Bidonvilles d’El Hamiz (Alger)
Les habitants de Souachette manifestent
Les services de sécurité sont pointés du doigt pour leur manque de réactivité alors qu’une caserne de police et un barrage de gendarmerie se trouvent à quelques centaines de mètres.
Quand l’autorité est absente, l’anarchie règne en maître. C’est le cas, hier, au Hamiz, où l’émeute a encore une fois pris le pas sur la loi. En effet, des habitants du bidonville de Souachette (commune de Rouiba) n’ont pas trouvé mieux que de bloquer l’entrée du Hamiz (commune de Dar El Beïda) à l’aide de barricades et de pneus brûlés.
« Cela fait plus d’un mois que nous sommes plongés dans le noir, ils nous ont laissé sans électricité », dénonce un jeune qui était en train de mettre le feu à un pneu. « C’est vrai que nous sommes dans des bidonvilles mais on est quand même des Algériens or, l’État nous méprise », ajoute-t-il avec autant de colère.
Mais le comble dans cette histoire c’est que ce bidonville se trouve à plus de 3 km de l’endroit où ils ont décidé d’installer leur « campement » d’émeutiers. « Si on avait bloqué la route de notre quartier, notre protestation serait passée inaperçue, on a donc décidé de bloquer, à l’heure de pointe matinale, la route principale, ce qui bloque les automobilistes venant de Rouiba, Reghaïa, Aïn Taya, Bordj El Bahri… (toute la banlieue Est d’Alger à partir du Hamiz) », explique un autre émeutier dont l’âge n’a pas encore atteint la majorité. « C’est le seul moyen qu’on a trouvé pour faire entendre notre voix », lance un autre jeune.
Ils étaient donc des dizaines de jeunes à protester contre ce qu’ils appellent la « hogra » des autorités envers l’Algérie d’en bas dont ils disent faire partie. Cela au grand dam des riverains qui ont eu la désagréable surprise de se retrouver de bon matin pris en otage non seulement par des jeunes émeutiers mais aussi le laxisme des autorités. « C’est quoi ce pays où les autorités se retrouvent impuissantes devant quelques jeunes adolescents », peste Omar qui était en retard pour son travail. « On en a marre de cette politique de « pneus brûlés », dès que quelqu’un à un petit problème il bloque les routes et brûle des pneus pour avoir gain de cause. Et c’est le citoyen qui se retrouve, comme à chaque fois, pris en otage », poursuit-il avec haine. « C’est la faute de l’État qui ne fait pas son travail et qui répond favorablement à ce genre de comportements pour éviter des émeutes et que le gouvernement tombe », assure de son côté Ahmed, un jeune étudiant qui n’a pas trouvé de bus pour rejoindre son université et se voit donc obligé de marcher à pied jusqu’à Bab Ezzouar. « À cause de ces énergumènes je vais perdre mon travail. Laissez-moi leur montrer c’est quoi l’autorité vu que ni l’État ni leur parents ne les ont éduqués », vocifère Aami Ali un quinquagénaire qui venait d’endommager sa voiture en tentant de « traverser » le trottoir qui sépare les deux voies et qui voulait en découdre avec ces jeunes qui lui ont « gâché sa journée ».
Toutefois, la colère des automobilistes ciblait les services de sécurité. « Regardez ! cela fait plus de deux heures qu’on est bloqués là et il n’y a aucun policier qui est venu. Voyez par vous-mêmes », s’indigne un autre automobiliste en nous montrant un 4×4 Sorento de police qui faisait tout bonnement demi-tour au lieu de… « Pis encore, il y a un barrage de gendarmerie à 100 mètres, sur le pont, la caserne de police se trouve à 500 mètres et celle des gardes communaux à 20 mètres mais personne n’est venu protéger ces citoyens », dit-il choqué. « Tout le monde a peur d’intervenir ! C’est eux qui sont censés nous protéger ?… mon œil ! », rétorque-t-il. « Mon Dieu ! où va l’Algérie où des adolescents qui dictent leur loi ? » s’interroge Sabrina. « Ça c’est le résultat du laisser-aller qui perdure depuis des décennies. Et ces bidonvilles qui ont proliféré à travers tout le pays sont la meilleure preuve », atteste-t-elle.
« Ils nous demandent de voter alors qu’ils ne sont même pas capables de nous protéger ! » lance-t-elle dépitée. « Ils n’ont qu’à voter eux-mêmes ! », ironise-t-elle. Ce refus de voter a également été exprimé par les émeutiers qui refusent de voter pour un gouvernement qui les méprise. À quelques semaines des élections législatives, la population en a donc ras-le-bol mais refuse de s’exprimer par les urnes car elle ne leur fait pas confiance. L’expression de cette colère se fait donc avec la méthode que l’État leur a inculquée, à savoir la rue…
Leur presse (Walid Aït Saïd, LExpressiondz.com, 14 mars 2012)