédent documentaire de Pierre Carles]. On s’est revu sur le film Choron dernière. Et puis je suis curieux de savoir ce qu’il pense des émissions de sa chaîne. Le Grand Journal affiche un mépris total des petits candidats. Jean-Michel Apathie est un des pires chroniqueurs. Quant au Petit Journal, il a affiché une telle complaisance lorsqu’il a reçu Sarkozy qu’on voit quel camp il a choisi.
Le film « Juppé forcément » est aussi diffusé ce soir. C’est une variation sur le même thème ?
Ça raconte la manière dont Juppé a fait sa propagande quand il a voulu prendre la mairie de Bordeaux en 1995. Sud Ouest et France 3 lui ont déroulé le tapis rouge. À croire ces deux médias, il n’y avait qu’un seul candidat, celui choisi par la CCI et la grande bourgeoisie. Ça se passe souvent comme ça, mais c’est rarement aussi grossier. Il y avait un côté pays de l’Est sous le règne communiste.
Le film est projeté avant le premier tour. Vous espérez influencer le vote ?
Je suis très content qu’on puisse le diffuser avant le premier tour. C’est rare de raconter un crime pendant qu’il est en train de se commettre. Mais on n’appelle pas à voter pour tel ou tel candidat. On veut juste dire aux gens que s’ils votent Hollande ou Sarkozy, ils votent pour les candidats du système.
« Aux urnes citoyens », ce soir, à la salle Nemo, à la Cité, à Angoulême. À 18h30 : projection de « Juppé forcément ». À 19h : débat. À 20h : cocktail. À 21h : projection de « DSK, Hollande, etc. » À 22h : débat.
Leur presse (CharenteLibre.fr, 19 avril 2012)
Vingt ans après « Juppé forcément »… Hollande évidemment !
Reprise des hostilités
C’est toujours la même histoire, toujours le même acharnement à faire avaler aux électeurs les fromages de têtes sélectionnés par les médias. En 1995, Alain Juppé convoitait la mairie de Bordeaux, moyennant quoi les chefferies locales, Sud Ouest et France 3 en tête, émerveillées qu’un si illustre personnage ait jeté son dévolu sur leur ville, ovationnèrent sa candidature avant même qu’il la déclare. Le tapis rouge déroulé sous les pieds du prince fit l’objet d’un film de Pierre Carles, Juppé forcément, qui continue de faire les délices des internautes.
Dix-huit ans plus tard, on prend les mêmes et on recommence. Les mêmes, c’est-à-dire leurs décalques du moment : Strauss-Kahn d’abord et Hollande ensuite dans le rôle de Juppé, les éditorialistes parisiens à la place des bobardiers bordelais. Les mêmes vapeurs d’encens fournies en expertise, la même bouffonnerie courtisane grimée en compétence journalistique. Et toujours Pierre Carles, flanqué cette fois de Julien Brygo et d’Aurore Van Opstal, pour leur mettre le nez dedans. Souvenez-vous, c’était hier, la France découvrait avec stupéfaction que le patron du FMI était son socialiste préféré. « Sauveur de l’économie mondiale » selon Libération, et donc sauveur de la gauche hexagonale. Pas encore postulant à l’Élysée, mais déjà attendu comme le messie.
Un candidat nommé désir
Les permanents des plateaux télévisés dissertaient sur « DSK, un candidat nommé désir ». « Ce n’est pas un sondage, c’est un plébiscite », frissonnait le « Grand journal » de Canal +, en référence à une étude d’opinion qui promettait au chef banquier un score de président nord-coréen. La messe était dite, célébrée par la journaille sur la foi de sondages mesurant les effets de son matraquage. Et ce n’est pas Maurice Szafran, le directeur de Marianne, qui dira le contraire devant la caméra apparemment éteinte – mais toujours bien allumée – de nos trois enquêteurs : « Les éditorialistes sont plutôt de droite, et ils ont estimé que Strauss-Kahn, c’était une gauche qui leur convenait. »
Mais voilà que, patatras ! éclate l’affaire du Sofitel. La candidature rêvée de DSK se ramasse dans les poils de moquette de sa chambre d’hôtel. Il faut d’urgence refaire le casting, donner un nouveau visage à la gauche convenable. Tiens, Hollande. Pourquoi pas lui ? Il croupit à 5% dans les sondages, mais c’est un type que les éditorialistes « connaissent bien », dira Szafran, et dont ils apprécient les blagues de fin de dîner.
Comme Sarkozy, Hollande a soutenu les traités européens de Maastricht et de Lisbonne, approuvé les privatisations, validé la réduction draconienne des déficits publics, récusé le protectionnisme, sanctifié la croissance, applaudi la réintégration par la France du commandement intégré de l’OTAN. C’est donc l’adversaire parfait de Sarkozy. Libération, Le Monde, Le Nouvel Observateur, Marianne, Canal +… Le Parti de la presse et de l’argent (PPA) se met en ordre de bataille, à coups de « unes » promotionnelles et d’éditoriaux de patronage. À l’instar des petits dramaturges de Sud Ouest, qui avaient érigé un énarque déplumé en star du rock’n’roll, les directeurs de l’information nationale vont bombarder un autre énarque déplumé – mais « de gauche » celui-là, c’est Libération qui le certifie à la « une » – en favori indiscutable du barnum présidentiel.
Mordre et fuir
C’est sur ces entrefaites que débarque la joyeuse équipe de DSK, Hollande, etc. Grillé comme intervieweur, Carles a laissé à Brygo et Van Opstal le soin d’entreprendre les têtes de gondole du PPA. C’est l’occasion de passer le relais à une nouvelle génération de flibustiers, pour qu’ils se rodent à mordre et fuir. Bonne nouvelle, la relève est là. Elle n’est pas de trop pour monter à l’abordage des montgolfières Laurent Joffrin, Jean-Michel Aphatie ou Nicolas Demorand. Séquence déjà culte, celle où le directeur joufflu et tête à claques de Libération, ulcéré par le toupet de Brygo avouant ne pas être un lecteur fidèle de son journal, braille en boucle, comme un âne devenu chèvre : « Lisez Libé, lisez Libé, lisez Libé !… »
Mais le pire affront que l’on puisse faire à un homme de médias, c’est de l’identifier au système médiatique. Le trucage du jeu électoral, c’est pas moi, c’est les autres : cette constante ligne de défense, burlesque de la part des grands chefs de l’information – « Voyez TF1 ! », brame Demorand –, prend un tour plus poignant chez leurs petits soldats. David Revault d’Allonnes, suiveur du parti socialiste au Monde, admet volontiers que la presse a fait campagne pour Hollande, mais se vexe comme un pou dès qu’on lui rappelle ses propres tendresses passées pour DSK. Matthieu Écoiffier, journaliste politique à Libération, reconnaît sans problèmes que les médias ont soutenu Strauss-Kahn, mais trouve un peu raide qu’on puisse faire le même procès à Libération. Confronté aux pièces à conviction que son coriace visiteur lui colle dans les mains, le malheureux s’empêtrera dans ses dénégations et finira même par nous arracher quelques larmes. Oui, toujours la même histoire, et le même plaisir à la décortiquer. Dans Juppé forcément, les aînés bordelais d’Écoiffier secouaient déjà la tête comme des gamins butés en se défaussant sur leurs collègues. « Je considère qu’on en a fait moins sur Juppé que France 3 », expliquait un rédacteur en chef de Sud Ouest. « On l’a couvert comme toute la presse, mais Sud Ouest, beaucoup plus, beaucoup plus ! », assurait un responsable de France 3.
Presque vingt ans ont passé. On ne sait pas encore si Hollande sera président de la République, mais Juppé, lui, est toujours maire de Bordeaux.
Olivier Cyran – pierrecarles.org
Diffusion pirate du dernier film de Pierre Carles sur le port de Dunkerque
COMMUNIQUÉ DU RÉSEAU DES TRAVAILLEURS BATAILLANT CONTRE LES FALSIFICATIONS (RTBF) – SOIRÉE ÉLECTORALE OFF SUR LE PORT DE DUNKERQUE
Dimanche 22 avril, à partir de 20 heures, dans le hangar 4×4, au bout du Môle 1 du Port de Dunkerque (darse du Jokelson, en entrée de ville avant le Pôle Marine), le Réseau des travailleurs bataillant contre les falsifications (RTBF) propose une soirée électorale off et diffusera le documentaire autoproduit, autodistribué, autogéré (et autodestructible) DSK, Hollande, etc. (85′), une enquête sur « les médias en campagne électorale », réalisé par Julien Brygo, Pierre Carles et Aurore Van Opstal. Il sera précédé de la projection de Juppé, forcément (31′, 1995), un documentaire de Pierre Carles sur le processus de sélection médiatique des candidats à l’élection municipale de Bordeaux en 1995. La projection sera suivie d’un débat avec le coréalisateur, Julien Brygo.
Ouverture des portes : 19h30
Projection de « Juppé, forcément » (1995, 31′) : 20h30
Projection de « DSK, Hollande, etc. » (2012, 85′) : 21h30
Entrée à prix libre.
Informations sur le film, sa fabrication, les aimables courriers d’avocat qu’il a suscité, les moyens de le soutenir financièrement ou de le projeter : www.pierrecarles.org
Indymedia Lille, 20 avril 2012
Poutou/Pujadas sur France 2 : l’ouvrier contre le journaliste de la classe dominante ?
Le passage de Philippe Poutou, le candidat du NPA, dans l’émission des Paroles et des Actes sur France 2 a encore mis en évidence la condescendance des animateurs et journalistes à son égard. Le journalisme politique à la télévision est-il d’abord et avant tout le journalisme de la classe dominante ?
Ontologiquement, ma télévision est de droite. La prestation de Philippe Poutou lors de son passage sur France 2, chaîne publique, dans l’émission Des Paroles et des Actes, est venue confirmer ce principe aussi vieux que la télévision elle-même.
Le candidat du NPA, huron autoproclamé de l’élection présidentielle, est l’encre sympathique de la machine télévisuelle française. Chacune de ses apparitions sur le petit écran est l’occasion de voir les éléments de cette machine politique, animateurs, présentateurs et journalistes, se dévoiler tels qu’en eux-mêmes, archétypes de la sociologie de Bourdieu qui s’ignorent, porte-voix de toutes les dominations de classe, hérauts du cercle de la raison, représentants du prêt à penser au service des forces de l’argent.
Nathalie Saint-Cricq, David Pujadas, François Lenglet et Fabien Namias, sans le percevoir (ce que c’est de la force de l’habitus) sont les dernières victimes du redoutable David Poutou.
Formulant le jugement qui précède, l’auteur de ces lignes entend déjà la réaction du lecteur croyant dur comme fer aux vertus du « journalisme objectif » théorisé par Jean-Michel Aphatie : « Mais d’où sort ce réquisitoire que l’on croirait rédigé par Pierre Carles, Acrimed ou Serge Halimi ? Quels éléments accréditent une telle accusation ? Ça y est, vous faites dans la critique facile des médias à la mode de l’ultra gauche ? » À cela, on répondra : rien de plus facile à établir, il suffit de lister les questions posées à Philippe Poutou durant les seize minutes et trente-quatre secondes que dura sa prestation.
On reprend le déroulé de l’interview de Philippe Poutou :
David Pujadas : « Est-ce qu’une grande forme de l’aliénation aujourd’hui, ce n’est pas la dictature des marques ? Avoir le dernier écran plat, le téléphone portable ? » Pujadas, qui a visiblement davantage lu Naomi Klein que Marx, attaque sous l’angle de l’époque et du vivre avec son temps. Réponse de Poutou : ce ne sont pas les problèmes numéros un du moment. Pujadas découvre que ce qui compte en économie capitaliste, c’est l’infrastructure, pas la superstructure. Débat clos.
François Lenglet : « Vous voulez réquisitionner les banques, les industries de l’énergie, de l’agro-alimentaire, le mot de propriété privée a-t-il un sens pour le NPA ? » Lenglet tape fort d’entrée en peignant implicitement Poutou en rouge collectiviste, puis il enchaîne : « On a le droit de posséder son logement, sa voiture ? » Procédé qui consiste à démontrer au téléspectateur que Poutou peut s’attaquer aussi bien à Maurice Lévy qu’à Madame Dugenou. Mais Poutou riposte encore efficacement en répondant, par exemple, que la loi prévoyant la réquisition des logements vides existe, mais qu’elle n’est pas appliquée. Débat clos.
Lenglet poursuit : « Vous dites qu’iI faut prendre l’argent là où il est : revenir sur les allègements de charges sociales, et vous dites que ça rapporterait 179 milliards alors qu’en fait c’est 39 ». Là encore, Poutou, attaqué sur sa compétence supposée, réfute le chiffre et surtout explose Lenglet en s’en prenant au vocabulaire employé par le journaliste, vocabulaire révélateur d’une idéologie libérale : « Les charges ça n’existe pas, ce sont des cotisations sociales, pour les retraites et le reste ». Débat clos.
David Pujadas : « Votre programme prévoit l’interdiction des licenciements, ça veut dire qu’une entreprise qui n’a plus de clients, elle est obligée de garder ses salariés ? » Pujadas sort l’argument imparable, avec un syllogisme capitaliste et libéral implacable, plaidant la cause des PME. Mais Poutou ne tombe pas dans le piège et riposte en évoquant la catégorie des entreprises qui licencient en faisant des profits, les multinationales comme Arcelor. Débat clos.
Fabien Namias : « Il faut démanteler les institutions européennes dites vous. Rien que ça ! Au delà du concrètement, comment on fait pour démanteler la BCE et la Commission, comment la France seule peut le faire ? » Argument classique du libéralisme bien tempéré à échelle européenne qui consiste à considérer que l’on ne peut pas changer ce qui existe et qu’en dehors de la soumission obligatoire, rien n’est possible. Poutou s’en sort en expliquant qu’il plaide pour une Europe sociale et des peuples solidaires. Débat clos.
Nathalie Saint-Cricq : « Ce n’est pas bizarre de dire au gens de voter pour un candidat à la présidentielle qui veut supprimer la fonction présidentielle, ce n’est pas paradoxal ? » Poutou répond en montrant sa légitimité de candidat : « On a les parrainages, on est légitime, c’est pas interdit de critiquer les institutions ». Il montre que sa logique politique n’est pas la conquête de ce pouvoir-là.
Pujadas : « Mais vous, vous n’avez pas envie de devenir président de la République ? » Procédé destiné à démontrer, dans la ligne Saint-Cricq, que Poutou est grosso modo un rigolo. Mais ce dernier, encore habile et désarmant de sincérité : « Je suis candidat pour porter un programme, des idées ».
Nathalie Saint-Cricq, reprenant encore une fois le même thème : « Vous dites que vous dormez bien, mais que parfois vous avez des réveils difficiles, est-ce que c’est super entraînant pour les électeurs de voir quelqu’un qui prend ça pour un calvaire ? » Poutou, toujours sincère, donc toujours désarmant, se revendique de Cincinnatus : « Ce n’est pas mon rêve, les élections finies, je retourne à l’usine ».
Fabien Namias : « Justement, cette attitude un peu distante, est-ce que ce n’est pas de nature à dérouter ceux qui voudraient voter pour vous ? » Rebelote sur la thématique « ce n’est pas normal de ne pas vouloir devenir un people de la politique, même Besancenot en est devenu un ». Ultime réponse de Poutou, avec coup de patte à Nicolas Sarkozy : « J’ai pas rendez vous avec le peuple, j’ai pas entendu des voix ». Débat clos. Enfin !
Nathalie Saint-Cricq : « Vous parlez d’une école commune, de 3 à 18 ans, sans notes, sans classement, sans orientation, sans sélection, ça veut dire que celui qui ne fiche rien, il est traité comme celui qui travaille ? » Là encore, cette plaidoirie en creux pour une école de la reproduction sociale et de la soumission économique est battue en brèche par Poutou, qui plaide pour une école de l’apprentissage de la liberté : « Il n’y a pas que devenir un salarié ou un ouvrier dans la vie ». Débat clos.
David Pujadas : « Sur l’immigration, vous êtes pour la liberté de circulation et d’installation, autrement dit plus de frontières, l’immigration, sa régulation ce n’est pas un problème pour vous ? » Poutou, c’est le candidat des hordes étrangères déferlant sur la France. Réponse de Poutou : « On n’est pas des obsédés du contraire comme la candidate d’avant », démontrant que commencer à se poser la question, c’est mettre le doigt dans l’engrenage qui mène au FN. Débat clos.
Fabien Namias : « Avec Mélenchon, sur le SMIC à 1.700 euros et la nationalisation des banques, vous dites la même chose, pourquoi n’êtes vous pas ensemble dès maintenant ? » Façon subtile de suggérer que la candidature Poutou est inutile et que Mélenchon est aussi dangereux que le huron Poutou, double impact. Réponse : « On ne veut pas être à la remorque du PS et de Hollande ». Débat clos.
Entendons-nous bien. On ne discute pas du choix des questions posées par les uns et par les autres, car il s’agit bien des thèmes qu’il convient d’aborder face à Philippe Poutou, son projet et son programme.
Uniformité de pensée
Non, ce qui est en cause ici, c’est la méthode, l’approche, la suggestion présente dans chacune des questions posées. Chaque interpellation dénonce un mode de pensée, d’appréhension de la vie politique, des sphères économiques et sociales qui trahit chez TOUS les journalistes présents le mode même mode de pensée et l’appartenance à la classe dominante, politiquement, économiquement, socialement et culturellement.
En vrac : l’Europe, telle qu’elle est, est intouchable ; les cotisations sociales deviennent des charges qui plombent les entreprises ; les banques ne peuvent pas être contraintes au service de la collectivité parce que prime d’abord la propriété privée et tant pis pour l’idée de service public ; l’école doit être d’abord et avant tout une machine à sélectionner et à reproduire ; la politique, c’est l’affaire des professionnels ; le licenciement est un procédé naturel de la vie économique et tant pis pour les êtres humains…
Tout sort du même tonneau libéral et conservateur. Il n’est pas une question, pas une, qui, dans sa formulation, ne fasse pas écho à une vision de la société authentiquement, uniquement et profondément de droite en ce qu’elle révèle la soumission totale et résignée à l’ordre des choses tel qu’il est.
Soyons encore plus précis : ce n’est pas un problème en soi que des journalistes incarnent une certaine forme de pensée politique, économique, sociale et culturelle. Non, le problème, le vrai, le seul, c’est l’uniformité et le monopole de la représentation de cette seule pensée droitière dans une émission politique grand public de première importance à la veille d’un scrutin présidentiel déterminant. Et la situation est à ce point prégnante, parce qu’à ce point ancrée dans les gènes de la télévision, que plus personne ne s’offusque de cet évident manquement au pluralisme.
Comme ils étaient terribles, d’ailleurs, les applaudissements qui saluèrent la dernière tirade de Poutou. Terribles parce que trahissant le soulagement. L’ouvrier rouge est sympathique, et tout bien considéré, pas si dangereux puisque l’entretien a démontré malgré tout que les objectifs qu’il se fixe sont hors de sa portée.
Même le public de l’émission était de droite.
En seize minutes et trente-quatre secondes, Philippe Poutou a résumé à lui seul soixante ans d’histoire de l’audiovisuel en France. Ontologiquement, ma télé est encore et toujours de droite, et seulement de droite. Débat clos ?
Leur presse (Bruno Roger-Petit, leplus.nouvelobs.com, 12 avril 2012)
Je dois avouer que je préfère à ce décorticage sans perpective le texte d’une stal pur sucre qui ne dit pas, cette fois, des conneries dans ce qui suit, où il est question de ne pas donner son vote mais de le prêter, attitude qui sera sans doute celle de pas mal d’électeurs et sur laquelle il y aura aussi à faire fond :
http://histoireetsociete.wordpress.com/2012/05/03/un-debat-televisuel-et-la-comedie-humaine-par-danielle-bleitrach/